Le temps a beau être maussade, le soleil dans les cœurs rend l'atmosphère plus que chaleureuse. Sur le terrain d'entraînement No 3 de la Tuilière, la nouvelle équipe du LS4ALL prend ses quartiers. Le LS4ALL? Une sélection de joueurs en situation de handicap mental venant de plusieurs foyers vaudois: celui de l'Espérance, de Lavigny ou de la Fondation Perceval.
Après une première expérience pleine de succès, lors de la rencontre à la Tuilière entre le FC Espérance et le FC Grand Conseil en juin dernier, le Lausanne-Sport a décidé de mettre les bouchées doubles en matière d'inclusion. Désormais, un groupe va s'entraîner une fois par mois sous ses couleurs, dans son centre d'entraînement. «Après le match du FC Espérance, Ludo (ndlr: Magnin, le coach du LS) est venu vers moi et m'a dit qu'on devait en faire plus», se souvient Vincent Steinmann, vice-président lausannois. Un avis qu'il partage. Ainsi nait le projet du LS4ALL, en collaboration avec Jean-Marie Perret, entraîneur du FC Espérance et fondateur du projet «On s'en foot».
Les étoiles dans les yeux avec l'équipement
Moins d'un an plus tard, les deux hommes sont réunis devant les joueurs, aux côtés de Gianluca Sorrentino, président de l'Association du FC Lausanne-Sport et Massimo Ceccaroni, directeur technique de l'Académie. Après un discours de chacun, Jean-Marie Perret appuie sur les notions de plaisir, de travail et de respect. Avant le début des choses sérieuses, Luca prend spontanément et brièvement la parole. Le joueur, qui a eu la chance de participer au match face aux politiques à la Tuilière – et même d'y marquer –, remercie le LS pour cette belle opportunité.
Alors que les premiers coups de sifflet retentissent et que les ballons roulent, Jean-Marie Perret se déplace en direction du banc pour venir échanger avec nous. Le Vaudois a des étoiles dans les yeux de voir ses protégés échanger des passes, survêtement du Lausanne-Sport sur le dos. «Quand ils ont vu l'équipement, ils étaient sur la lune, décrit-il. Par contre, je vais les récupérer et les nettoyer – je ne veux pas que certains partent avec (rires). Actuellement, ils touchent déjà à leur rêve.»
Parmi ses joueurs, cinq ont déjà un abonnement à la Tuilière et sont donc fans du LS. «Pour eux, c'est la consécration, sourit Jean-Marie Perret. L'image est immense pour eux, mais aussi pour leur famille. Toute leur vie, on leur a dit qu'ils ne pourraient pas faire la même chose que tout le monde. Et là, ils sont accueillis comme tout un chacun.» D'ailleurs, les cinq joueurs ne seront bientôt plus les seuls au sein de l'équipe à pouvoir se rendre régulièrement à la Tuilière. «Comme n'importe quel membre du Lausanne-Sport, ils auront tous le droit à un abonnement», révèle Vincent Steinmann.
Un tournoi national
Alors que l'exercice devant nous consiste à s'asseoir sur le cuir à chaque coup de sifflet, Jean-Marie Perret nous explique le processus de sélections de son équipe. «On ne peut malheureusement pas accueillir tout le monde, souligne-t-il. J'ai donc pris cinq joueurs de l'Espérance et six autres que j'ai côtoyés sur les terrains. Avec l'aide de leurs coachs, j'ai pu trouver les profils que je recherchais.» Pour ces profils, justement, il y a de tout. Que ce soit des joueurs moins doués techniquement mais qui apportent de la bonhomie dans le vestiaire, ou des footballeurs au-dessus du lot.
Les heureux élus ont donc pu fouler pour la première fois le terrain d'entraînement de la Tuilière ce jeudi matin. Leur objectif à moyen terme: le tournoi Swiss Inclusion League, le 24 mai prochain, à Brunnen, dans le canton de Schwyz. En juin dernier, Jean-Marie Perret nous disait qu'un décompte était réalisé pour le match face au FC Grand Conseil. En est-il déjà de même pour ce tournoi sous l'égide de la Swiss Football League? «Pas encore, même si c'est presque plus important que de jouer contre des politiques, répond-il. Il faut savoir jauger, car les émotions sont très difficiles à gérer pour eux.»
Pour ses joueurs, certes, mais qu'en est-il de lui qui doit vivre un sacré rêve éveillé? «C'est une catastrophe de mon côté, rigole-t-il. Je suis comme un gosse actuellement et ce soir, je dors avec ma tenue. Ce qu'on vit là est extraordinaire. Quand je vois ça, alors qu'on se fait encore refouler dans certains restaurants, je me dis qu'il faut encore croire en l'humanité.»
«Être exemplaire»
Avec son adjoint Laurent et grâce au Lausanne-Sport, Jean-Marie Perret va pouvoir mettre son équipe en avant. «Désormais, on est reconnus, s'exclame le coach. On fait tous le même sport, avec les mêmes émotions quand on perd.»
Une collaboration qui touche évidemment Vincent Steinmann. «C'est un pas de plus concret dans nos démarches liées à l'inclusion, se réjouit le vice-président du LS. En tant que club, on se doit d'être exemplaire.» Et en devenant le premier en Suisse romande à franchir le pas, Lausanne ouvre la voie. «Je crois qu'à Genève, il y a une dizaine d'équipes de ce type.» L'appel du pied à Servette est lancé.