Blick rencontre Alex Frei
«Les play-off sont une connerie absolue»

Alex Frei revient pour Blick sur certains faits marquants de sa carrière aux multiples casquettes: sa démission du FC Bâle, l'introduction de play-off en Super League, sa relation avec son ancien entraîneur Jürgen Klopp et ou encore l'affaire des crachats à l'Euro 2004.
Publié: 18.04.2022 à 13:27 heures
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Dernière mise à jour: 18.04.2022 à 17:46 heures
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Alex Frei déballe tout pour Blick.
Andreas Böni

Alex Frei, joyeuses Pâques! Il paraît que vous élevez des poules à la maison avec votre famille. Avez-vous déjà mangé des œufs frais?
Alex Frei: Quelle histoire, ça été un petit drame. Nous avions des poules, oui. Mais un soir, nous avons oublié de fermer le poulailler. Cela a donné lieu à un festin pour le renard... Je l'ai entendu la nuit et je me suis rendu devant le poulailler, sans vouloir y entrer. Je suis un peu une poule mouillée...

En tant qu'entraîneur, vous êtes actuellement premier de Challenge League avec le FC Winterthur. Vous pouvez être promu pour la première fois depuis 37 ans. Dans quel état d'esprit êtes-vous?
Je ne suis pas du genre à céder à l'euphorie. C'est un rêve, mais le chemin est encore long.

On imagine qu'un barrage contre votre ancien club de Lucerne serait aussi croustillant...
Un barrage, c'est amer, fondamentalement. Tu fais une grande saison et malgré tous tes efforts, ça ne suffit pas parce que tu n'es pas prêt le jour J. C'est pourquoi je ne suis pas fan des barrages, des play-off ou de toutes ces conneries dont on parle. On peut faire une ligue à douze ou à quatorze, oui. Faire preuve d'un peu de créativité. Mais tout ce qui comporte un suspense artificiel comme les play-off est une connerie absolue.

Si le FC Lucerne vous avait choisi comme entraîneur, seriez-vous quand même allé au FC Winterthour?
La question ne s'est pas posée, car j'avais donné mon accord au FC Winterthour. Et quand je dis oui, je change rarement d'avis. J'avais dit oui à Winterthour avant que Lucerne ne prenne sa décision, et je l'ai fait savoir au directeur sportif du FCL, Remo Meyer.

En ce moment, tout va bien à Winterthour. Vous pouvez aussi vous réjouir de ne pas être devenu entraîneur du FC Bâle compte tenu des résultats actuels...
Disons que je suis relativement heureux de la situation. Je suis maintenant éloigné du FC Bâle depuis deux ans et je n'ai plus de contact avec le club.

Fin août 2020, alors qu'il entraînait les M21 du FCB, Alex Frei avait donné sa démission à son club de cœur, usé par sa collaboration avec le propriétaire Bernhard Burgener et le CEO Roland Heri. Dans sa lettre de démission, il écrivait: «Le 14 août, on m'a fait une offre détaillée pour reprendre le rôle d'entraîneur en chef de la première équipe du FC Bâle. Le comportement et la procédure qui ont suivi de la part des personnes responsables reflètent les valeurs/attitudes qui prévalent depuis longtemps et qui ne correspondent plus au FC Bâle, ainsi que le manque de respect envers les collaborateurs.» Blick a imprimé la lettre pour cet entretien avec Alex Frei.

Alex Frei, vous étiez fâché que cette lettre soit rendue publique.
Que signifie «en colère»? Cela ne m'a pas du tout surpris. Je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de prendre position sur ce qui m'a déplu à Bâle. Le contenu de la lettre concerne en effet la direction, qui n'est plus là. Je ne me suis donc pas trompé sur ce point dans mon appréciation.

Comment voyez-vous le nouveau FC Bâle, sous David Degen désormais?
Il a reçu beaucoup d'éloges, on était très content de le voir arriver. Mais il se rend compte aussi que ce n'est pas si simple de diriger un club de football. Personnellement, je l'admire, car je ne pourrais jamais le faire. Je trouve les profils de joueurs qu'il a fait venir très intéressants. Après, je ne sais pas s'il était vraiment nécessaire de vendre Cabral ou Zhegrova. Mais il ne faut jamais oublier combien il est difficile pour un club de football suisse d'être sain financièrement à la fin d'une saison. Dans l'ensemble, il fait du bon travail.

Alex Frei est également bien connu en dehors de la Suisse. On pense forcement à la France, où il a terminé meilleur buteur avec Rennes. À Dortmund, il a joué sous la direction de Jürgen Klopp et a été à l'origine d'une dispute entre l'entraîneur du BVB et Blick. En 2008, alors qu'Alex Frei est souvent sur le banc, Blick titre avant un match international: «Frei fermera-t-il le clapet de Klopp aujourd'hui?» Parallèlement, nos journalistes s'expriment dans une interview à la radio. Nous affirmons que le coach de Dortmund est responsable de la baisse de régime de notre capitaine national. Jürgen Klopp entend l'interview sur l'autoroute et, selon son passager, «il a, de rage, presque foncé dans les glissières de sécurité». L'entraîneur revenait sur cette affaire à l'époque: «C'est surtout parce que Blick m'a pris en grippe. J'ai trouvé cela tellement grossier que j'ai refusé une demande d'interview avec ce journal. Depuis, nos relations sont tendues.»

Alex Frei, pourquoi Jürgen Klopp n'a-t-il pas misé sur vous à l'époque?
J'étais un joueur qui ne correspondait pas à son concept de football. Je n'étais peut-être pas assez rapide. À l'époque, on avait toujours l'impression que nous nous disputions tous les jours, mais ce n'était pas le cas. Bien sûr, nous avions des points de vue différents. Aujourd'hui, je le comprends en tant qu'entraîneur, mais en tant que joueur, c'était difficile. Il était pour le pressing et le contre-pressing. Je lui avais dit: soit je marque 20 buts et je presse peu, ou alors je presse beaucoup et je n'en marque que deux... Il m'a dit qu'il ne pouvait pas se passer de ma capacité à marquer des buts. Il m'a alors demandé de faire un petit effort pour courir davantage tout en acceptant mon point de vue.

À quelle fréquence êtes-vous en contact aujourd'hui ?
De temps en temps. Une fois par mois environ. Nous parlons de tout et de rien, et aussi de football. Il me donne des idées. J'ai aussi des échanges avec Ottmar Hitzfeld, régulièrement. En tant que jeune coach, c'est formidable de pouvoir échanger avec des entraîneurs d'expérience. Ottmar a également eu un parcours intéressant. Il a toujours avancé pas à pas: de Zoug à Aarau, puis à GC, et ainsi de suite.

On se souvient de l'affaire des crachats en 2004. Est-ce que l'association suisse de football vous a incité à mentir?
Dix-huit ans plus tard, je pense aussi qu'il faut passer à autre chose. Ce que j'ai fait n'était pas correct. Je n'en suis pas fier et je vivrai toute ma vie avec ça. J'assume cette erreur. Ce qui s'est passé ensuite, je m'y soustrais. Il existe même des études sur ce cas, des étudiants ont réalisé un travail de master sur ce sujet! On peut y lire des processus qui me disculpent et qui accablent ce qui a été mis en place par la suite pour traiter cette affaire.

Comment feriez-vous aujourd'hui ?
J'avouerais tout de suite la vérité et j'assumerais ma faute immédiatement, afin de rester digne face aux faits.

(Adaptation par Thibault Gilgen)


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