Si le sport suisse a survécu à la pandémie, c’est en grande partie grâce à l’aide de la Confédération. Alors que les stades étaient désertés et que les grandes manifestations tombaient à l’eau en série, les Chambres fédérales ont pris le relais.
Elles ont rapidement accordé des centaines de millions de francs de prêts et de contributions à fonds perdu, tandis que l’Office fédéral du sport (OFSPO) et Swiss Olympic en organisaient la distribution. La rapidité était de mise: si les fonds devaient parvenir aux fédérations et aux clubs avant une éventuelle faillite, les demandes devaient être examinées et approuvées rapidement.
Pour ce faire, les fonctionnaires ont fait appel à des renforts, mais ceux-ci ont coûté cher: l’OFSPO a engagé les experts-comptables des entreprises BDO et Pricewaterhouse Coopers (PWC) pour deux millions et demi de francs chacune.
Aujourd’hui, des critiques se font entendre au Parlement au sujet de ces mandats très bien rémunérés et de leur attribution. Le conseiller national saint-gallois UDC Roland Rino Büchel déclare: «Les indemnités versées aux experts-comptables me semblent atteindre un niveau record. Pour parler de manière froide, quelqu’un a au moins compris que cette crise était une chance.»
La conseillère nationale bernoise Aline Trede souligne que l’OFSPO a fait beaucoup pour le sport dans une période très difficile. «Mais la manière dont les paquets d’aide ont été mis en place manque de soin», estime la cheffe du groupe des Verts.
Aline Trede critique également le coût élevé des services externes. «Avec cet argent, on aurait pu tout de suite engager un service spécifique et effectuer les contrôles en interne.»
Le DDPS et le Conseil fédéral ignorent tout
En juin 2020 déjà, la politicienne bernoise avait voulu savoir combien les externes avaient coûté à la Confédération. La réponse du département compétent, celui de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), avait alors été que le Conseil fédéral n’en avait pas connaissance.
Le gouvernement fédéral n’était pas seul dans ce cas. Lorsque Aline Trede est intervenue au Parlement, il lui était impossible de connaître le contenu des contrats. Rien n’a changé par la suite. Pourtant, les contrats de ce montant doivent obligatoirement faire l’objet d’un appel d’offres.
Or, comme l’a constaté l’organe de révision du DDPS dans un rapport publié fin 2021, cela n’a pas été fait. Les prescriptions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais aussi les directives internes du DDPS, «n’ont pas été entièrement respectées», écrivent les réviseurs. Sur la plate-forme d’achat Simap, accessible au public, les adjudications (acte juridique par lequel on met des acquéreurs ou des entrepreneurs en libre concurrence) à BDO et PWC n’apparaissent que la semaine dernière, deux ans après le début de la pandémie, des semaines après que le Conseil fédéral a levé les dernières mesures pour endiguer le Covid-19.
Comme il l’écrit sur demande, l’OFSPO attache de l’importance au fait que le rapport d’audit en question atteste d’une bonne prestation globale des services impliqués. Un porte-parole explique que le sport a été soutenu par des prêts et des contributions à fonds perdu de près de 500 millions de francs.
Pour faire face au volume de travail et garantir un examen professionnel et qualifié des demandes, l’OFSPO est tributaire des connaissances spécialisées des entreprises. En raison de la pression du temps, il n’a pas été possible de respecter une procédure d’acquisition ordinaire. Le Conseil fédéral en a été informé. «Les collaborateurs responsables ont été sollicités pendant des semaines jusqu’aux limites de leurs capacités physiques et psychiques. La publication de l’attribution du mandat n’était pas prioritaire par rapport au soutien urgent et nécessaire des clubs et des associations durant cette phase et a été noyée.»
Swiss Olympic a en partie travaillé seul
Les entreprises ont soutenu l’OFSPO dans toute une série de tâches. Par exemple, lors de l’examen des demandes et des conditions qui y sont liées ou lors de l’utilisation des moyens, des contrôles aléatoires étant effectués auprès de quelques-unes des plus de 2500 organisations auxquelles la Confédération a apporté son aide. Selon les termes de l’OFSPO, «dans plusieurs cas, il a fallu procéder à des examens individuels complexes pour pouvoir garantir l’égalité de traitement des clubs.»
Des questions se posent également en ce qui concerne Swiss Olympic. «J’attends de Swiss Olympic qu’il indique exactement ce que ses collaborateurs ont contribué, car l’association faîtière a également facturé un surcroît de travail important», exige Aline Trede.
En 2020, Swiss Olympic a reçu, selon ses comptes annuels, 1,2 million de francs pour des prestations en lien avec les aides financières Covid pour le sport. «En 2021, on s’attend à des dépenses du même ordre», écrit l’association faîtière.
Swiss Olympic, qui a également eu recours de son propre chef à des prestataires externes, explique le surcroît de dépenses «en premier lieu» par deux postes supplémentaires à durée déterminée créés pour gérer les aides financières.
«Swiss Olympic a géré les paquets d’aides Covid pour les fédérations sportives et a accompagné ces dernières dans l’élaboration de leurs demandes», précise-t-on encore. Mais c’est la société BDO qui s’est chargée de l’examen effectif des demandes. Un travail de plus pour les experts de l’économie privée.
(Adaptation par Matthias Davet)