Sheila Ebana vient de Guinée Equatoriale, ce tout petit pays caché entre le Cameroun et le Gabon, et colonisé successivement par à peu près toutes les puissances européennes, dont l'Espagne. Mounir Nasraoui est lui marocain. Et ce couple a donné naissance à un jeune homme qui enflamme l'Europe entière: Lamine Yamal Nasraoui Ebana, lequel a fêté ses 17 ans à la veille de la finale de l'Euro. «Yamal», hispanisation du prénom «Jamal», n'est ainsi pas son nom de famille, contrairement à ce que beaucoup de monde a cru durant la compétition, mais bien son deuxième prénom. Qu'importe: son nom de scène, «à l'espagnole», est bien Lamine Yamal et ce sont ses deux prénoms qui sont connus désormais à travers toute la planète.
Il était attendu comme l'une des promesses de l'Euro et il en a été l'un des meilleurs joueurs, éclipsant tout le monde. Sa technique, son insouciance, sa qualité de frappe et son tempérament ont séduit tous les observateurs et, encore mieux, ne l'ont pas empêché de s'intégrer dans un vestiaire professionnel, ce monde boursouflé d'egos et de statuts. Humble et modeste, ce jeune homme a eu l'intelligence de ne pas chercher la lumière, mais d'accepter qu'elle vienne sur lui, ce qui est sensiblement différent. Ses coéquipiers jouent le rôle du grand frère et tant qu'il conservera cet état d'esprit, il continuera de grandir. Le samedi 13 juillet, le jour avant le plus grand match de sa vie, il a fêté son anniversaire en toute simplicité, partageant… un gâteau au citron avec ses coéquipiers de la Roja.
Son père, en tout cas, est persuadé que son fils a un don. «Je savais dès sa naissance qu'il deviendrait une star. Il est le meilleur en tout, pas seulement en football, mais également en amour, sur le plan personnel, sur qui il est», a-t-il récemment déclaré à la presse espagnole. Pendant l'Euro, une photo a refait surface sur les réseaux sociaux où son fils, tout petit, se trouve dans les bras de Lionel Messi. Le monde du football y a vu une bénédiction et une transmission de témoin symbolique, à l'heure où le génial Argentin quitte doucement la grande scène et que son successeur présumé arrive. De quoi faire sourire Mounir Nasraoui, lequel a eu ce bon mot: «Est-ce Messi qui bénit mon fils ou mon fils qui le bénit?» Pris en flagrant délit d'arrogance, il a rigolé, comme pour montrer qu'il ne s'agissait que d'humour. «Lamine est un enfant et il a reçu une bénédiction de Dieu. Nous devons apprécier ce cadeau à sa juste valeur et en être digne», a-t-il aussitôt enchaîné.
Il ne doit pas oublier que le football est un sport collectif
Les écueils sont encore nombreux et, pour éviter les pièges et faire en sorte de ne pas se perdre en route comme de nombreux autres prodiges (qui se souvient encore de Bojan Krkic?), Lamine Yamal doit à tout prix conserver son humilité et ne pas se prendre pour un autre. S'il parvient à résister au star-system, que son entourage garde la tête froide et qu'il est épargné par les blessures, alors il marchera dans les traces de Lionel Messi, ce que son talent peut l'autoriser à faire. Mais si son père ou sa mère craquent, le font sortir de la route, qu'il écoute trop les autres et qu'il oublie que le football est un sport collectif, ce jeune homme sera un gâchis énorme. À lui de choisir.
Son pote et coéquipier en sélection Nico Williams, à peine plus âgé (22 ans), résume assez bien le sentiment général. «Lamine? Le ciel est sa limite.» Voilà pour le long terme. Et pour le court terme? Comment digérera-t-il cet été où tout lui a réussi? Quel sera son niveau de performance cet automne et cet hiver? Comment gérera-t-il les coups de moins bien et les premières critiques, voire les premiers coups durs? Les réponses à ces questions sont encore plus importantes, et seront bien plus décisives pour son avenir, que ce qu'il a pu accomplir d'immense durant cet été allemand.