Le projet à la base? Des matches entre l’équipe de football de l’Institut L’Espérance à Etoy et les juniors A du FC Epalinges. Les deux groupes ont fusionné dans un but: donner la possibilité à des personnes en situation de handicap mental de pratiquer du sport. «Ce n’est pas parce qu’ils sont dans cette situation qu’ils n’ont pas le droit à la performance», confie au bord du terrain le père de «On s’en foot» Jean-Marie Perret.
«Éduc’» et président du club de la banlieue lausannoise, le Vaudois prépare son équipe pour un match. Le 25 juin au Stade de la Tuilière contre le FC Grand Conseil. L’aboutissement, ou le début, d’une belle histoire qui existe maintenant depuis 5 ans. «Toute la vie, on a dit qu'ils n'iront pas à l'école comme les autres, qu'ils n'iront pas jouer au foot comme les autres. Et là, ils sont accueillis dans un stade pro. Je pense qu'on a gagné.»
Une équipe qui a grandi ensemble
Les juniors A, que sont-ils devenus? «Ce sont eux que tu vois sur le terrain. Ils sont restés dans le projet.» Les jeunes qu’ils étaient sont aujourd’hui devenus des adultes. Tous ne jouent plus au FC Epalinges. Si plusieurs ont changé de club, certains pour de la 2e ligue, la totalité de ces derniers a gardé un lien en entraînant à Epalinges.
Mais chaque année, les anciens joueurs d’Epalinges A 2018/2019 qui ont suivi le projet se retrouvent sur le terrain pour reformer le FC Esperance. Six d’entre eux et cinq bénéficiaires foulent la pelouse en même temps pour former cette équipe. L’an dernier, le FC Epalinges a d’ailleurs été récompensé aux Mérites Sportifs Vaudois pour son projet d'intégration.
En attendant le 25 juin
Le match du 25 juin au Stade la Tuilière est autant, si ce n’est encore plus excitant que les Mérites Sportifs Vaudois. Bénéficiaires et anciens A 2018/2019 sont des fans du Lausanne-Sport. Plusieurs sont des abonnés fidèles du LS avec maillot et tout l'attirail du parfait supporter vaudois.
«Pour nous, c'est la Coupe du Monde qu’on va jouer. Certains, ça fait depuis… (il réfléchit), ça fait un mois qu'ils dorment trois heures par nuit. On a un décompte à Etoy», explique Jean-Marie Perret.
«L’occasion de mettre les politiques face aux faits»
Une récompense aux Mérites Sportifs Vaudois, un match à la Tuilière. L’histoire est remarquable aussi parce qu’elle est bien seule de ce côté de la Sarine. En Suisse allemande, plusieurs équipes handicap affiliées à des clubs professionnels existent. La DreamTeam du FC Bâle depuis plus d’une vingtaine d’années.
«Ici, tout le monde te félicite: 'C'est génial ce que vous faites', puis une petite tape dans le dos. Mais quand il faut investir, faire venir les gens, en parler, c'est plus compliqué. Pour ça, bravo le LS.» Car Jean-Marie Perret rencontre encore énormément de réticences.
Pour trouver un terrain déjà. Il faut 25 minutes pour faire le chemin entre l’institution et le terrain du FC Epalinges. Plusieurs clubs dans les alentours d’Etoy ont été contactés. Tous ont refusé. «Déjà le foot féminin, c'est encore compliqué sur Vaud. Alors, les handicapés, qu'est-ce que c'est?», demande Jean-Marie Perret le long des 16 mètres. Il continue: «J’ai quand même des réflexions d'un autre temps. Quand on me dit: 'C'est pas vraiment du foot, qu'est-ce que tu nous emmerdes avec tes trisos'. Certaines réactions sont violentes. Ce match face au FC Grand Conseil, c'est l'occasion de mettre les politiques face aux faits.»
Des projets et une vocation
«L’événement du 25 juin constitue le premier jalon d’un projet plus vaste que nous sommes en train de développer avec le président du FC Epalinges», communique le Lausanne-Sport. Le FC Espérance espère que cette collaboration fasse germer d’autres initiatives ailleurs. A terme, Jean-Marie Perret veut jouer sous les couleurs du LS face à d’autres équipes handicap de clubs professionnels.
Quoi qu’il arrive, cette équipe a d’ores et déjà créé une initiative, personnelle. Après une formation dans le marketing, Jonas Kinzer s'est tourné vers le travail social. L'ancien joueur des A du FC Epalinges est aujourd'hui animateur-éducateur. «Le projet m'a rapproché fortement du sujet du handicap. C'est dingue, on trouve toujours de la complicité, des moments géniaux, drôles», explique le Vaudois de 22 ans, avant de conclure: «Ça m'arrive de nous regarder – on a tous un petit truc en plus.»