Sur le plan footballistique, l'Euro en Allemagne est une immense fête. Mais des messages d'extrême droite continuent de faire débat. Il y a par exemple les supporters autrichiens qui chantent le slogan «Ausländer raus» (les étrangers dehors). Et il y a Merih Demiral (26 ans), le double buteur turc en huitième de finale contre l'Autriche (2-1).
Après son deuxième but, le défenseur tend les deux bras en l'air et effectue ce qu'on appelle le salut du loup, affichant ostensiblement son soutien à un mouvement d'extrême droite appelé les Loups gris. Mais de quoi s'agit-il exactement?
Les Loups gris sont une appellation générale qui regroupe des associations, des groupes et des individus. Les partis turcs MHP (Parti d'action nationaliste) ou BBP (Parti de la grande unité), en particulier, se considèrent comme des membres des Loups gris.
Esprit martyr et idéaliste
Ils se qualifient eux-mêmes d'idéalistes (en turc «Ülkücü») et poursuivent l'objectif du panturquisme. Ils s'efforcent d'unir des groupes de peuples s'étendant des Balkans à l'Asie du Sud-Est en un empire appelé Turan. Le gouvernement chinois soupçonne des liens avec les Ouïghours, une ethnie turcophone de la province du Xinjiang.
La plupart des adeptes du mouvement prononcent le «serment des idéalistes» lors de leurs réunions. Ils y jurent de «poursuivre la lutte contre le communisme, le capitalisme, le fascisme et toute forme d'impérialisme» et que celle-ci continuera «jusqu'à ce que la Turquie nationaliste, jusqu'à ce que Turan soit atteinte». Et de se battre «jusqu'au dernier homme, jusqu'au dernier souffle, jusqu'à la dernière goutte de sang».
Les ennemis des Loups gris - le mouvement n'est pas interdit en Suisse à ce jour - sont notamment les Kurdes (groupe ethnique en Turquie, en Iran, en Irak et en Syrie). Mais les juifs, les chrétiens, les communistes, les Grecs ou les Arméniens en font également partie. A la fin des années 1970, des centaines d'assassinats ont été attribués au mouvement, et entre 1974 et 1980, les autorités turques en auraient recensé près de 700.
Ce que signifie le salut du loup
Alparslan Türkes (1917-1997), fondateur du parti MHP, aurait un jour expliqué le salut du loup qui unit les membres de l'association de la manière suivante: Le petit doigt symbolise la Turquie, l'index l'islam. Le cercle formé par les trois autres doigts représente le monde. A l'endroit où les doigts se rejoignent, il y a un sceau. En résumé, cela signifie: Ils veulent marquer le monde du sceau turco-islamique.
Mais la situation est complexe, car en Turquie, le signe est souvent compris comme une simple provocation, sans que la personne ne ressente un sentiment d'extrême droite. Le service allemand de protection de la Constitution écrit par exemple: «Même si le fait de montrer le salut du loup est une adhésion à l'idéologie 'Ülkücü', toute personne utilisant ce salut n'est pas forcément un extrémiste de droite turc». En outre, le signe est utilisé dans la pédagogie comme un renard silencieux. Le mouvement et le salut ne sont pas interdits en Allemagne, contrairement à l'Autriche par exemple.
Lors de grands événements comme un championnat d'Europe de football, «les personnes à tendance nationaliste ont une toute autre motivation pour exprimer leurs idées d'extrême droite», explique Felix Neumann de la Fondation Konrad Adenauer, cité par la SRF. Le football offrirait ainsi un grand terrain propice à l'extrémisme de droite et au racisme, car «en tant qu'individu, on est noyé dans la masse. On a l'impression de faire partie d'un groupe et ce sentiment peut donc s'amplifier».