Oublié Mbappé! Zappé, Benzema! Exit Griezmann! La coqueluche des médias français, à la veille de la demi-finale du Mondial 2022 au Qatar, se nomme Olivier Giroud. Bien sûr, l’affirmation est exagérée. Kylian, le «kid» de Bondy, en Seine-Saint-Denis au nord de Paris, demeure le fer de lance du «onze» tricolore. L’avant-centre d’origine algérienne Karim Benzema reste, lui, dans les cœurs de toute une partie des supporters, privés de sa prestation qatarie pour raison de blessure.
Mais Giroud règne en maître. Sa barbe. Son physique imposant. Ses coups de tête fulgurants. Son retour au premier plan alors qu’il n’était, voici quelques semaines, même pas sûr d’être sélectionné. Et son âge: 36 ans. Depuis le début de la compétition, chaque match lui a permis de gravir une nouvelle marche en termes de notoriété.
Les secrets d’Olivier
Giroud a, il est vrai, deux secrets que les autres n’ont pas. Le premier est d’avoir été paradoxalement toujours sous-estimé. Malgré ses performances footballistiques et ses 118 sélections sous le maillot des Bleus, le footballeur qui commença sa carrière à Grenoble a longtemps été boudé par les médias. Trop peu excentrique. Pas assez clivant. Malgré son palmarès impressionnant, Olivier le buteur a longtemps rimé avec outsider.
Or les Français, on le sait, adorent les seconds couteaux qui accèdent aux premières places. La comparaison avec le cycliste Raymond Poulidor, éternel second du Tour de France, ne tient pas vu ses résultats. Mais elle lui colle un peu à la peau. Le Savoyard, né à Chambéry le 30 septembre 1986, n’a jamais défrayé la chronique. Sa victoire est celle du travail et de l’abnégation. De quoi séduire la France profonde.
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Son second secret est d’avoir du caractère. Poulidor était têtu. Il était sympathique. Mais il ne savait guère communiquer. Giroud, lui, «imprime» lorsqu’il entre sur le terrain. Une allure. Une taille. Une silhouette reconnaissable.
Idem dans la vie. Sa foi chrétienne affichée simplement a souvent amené les commentateurs à le comparer aux footballeurs latino-américains, qui se signent avant d’entrer sur le terrain. Mieux: le couple qu’il forme avec sa femme, Jennifer, tient depuis 2011. Même l'incartade de 2014, qui avait fait les choux gras des tabloïds anglais et dont il s'était excusé platement et publiquement, semble oubliée. Sa dernière initiative, en plein Mondial, a été de partager sur Instagram une de ses photos de famille avec leurs quatre enfants: deux filles et deux garçons. Leurs prénoms? Jade, Aria, Evan et Aaron. De quoi ravir Eric Zemmour, l’ex-éditorialiste devenu le chantre de la droite identitaire, trop heureux de saluer un héros blanc, photogénique et charismatique.
Il a toujours démenti les clichés identitaires
Giroud, l’anti «Black-Blanc-Beur»? L’intéressé a toujours pris soin de démentir ces clichés identitaires que l’extrême-droite aimerait tant lui accoler. On pense, en le voyant, à Emmanuel Petit ou Bixente Lizarazu, deux des héros de l’équipe de France victorieuse de 1998. Même ancrage dans la France provinciale. Petit, le milieu de terrain est normand, né à Dieppe. Lizarazu, le défenseur devenu commentateur, vient du Pays basque.
La Savoie? Olivier Giroud ne l’a jamais reniée. Il a passé sa jeunesse à Froges, en Isère, pas si loin de la Suisse. Son père était cadre dans une entreprise agroalimentaire. Sa mère s’occupait de la famille. Classe moyenne un peu teintée France d’hier. Le maire de la commune a longtemps désespéré dans les médias de recevoir des réponses à ses messages. Mais Olivier Giroud entretient le mythe. Le skieur Jean-Claude Killy, héros savoyard, a plusieurs fois salué ses performances. Idem pour Michel Barnier, l’ancien Commissaire européen et négociateur du Brexit, à qui certains le comparent: même stature, même humilité, même ténacité. Bref, un tempérament alpin.
Le choix de la différence
L’ultime secret de la popularité d’Olivier Giroud est évidemment la différence. L’intéressé, dont la carrière a pourtant été mondialisée, entre France, Angleterre et Italie, n’a jamais dérapé dans la jet-set. Pas de scoops dérangeants, après 2014. Pas de prises de position controversées. Le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France, avec 53 buts, est policé. Il y a en lui du Dominique Rocheteau, le fameux ailier des années 1970-1980. Mais en moins intello. «C’est l’histoire d’un mec sous-estimé, pour paraphraser Coluche», osait le quotidien «Le Monde», juste après le premier match des Bleus face à l’Australie.
Et de poursuivre: «Onze ans que le scénario se répète; peu importent ses faits d’armes. Le Savoyard trône seul au sommet de ce classement, devant tout ce que l’histoire du football français compte de talents, de Michel Platini à Raymond Kopa, en passant par Zinédine Zidane. Pas mal pour un joueur aux qualités techniques limitées…» Vous avez bien lu: limitées. «Même les entraîneurs croisés dans son parcours peinaient à croire en ses capacités», poursuivait le quotidien, au début de la compétition.
L’histoire d’une résurrection
Olivier Giroud, ou l’histoire d’une résurrection? Non. Le buteur sur lequel les Bleus compteront ce mercredi soir face au Maroc n’a juste jamais lâché prise. Celui à qui son premier entraîneur à Grenoble disait «qu’il n’avait pas le niveau de la Ligue 2, et encore moins celui de la Ligue 1», a tenu bon dans les épreuves. En jouant au passage de l’arme qui fait chavirer les cœurs des supporters: la séduction.
L’homme est beau gosse et il sait en user. «J’ai eu parfois besoin de coups de pied au cul, expliquait-il à «Libération». Quand tu es installé dans ton confort de titulaire, comme à Istres ou à Tours (ndlr: en Ligue 2, entre 2008 et 2010), tu peux te laisser aller. Mes proches m’ont alerté parce qu’ils avaient l’impression que je faisais moins d’efforts. Cette image de nonchalance, d’être trop beau, revenait. Je me souviens que mon premier coach à Grenoble m’a dit un jour que je serais meilleur quand je me serais fait couper les cheveux.»
Olivier Giroud, ou le refus du confort pour l’effort. La France de 2022, en panne de motivation collective, ne pouvait trouver meilleur symbole. Au moins pour ce Mondial.