Il ne reste plus que 8 matches sur les 64 au programme de la Coupe du monde. Si le suspense est entier sur l'identité du futur lauréat du trophée le plus convoité du football (hormis que Granit Xhaka ne le soulèvera pas), une chose est déjà acquise: le tournoi restera comme l'un des plus fair-play.
Où sont les cartons? C'est un record: seulement deux joueurs ont été expulsés en 56 rencontres. Et encore, ces expulsions sont plutôt cocasses, puisque le Camerounais Vincent Aboubakar a dû quitter le terrain dans les arrêts de jeu face au Brésil pour avoir... enlevé son maillot, tandis que le gardien (!) du Pays de Galles Wayne Hennessey a été renvoyé pour une faute de dernier recours.
Au niveau des avertissements, le tournoi qatari recense 3,23 «biscottes» par match, ce qui en fait le deuxième plus petit total après la Coupe du monde 2014 au Brésil (2,83).
D'où une grande question: est-ce que le jeu est devenu plus fair-play, ou les arbitres moins sévères? «C'est une combinaison des deux», analyse Urs Meier, ancien arbitre de la FIFA. Le Bernois, qui avait dirigé le célèbre USA - Iran, était devenu — malgré lui — une star outre-Manche en 2004 pour avoir refusé le but de la victoire aux Anglais lors de la demi-finale contre le Portugal. Il avait été menacé de mort.
Grâce aux «petites» nations
Pour Urs Meier, c'est aussi une conséquence de l'amélioration du niveau des «petites» nations, qui ont compris qu'elles ne pouvaient pas se permettre de jouer avec un homme de moins. «Elles sont devenues beaucoup plus disciplinées, elles ont compris la taille du handicap d'une expulsion», explique Urs Meier.
Le fait que le nombre de cartons rouges diminue n'est pas une nouveauté, c'est une tendance forte depuis le point culminant de 2006. En Allemagne, le record absolu avait été atteint avec... 28 expulsions! Lors du seul huitième de finale Portugal - Pays-Bas (1-0), deux joueurs de chaque équipe (Costinha, Deco, Boulahrouz et Van Bronckhorst) avaient dû rejoindre les vestiaires prématurément.
Par la suite, la chute a été rapide: 17 expulsions en Afrique du Sud (2010), puis 10 seulement quatre ans plus tard au Brésil, et 4 après l'introduction de la VAR en Russie (2018). «Cette année, les arbitres ont davantage de marge de manœuvre pour pouvoir encore plus protéger les joueurs», dévoile Urs Meier.
Peu de fautes... sauf sur Neymar
L'entraîneur brésilien, Tite, n'est pas d'accord. Lors du match Brésil - Serbie, Neymar a eu le droit à un traitement de choc de la part de ses adversaires. Il a subi neuf fautes, davantage que tout autre joueur, et a quitté le terrain avec une cheville enflée qui lui a fait rater les matches contre la Suisse puis face au Cameroun.
De quoi susciter la colère du sélectionneur de la Seleção. «Si nous voulons du spectacle, alors il faut mieux protéger les grands joueurs. Cet enchaînement de fautes ne devrait pas être permis», s'est irrité Tite. Une déclaration logique lorsqu'on entraîne le Brésil, analyse Urs Meier.
«Moi aussi, je dirais ça en tant que Tite», sourit le Bernois. Qui relève néanmoins que le style de jeu de Neymar est beaucoup plus propice aux fautes que celui de Messi, par exemple. «En 2014, Neymar avait déjà quitté la Coupe du monde sur blessure. À l'époque, il y avait lieu de critiquer les arbitres, qui avaient été trop laxistes et les adversaires en avaient profité. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas, on ne peut plus viser un joueur à dessein.»
Il n'y a pas que les cartons rouges qui permettent d'affirmer que le tournoi qatari est particulièrement fair-play: les blessures le montrent également. Aucun duel n'a débouché sur une grosse lésion. «Dans l'ensemble, les choses sont très fair-play. On ne voit presque aucune faute grave au Qatar», confirme Urs Meier.