6 novembre dernier, stade du Letzigrund, Grasshopper – Young Boys. A la 6e minute, le défenseur zurichois Toti Gomes se lance avec peu d’égards dans un duel aérien avec Christian Fassnacht. Le Bernois reste étourdi et est pris de vertiges.
Ce n’est qu’à l’hôpital que l’on constate une commotion cérébrale, et également une fracture de l’os temporal. Pire, Christian Fassnacht n’entend pratiquement plus rien de l’oreille droite. «D’une seconde à l’autre, ma vie a changé», déclare le Zurichois en revenant sur les moments dramatiques d’il y a six semaines.
Retour probable avec un casque
17 décembre. Christian Fassnacht n’entend toujours presque rien de l’oreille droite. Mais au téléphone, c’est à nouveau le jeune homme positif et plein d’allant qui répond. «Je peux à nouveau m’entraîner correctement. Et j’ai remarqué que plus rien ne me limite, sauf que la fracture n’est pas encore complètement guérie. Je ne peux donc pas encore disputer de duels.»
Cela va rester ainsi un moment, car le risque d’une fracture du crâne dans cette situation pourrait dans le pire des cas entraîner la mort. Mais Christian Fassnacht n’a pas de problèmes d’équilibre malgré son conduit auditif endommagé. «Quand je pourrai reprendre les duels, je mettrai probablement un casque, explique-t-il. Au moins au début. Mais j’espère que ce ne sera pas pour longtemps. Nous avons déjà Guillaume Faivre dans l’équipe», rigole Christian Fassnacht. Un rire qui fait du bien.
«La qualité de vie avait disparu»
Retour en arrière. Quelques semaines en arrière. L’humeur était alors complètement différente. «C’est à ce moment-là que j’ai ressenti pour la première fois ce que cela pouvait signifier de devenir dépressif, raconte le joueur de la Nati. Soudain, les choses que l’on aimait ne faisaient plus plaisir. Comme se détendre avec sa copine, cuisiner ou regarder des films. Au restaurant, je devais m’enfuir au bout de dix minutes parce que j’avais l’impression que ma tête allait exploser. La qualité de vie avait soudainement disparu. Le matin, je n’avais pas envie de sortir du lit. Tout à coup, la vie ne me semblait plus être ce qu’elle était réellement. C’était très, très pénible et frustrant.»
Le cerveau s’adapte
Pourtant, Christian Fassnacht remonte la pente. D’abord grâce à son entourage: petite amie, famille ou coéquipiers. Bien sûr parce que des progrès physiques ont été réalisés, mais pas au niveau de l’ouïe. Un test effectué en début de semaine a montré qu’elle était autant altérée qu’après l’accident. Et personne ne sait s’il y aura des améliorations. «Mais le cerveau s’est habitué à ne plus recevoir les mêmes signaux de l’oreille qu’avant l’accident. Il s’adapte donc.»
En d’autres termes, il ne se met plus en mode de défense comme en cas de bruit ambiant. «Maintenant, je peux à nouveau aller au restaurant», souffle Christian Fassnacht, l’un des héros de l’équipe de Suisse lors du huitième de finale de l’Euro contre la France. Sa réaction personnelle à la situation est tout aussi importante: «Je l’ai communiquée de manière offensive, je n’ai jamais rien caché. Quand mes coéquipiers me demandaient comment j’allais parce que j’avais l’air mal, je ne leur disais pas que ça allait. Plutôt: 'Je vais mal'. Cela m’a aidé.»
Prendre exemple sur le hockey
Christian Fassnacht est sur le chemin du retour, et en mission: «Je m’engage dorénavant avec véhémence en public pour que la tête soit mieux protégée dans le football. Le rapport entre la sanction des fautes commises à la tête et celle des autres fautes n’est tout simplement pas correct. Si un arbitre voit la semelle sur un tacle, il sort immédiatement le rouge. C’était par exemple le cas pour Remo Freuler lors du quart de finale de l’Euro contre l’Espagne. Une mauvaise décision à mon avis. Mais dans mon cas, il n’y a même pas eu de jaune. Une seule intervention négligente peut avoir des conséquences graves. J’ai eu de la chance dans mon malheur. D’autres n’ont pas eu cette chance. De telles fautes doivent être sanctionnées de manière conséquente. Si nécessaire, comme au hockey sur glace, avec des suspensions a posteriori.»
A-t-il depuis regardé la faute? «Plusieurs fois», répond Fassnacht. Puis un long silence s’installe. Qui en dit plus long que beaucoup de mots. Et Toti? Celui-ci s’est-il excusé? «Il m’a envoyé un message.» Point final. C’est tout. Et Christian Fassnacht a eu de la chance.