C'est vrai, ce format de compétition est dérangeant. Les Hongrois ont dû s'entraîner trois jours dans le vide avant d'apprendre qu'ils rentraient à la maison, et c'est moche. Tout aussi vilain que la fin de match de la Belgique, qui a réussi à... perdre du temps à 0-0 contre l'Ukraine pour conserver sa deuxième place, provoquant la fureur de ses propres supporters. Cet Euro n'est pas parfait. Ces deux dernières semaines n'ont pas représenté le summum de la qualité de jeu. Sa formule qui qualifie les quatre meilleurs troisièmes n'est pas convaincante. Je signe tout ça. Je suis dans votre camp.
Votre amour du football véritable est mort
Et alors quoi? Je lis et j'entends des gens me dire que le problème est que cette compétition accueille trop de monde. En vérité, je vous le dis, à vous qui pensez ainsi, je vous trouve tristes et je pense que votre amour du véritable football est mort, tué par l'élitisme à outrance et la sur-consommation qui nous étouffent, vous et moi, depuis des années et nous ont fait oublier qu'il était aussi possible de jouer au football en dehors de France, d'Angleterre, d'Italie, d'Allemagne et d'Espagne.
La Géorgie, son énergie, et ses scènes de liesse dans tout le pays ne vous ont pas émus? La Roumanie qui rend son peuple si fier, ça ne vous touche pas? La Slovaquie, qui montre qu'en jouant en équipe, avec une ligne directrice cohérente, une équipe de niveau moyen peut tenir la route, ça vous fait bailler? La Slovénie, ce petit pays par la taille et la population, qui montre qu'elle peut briller dans plusieurs sports, vous laisse insensible? L'Ecosse, qui a pu ressortir sa fameuse Tartan Army et faire la fête dans toute l'Allemagne, une erreur? La ferveur autour de la Turquie, on la balaie d'un revers de la main?
Un Euro c'est aussi et surtout une grande fête populaire
Alors oui, c'est vrai, à quelques exceptions près, merci l'Espagne et le début de compétition de l'Allemagne, ce ne sont pas les «grandes nations» qui nous ont épaté depuis le 14 juin. Mais est-ce la faute des autres? Non. La vérité est que les gros s'économisent et vont monter en puissance dans les prochains jours. Ne vous inquiétez pas: vous n'aurez pas Géorgie-Slovénie en finale. Mais l'immense majorité des émotions que l'on a vécues durant ces deux premières semaines, on ne les aurait pas eu dans un Euro à 16, qui aurait été réservé aux pays d'Europe de l'ouest, comme toujours. Alors oui, le niveau moyen aurait été supérieur. Oui, le consommateur de football, appelons-le par son nom, aurait eu droit à du football de meilleure qualité devant sa télévision. Mais un Euro, c'est aussi (et surtout) une grande fête populaire! Et les peuples à l'est de Vienne ont aussi droit à un peu de bonheur (et de leur part du gâteau financier, puisque c'est important).
Celles et ceux qui sont dérangés par le fait que des nations oubliées du jeu aient aussi droit au bonheur, je vous trouve un peu tristes, en réalité. Et surtout, vous avez gagné cette bataille 52 semaines par années, vu que l'élitisme a triomphé partout sur la planète football. On ne voit plus ce sport que par la course au Ballon d'Or, on veut éliminer les petits, tout le temps, partout, et les demi-finales de la Champions League opposent une fois le Bayern au Real, et le PSG à Manchester City et une fois le Bayern au PSG et le Real à City. C'est bon, vous l'avez votre football de haut niveau, il est omniprésent, il a gagné haut la main. Et si ça ne suffit pas, la Super League fermée va venir verrouiller tout ça à double tour.
Laissez-les être heureux pendant deux semaines!
Ne vous inquiétez donc pas: le Steaua Bucarest, le Dinamo Tbilissi et le Slovan Bratislava ne viendront pas vous embêter pendant vos plateaux-repas de Champions League, ils ne sont pas invités à la table du mardi soir. Alors, de grâce, laissez-les, laissez-nous, être heureux pendant deux semaines. Je ne dis même pas trois, parce qu'aucun de ces pays ne sera en demi-finale.
Le vrai problème, c'est le calendrier surchargé
En fait, le vrai problème de cet Euro, pour moi, n'est pas le nombre d'équipes, bien au contraire. Je trouve que l'avoir élargi à 24 est un bienfait, qui permet aux nations oubliées de vibrer un peu et d'avoir le sentiment d'exister. Non, le vrai problème, c'est l'état physique des joueurs. Plusieurs sont cramés, brûlés, grillés. Pourquoi? Parce qu'ils ont trop joué cette saison et ça, ce n'est pas la faute de l'Euro à 8, 16 ou 24, mais bien le problème des calendriers surchargés. Il serait temps, mais c'est illusoire, de mieux mettre en valeur les temps forts d'une saison et de protéger les joueurs. Là est la véritable piste d'amélioration, pas en privant les peuples de Géorgie, de Roumanie et de Slovénie d'être heureux grâce au football une fois tous les quatre ans pendant deux semaines en été.