S'il sort de l'hôtel de l'équipe de Suisse, lundi à Saint-Gall à la veille d'affronter le Luxembourg, Lucas Blondel pourra marcher dans la rue sans être importuné. Il existe en effet peu de risques que quelqu'un le reconnaisse et, si d'aventure un supporter de la Nati plus physionomiste que les autres venait lui demander un selfie, l'affaire serait vite pliée. «C'est vrai que ce serait sans doute un petit changement avec Buenos Aires», admet dans un éclat de rire le nouveau latéral droit de la Nati, sous contrat avec Boca Juniors depuis août 2023.
«La Bombonera... Je ne peux même pas l'expliquer»
«Boca, c'est un truc de fou», dit-il dans un excellent français, une langue qu'il a apprise grâce à son père, Jean-Yves Blondel, tennisman valdo-neuchâtelois parti vivre en Argentine par amour. Et cette folie, Lucas Blondel a plongé dedans sans hésiter alors qu'il jouait au Club Atletico Tigre, dans un environnement bien moins bouillonnant. Il était certes déjà footballeur professionnel en Argentine, le pays des champions du monde, et n'était donc de loin pas un anonyme, mais il y vivait une existence qu'il qualifie lui-même de tranquille. En tout cas plus tranquille qu'à Boca, le club de Diego Armando Maradona, Carlos Tevez et Juan Riquelme, pour ne citer que ces trois légendes, tant la liste est grande.
Boca Juniors, bien sûr, est aussi le club résident de la mythique Bombonera, le stade où rêvent de se rendre tous les amoureux de football de la planète. «La Bombonera, c'est... Pff... Je ne peux même pas l'expliquer. Il faut le vivre. Vraiment, je n'ai pas de mots», assure Lucas Blondel.
Alors, quand le latéral a appris qu'il pourrait y jouer, à l'été 2023, il n'a même pas eu besoin d'une seconde d'hésitation. «Je n'aurais jamais imaginé jouer à Boca. Quand tu as l'appel, tu fermes les yeux et tu dis oui tout de suite. Et après tu réfléchis à ce qui vient de t'arriver», confie-t-il depuis Faro, où il vit cette semaine son premier rassemblement avec l'équipe de Suisse.
Il a déjà marqué à la Bombonera
Il a depuis pris la mesure de la folie Boca, autant que possible, disons, et il a déjà eu l'occasion de faire exploser cette fameuse Bombonera, en ouvrant la marque face au Racing le 11 mars 2024, voilà une année. Qu'a-t-il ressenti à ce moment précis? Il sourit. «Mais mon ami... Comment tu veux que je mette des mots là-dessus? Tu marques, la Bombonera réagit. Tu n'es plus toi-même à ce moment.» Il s'arrête de parler deux secondes. «Non, vraiment, c'est inexplicable.»
Voilà donc près de deux ans qu'il porte le maillot de Boca, où il est notamment le coéquipier d'Edinson Cavani, et, s'il prouve chaque semaine sur le terrain avoir les épaules pour assumer ce rôle, la ferveur autour du club l'épate encore aujourd'hui. «Une des différences les plus grandes avec tout ce que j'ai vécu avant d'arriver, c'est que tu es tout le temps un joueur de football, quoi que tu fasses. Tu ne peux pas sortir de chez toi et te dire que tu es un jeune homme de 28 ans. Chaque personne que tu croises te parle de football et t'y ramène.»
Une pression permanente
Le prend-il comme un poids? «Je ne suis pas quelqu'un qui sort beaucoup. Je reste tranquille à la maison. Mais c'est sûr que c'est difficile quand l'équipe ne va pas bien et que tu croises un supporter... Boca, c'est la plus grande équipe d'Argentine, l'une des trois ou quatre plus populaires dans le monde. Où qu'on aille, on croise tout le temps des supporters. A chaque hôtel où l'on se rend, il y a des fans de Boca.»
Cette semaine, à Quinta de Lago, tout au sud du Portugal, il a pu se reposer un peu la tête, mais n'a pas manqué de partager la réalité de son quotidien avec ses nouveaux coéquipiers de la Nati, forcément curieux de ce que représente la folie Boca. Certains d'entre eux jouent dans des grands clubs européens, avec de belles ambiances comme à Séville, Dortmund, Francfort, Ferencvaros ou Leeds, mais tous ont été intrigués par ce nouveau venu qui a traversé l'Atlantique pour les rejoindre.
Un jour en Europe? Voire même en Suisse?
Cette convocation en équipe de Suisse, le latéral droit la voit d'ailleurs aussi comme une occasion de se faire un peu de publicité en Europe et il ne s'en cache pas. «Oui, bien sûr. J'y ai toujours pensé, ça a toujours été dans un coin de ma tête. J'ai toujours eu l'envie de jouer un jour en Europe, c'est clair, mais j'ai déjà 28 ans, je sais que ce ne sera pas forcément simple. Je vais avoir la chance de montrer mes qualités dans les prochains mois.» Et jouer en Suisse? Se verrait-il porter le maillot de Bâle ou d'YB, par exemple? «Sincèrement, cette idée-là aussi, j'y pense de temps en temps. Je suis ouvert. Mais aujourd'hui, je suis à Boca Juniors.»
«Profiter de chaque minute à Boca»
Sous-entendu, comment aller plus haut après? Est-ce ce qu'il veut dire? «Oui, exactement. Quand tu es à Boca, ça ne te laisse pas beaucoup de possibilités pour penser à autre chose, c'est tellement intense, prenant, fort. Pour être tout à fait sincère, toutes les questions que vous me posez, l'Europe, la Suisse, je me les suis posées. Mais en étant à Boca, je me force à apprécier ce que je vis et à profiter de chaque minute.»