Charles Wattl et les pionniers
«Des cris de singe descendaient parfois des tribunes»

Charles Wittl, Alex Tachie-Mensah et Samuel Opoku Nti ont joué en Suisse à une époque où les joueurs africains n'étaient pas nombreux. Ces anciennes stars de la Super League sont revenus sur leur parcours.
Publié: 16.12.2021 à 17:51 heures
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Dernière mise à jour: 16.12.2021 à 17:57 heures
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«C'est par pur hasard que j'ai atterri en Suisse», se souvient Charles Wittl.
Photo: BENJAMIN SOLAND
Sven Micossé et Felix Bingesser
Photo: BENJAMIN SOLAND

«Je suis très fier de ce que j’ai accompli»

Charles Wittl, 50 ans: Xamax, Saint-Gall, Lausanne et Aarau (entre 1990 et 2007).

«C’est par pur hasard que j’ai atterri en Suisse», se souvient Charles Wittl. Lorsqu’il avait douze ans, son beau-père a dû quitter le Ghana pour la Syrie à cause de son travail. Ses parents refusaient que leurs enfants soient témoins de la guerre. «Ils ont trouvé une solution avec une famille d’accueil à La-Tour-De-Peilz dans le canton de Vaud. C’est ainsi que je suis arrivé en Suisse. J’ai commencé à jouer au football et les choses ont suivi leur cours.»

C’est à Xamax que le Ghanéen a fait ses débuts professionnels. Aujourd’hui encore, il reste une légende du club neuchâtelois: «Je suis très fier de ce que j’ai accompli mais je sais que j’aurais pu faire plus». Après un certain temps passé à Xamax, l’Olympique de Marseille a frappé à sa porte. «Le transfert était presque sous toit, mais j’avais encore un contrat à Neuchâtel et le club ne voulait pas me laisser partir parce qu’il comptait sur moi», se rappelle-t-il. A l’époque, il n’était pas question de faire grève pour forcer le club à rompre son contrat.

Charles Wittl a joué à une époque où les joueurs noirs étaient plus rares Suisse. Forcément, il a été confronté au racisme: «C’est vrai qu’à quelques reprises, certains individus nous ont manqué de respect. Des cris de singe descendaient parfois des tribunes. Mais de manière générale, j’ai toujours été bien accueilli et même apprécié.»

Aujourd’hui, l’ancien Xamaxien n’a plus grand-chose à voir avec le football: «Je me suis un peu distancié du milieu». Il a encore gardé contact avec Rémo Meyer, actuel directeur sportif de Lucerne, qui était son coéquipier à Lausanne. Charles Wittl n’a pas coupé les ponts avec le milieu du sport. Il travaille aujourd’hui à Chules, dans le canton de Berne, dans son propre studio comme entraîneur de fitness.

Photo: Keystone

«Le racisme était courant à Saint-Gall»

Alex Tachie-Mensah, 44 ans: Xamax et Saint-Gall (entre 2000 et 2009).

Sans transition, Alex Tachie-Mensah est passé directement de l’avion au terrain de football, lorsqu’il a signé à Xamax en 2000: «Après sept heures de vol, nous sommes allés directement à Carouge pour un match amical», se rappelle-t-il. C’était le début d’une «très belle période». Après une saison et demie à Xamax, le Ghanéen est transféré en 2002 au FC Saint-Gall, où il passe sept ans. Aujourd’hui encore, il est statistiquement l’un des meilleurs attaquants africains de Super League avec 73 buts en 201 matches.

La carrière d’Alex Tachie-Mensah s’est toutefois mal terminée. En 2007, il a été victime d’une grave blessure au pied dont il ne s’est jamais vraiment remis. Après deux ans de déceptions et de timides espoirs de retour, il avait mis un terme à sa carrière.

Aujourd’hui, l’ex-joueur du FC Saint-Gall vit dans un petit village du canton de Thurgovie. A l’époque, comme aujourd’hui encore, il est régulièrement confronté au racisme. «C’est un sujet qu’il faut encore adresser. C’était courant à Saint-Gall. Bien sûr, quand on gagne, tout va bien. Mais dès qu’on perd, tout le monde est en colère. Des spectateurs disent alors des choses qui ne vont pas du tout. Il faut dires les choses aux gens clairement. En communiquant, ils comprendront qu’ils ne sont pas meilleurs que nous.»

Photo: Twitter

«Je n’ai jamais aimé jouer à Bâle et à Lucerne»

Samuel Opoku Nti, 60 ans: Servette et Aarau (entre 1985 et 1989).

Aîné de huit enfants, Samuel Opoku Nti a grandi à Kumasi, la deuxième plus grande ville du Ghana. Le petit Samuel faisait la loi dans les rues, un peu parce que son son père était policier, surtout parce qu’il est le premier à posséder son propre ballon de foot. Il fait ses débuts de joueurs à l’Asante Kotoko, où il est considéré comme une star. Avec lui, le club est plusieurs fois champion. Il devient également joueur pour l’équipe nationale et joue plus de 50 fois pour le Ghana. En 1982, il remporte même la prestigieuse Coupe d’Afrique des Nations.

Deux ans plus tard, Servette le fait venir en Suisse. A cette époque, il est le seul Africain noir à jouer dans notre pays, avec Théophile Abega à Vevey. Les remarques et l’hostilité ne sont pas rares. «Je n’ai jamais aimé jouer à Bâle et à Lucerne», raconte-t-il. Après un changement d’entraîneur à Genève, Opoku Nti devient surnuméraire.

Il retourne dans son pays, mais seulement temporairement. Erich Vogel fait ensuite revenir l’attaquant au FC Aarau, où il rencontre Ottmar Hitzfeld. Sous la houlette de l’Allemand, Opoku Nti s’épanouit à nouveau, réalise une saison solide et prédit au futur coach de l’équipe nationale une grande carrière d’entraîneur. Après le départ de «Gottmar» pour Grasshopper, il se retrouve à nouveau sur le banc. Sa famille retourne alors au Ghana, Opoku Nti lui jouera pour Baden, Coire et Glaris. Sa carrière de joueur derrière lui, le Ghanéen a travaillé pendant des années comme chauffeur de taxi à Zurich. Aujourd’hui âgé de 60 ans, Samuel Opoku Nti est retourné au Ghana.

(Adaptation par Jessica Chautems)

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