Remplacer Steve von Bergen en tant que consultant de la Nati sur la RTS n’est pas tâche aisée. Surtout après les émotions transmises lors du mémorable huitième de finale contre la France lors du dernier Euro. Pourtant, Johan Djourou a tout pour relever ce défi sur le service public. Dès le prochain match de l’équipe de Suisse, le 2 juin en République tchèque, l’ancien défenseur de la Nati sera aux côtés de David Lemos. Pour la première fois, le duo évoque ensemble cette nouvelle aventure.
Comment s’est fait le premier contact?
David Lemos: Quand Steve von Bergen m’a annoncé qu’il arrêtait… – et j’aimerais en profiter pour dire que j’ai fait la découverte d’une personne honnête, directe et sans faux-semblant. J’ai compris pourquoi il était respecté en tant que capitaine – on a rapidement parlé de son successeur. Johan s’est imposé comme la personne idéale. C’était évident que je devais l’appeler.
Johan Djourou: Cet appel m’a vraiment fait plaisir. J’ai trouvé ça super. Mais, j’avais déjà beaucoup d’engagements. Je me suis aussi demandé comment j’allais réussir à jongler avec tout ça. Avec David, on a décidé de se voir rapidement pour en discuter.
Le courant est bien passé?
JD: Oui, vraiment. J’ai eu un super feeling. On a parlé de leur philosophie, de ce que je pouvais apporter. On avait la même façon de voir les choses et on était très vite d’accord. Il ne restait plus qu’à trouver une solution avec mes autres mandats, notamment à RMC.
DL: Le courant est vraiment bien passé. On a décidé d’aller de l’avant. Ensuite, j’ai passé le relais à ma hiérarchie. Ce n’était plus de mon ressort.
Est-ce que vous ferez un test avant le match du 2 juin en République tchèque?
DL: Non, mais on va beaucoup se parler avant et se préparer au mieux. Les quatre premiers matches de la Ligue des nations nous serviront de rampe de lancement. Notre but, c’est d’être prêt pour la Coupe du monde. C’est aussi faux de prétendre que Johan doit s’adapter à moi. On va devoir s’apprivoiser l’un et l’autre. Je pense que pour la première fois, on accueille quelqu’un qui ne débute pas sur la RTS. Il apportera son vécu dans les médias. Nous devons aussi être prêts à être défiés par ses retours.
JD: J’ai la chance de travailler avec des journalistes expérimentés sur RMC, comme Stéphane Guy et Jérôme Sillon. J’aime apprendre d’eux, les écouter et garder certains aspects de leur style. Savoir quand assumer un silence par exemple. Avec l’équipe de Suisse, je veux amener mon expertise, le vécu commun que je partage avec certains joueurs actuels. J’essaierai d’être pertinent dans mon rôle, surtout sans prendre toute la place.
Est-ce que vous allez vous approcher en dehors, en faisant des marches en montagne ou des parties de bowling par exemple?
JD: C’est important d’avoir cette affinité. Pour que le binôme fonctionne, on est obligé de s’intéresser l’un à l’autre. Peut-être dire que David va me dire que je le saoule après deux jours (rires). Non, mais plus sérieusement, les choses vont se faire naturellement avec le temps. Dans le meilleur des mondes, une amitié va se nouer entre nous.
DL: Absolument et pas besoin d’aller faire des randonnées pour ça (rires). On a déjà pas mal déconné pendant la séance photo. À la RTS, Johan pourra lâcher la cravate qu’il porte en France. On ne va rien forcer mais on s’entend déjà très bien.
Qu’est-ce qui va changer vis-à-vis de Steve von Bergen?
DL: Pour les gens qui n’ont encore jamais entendu Johan, je pense qu’ils vont être frappés par son aisance dès la première minute. Il connaît déjà ce rôle. Aussi grâce à sa carrière à l’étranger, dans des pays où la culture footballistique et de prise de parole sur le sujet sont beaucoup plus développées qu’en Suisse. Il fait partie d’une génération des joueurs qui a toujours eu conscience des enjeux médiatiques pendant sa carrière, qui connaissait les codes et qui n’a pas été sur la défensive.
JD: Je déteste les comparaisons. Steve et moi, nous sommes deux personnes différentes. C’est quelqu’un que j’apprécie énormément. Ce sont les gens qui vont remarquer de potentiels changements. J’aimerais peut-être amener des choses que j’ai pu tester à RMC, une autre vision de parler et d’analyser le football à la télévision.
Votre duo a aussi une portée symbolique. David, vous étiez le premier commentateur de l’équipe de Suisse sur la RTS issu de l’immigration. Johan, vous serez le premier consultant noir.
JD: Oui notre duo est un symbole magnifique, à l’image de l’équipe de Suisse. J’ai été un porte-drapeau durant ma carrière, après des pionniers comme [Blaise] Nkufo et [Badile] Lubamba. Ma génération a été la première où plusieurs joueurs noirs évoluaient ensemble pour notre pays. Dans la rue, des personnes issues de l’immigration me remercient et me félicitent encore de les avoir représentés. La Suisse est un pays multiculturel. J’en suis fier et j’espère pouvoir inspirer des petites filles et des petits garçons dans leur salon.
DL: Johan s’imposait au-delà de ce symbole et je ne me suis pas posé la question. Le football suisse est devenu un terrain d’intégration depuis 30 ans. Cette équipe nationale fait aussi notre fierté pour ces raisons-là. Même quand ils ne chantent pas hymne, les joueurs donnent tout pour le maillot. Avec Johan, nous sommes tous les deux Suisses comme peuvent l’être Remo Freuler ou Kevin Mbabu.
Johan, est-ce qu’il y a des voix de l’équipe de Suisse, des journalistes ou des consultants qui vous ont marqué quand vous étiez petit?
Mon rêve, c’était avant tout de jouer pour l’équipe de Suisse. Le foot a toujours été ma vie, ma passion. J’y ai tout dédié et quitté la maison à 16 ans. Enfant, j’ai surtout des souvenirs de matches sur les chaînes françaises. Thierry Roland bien sûr et plus tard Arsène Wenger qui avait été mon coach. En Suisse, j’apprécie beaucoup Philipp von Burg et David Lemos qui font de l’excellent travail.