Chaque jour, la Servettienne Léonie Fleury parcourt entre treize et quinze kilomètres. Et cela, avant même d’avoir mis le pied sur un terrain de football. De 9h à 17h, l’attaquante multiplie les allers-retours, plateau à la main, entre les tables et le comptoir du Prime’s. Ce bar sportif se trouve juste à côté de la patinoire des Vernets, antre de Genève-Servette. L’établissement a longtemps porté le nom de son ancien propriétaire, l’entraîneur Chris McSorley.
Léonie Fleury y travaille donc comme serveuse, à côté de sa carrière de joueuse. Elle nous y reçoit à la fin du service de midi. Ses collègues prennent le relais le temps d’une rapide séance photo et d’une interview.
Même pas le temps de se changer au stade
«Je travaille de 9h à 17h, avec une demi-heure de pause. Quand j’ai fini, j’ai 30 minutes pour arriver, prête, sur le terrain d’entraînement à la Fontenette à Carouge. Je dois me changer au boulot et espérer trouver une place de parking rapidement. C’est lourd. Il y a des soirs où je suis bien fatiguée, j’ai mal aux jambes. Mais, je ne m’en plains pas et je veux tout faire pour être performante sur le terrain. Travailler, c’est un choix pour gagner ma vie et mettre un peu d’argent de côté pour plus tard. Je veux aussi éviter d’avoir un trou dans mon CV.»
Plusieurs clients du bar la reconnaissent, parlent des résultats du club grenat et la suivent même le dimanche au stade. Lundi, certains devraient faire le déplacement à Lausanne pour soutenir les Servettiennes et les aider à remporter un deuxième titre de champion contre le FC Zurich.
«Le FCZ, c’est du costaud: il y a une vraie rivalité qui s’est installée entre nos deux équipes, se réjouit Léonie Fleury. En leur prenant le titre l’année dernière, nous sommes devenues l’équipe à battre.» La joueuse formée à Saint-Etienne (qui avait fait ses débuts en Ligue 1 à 16 ans!) a été l’un des moteurs de l’arrivée du Servette Chênois au premier plan en Suisse. En trois saisons, l’attaquante cumule 41 goals en 76 matches.
La folle épopée en Ligue des champions
Ces derniers mois, une forte compétition à l’interne a fait baisser le temps de jeu de Léonie Fleury. Les ambitions de Servette Chênois se font ressentir dans le recrutement, avec de nombreux renforts étrangers. Le premier titre de champion de l’histoire du club, fêté en 2021, ne devait rien au hasard.
«Forcément, nos résultats et notre qualification en Ligue des champions ont attiré du monde, provoqué de l’engouement, analyse la Française de 25 ans avec calme. Si on veut s’installer en Europe, c’est normal que la concurrence se renforce. C’est important pour que le niveau augmente. J’espère être déjà dans le groupe pour la finale. Si l’entraîneur fait appel à moi, je donnerai tout pour aider l’équipe à soulever le trophée.»
L’épopée européenne des Servettiennes avait battu des records d’affluence: 12’782 personnes avaient assisté à leur match contre Chelsea en novembre dernier (défaite 7-0). Même si l’apprentissage a été rude en phase de poule de la Ligue des champions (six défaites et aucun but marqué), cette qualification a permis au club de changer de catégorie.
Ramener la Coupe au boulot
«Même quand on jouait trois matches en une semaine, certaines continuaient de travailler à côté. C’était difficile à gérer et il fallait faire encore plus attention à notre hygiène de vie. Le bar m’a aidée quand je devais partir à Londres ou Wolfsburg pour la Ligue des champions, en me libérant trois jours. Même si je devais rattraper ces heures par la suite.»
En cette fin de semaine, elle a aussi laissé son tablier dans l’armoire entre samedi et lundi pour se concentrer à fond sur cette finale. «Mardi matin, je serai de retour au travail, rigole Léonie Fleury. Qu’on gagne ou qu’on perde, même si on fait la fête, je devrai prendre mon service. Qui sait? Je prendrai peut-être la Coupe avec moi pour la montrer aux clients.» Sa cote de notoriété prendrait sans doute encore l’ascenseur dans ce bar sportif.