Un an après la mort du pilote
«Je refuse que Jason Dupasquier ne tombe dans l'oubli»

Le championnat du monde de motocyclisme retrouve ce week-end le circuit du Mugello, où Jason Dupasquier a perdu la vie dans un accident il y a un an. Son chef mécanicien Stefan Kirsch se bat pour entretenir la mémoire du jeune pilote fribourgeois.
Publié: 28.05.2022 à 07:25 heures
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Dans l'atelier de Stefan Kirsch, la mémoire de Jason Dupasquier est bien vivante: «Je garde ses objets près de moi.»
Photo: Alexandra Beier
Matthias Dubach

Assis à la table, pensif, Stefan Kirsch contemple un souvenir très particulier. Il s’agit d’un casque de Jason Dupasquier, le talent suisse de la moto tragiquement décédé à l’âge de 19 ans. «Cela fera tout juste un an, lundi prochain.» On lit une dédicace sur la visière: «Merci beaucoup Chef Stef pour la saison 2020!» Des mots écrits par Jason Dupasquier lui-même.

Des conseils payants

Le casque a été offert à Stefan Kirsch après la première saison du jeune prodige en championnat du monde. Attablé dans un coin de son atelier, ce cinquantenaire était le chef mécanicien du Fribourgeois. Sa personne de référence la plus proche sur le circuit. Mais leur collaboration s’est brutalement achevée fin mai 2021 sur le circuit du Mugello.

«Avec le premier anniversaire de sa mort qui approche, l’absence de Jason se fait ressentir. Nous ne pouvons malheureusement pas revenir en arrière, regrette Stefan Kirsch en poussant un profond soupir. Je veux juste garder de bons souvenirs de lui».

Après une première année sans résultat sur le circuit, le prometteur jeune pilote avait pris en compte l’analyse impitoyable de «Chef Stef». L’année suivante, il était revenu transformé, marquant des points dans cinq GP différents.

De nombreux souvenirs dans l’atelier

Dans l’atelier de Stefan Kirsch, à Oberbergkirchen, un petit village idyllique de Bavière, on remarque immédiatement divers objets ayant appartenu au Gruérien.

Un casque, des cartes d’autographes, de nombreuses photos. Un poster est collé au-dessus de l’établi, une pièce d’habillage de moto avec le numéro 50 est accrochée dans un coin. «Je garde volontairement ces choses près de moi. Je ne peux pas faire comme si Jason n’avait jamais existé.»

Stefan Kirsch souhaite entretenir la mémoire de son ancien protégé. Avec l'accord des parents de Jason, il nous parle ouvertement du jour où le garçon s'est retrouvé face à son destin.

Avec Jason dans l’hélicoptère

Le Bavarois n’aime pas repenser aux heures noires vécues du côté du Mugello. En secouant la tête, il raconte qu’après la terrible chute, de fausses informations ont circulé dans le paddock sur l’état de santé de Jason Dupasquier.

Stefan Kirsch a accompagné le Suisse en hélicoptère à l’hôpital de Florence: «Pour moi, c’était une évidence de m’occuper de mon pilote dans cette situation. Ce sont encore presque des enfants, je ne pouvais pas le laisser seul.»

Peu après, les parents du Romand sont arrivés en Toscane. Le mécanicien est resté à son chevet, même lorsqu’il n’y avait plus d’espoir: «Je ne pouvais pas leur tourner le dos dans cette situation.»

Respect de la famille

L’annonce du décès est parvenue au paddock le jour de la course. Le départ a tout de même été donné. Dans les jours qui ont suivi le drame, Stefan Kirsch a conseillé à l’écurie Prüstel de ne pas trouver tout de suite un remplaçant pour la moto de Jason Dupasquier. «Faire comme si rien ne s’était passé, cela aurait été une erreur morale vis-à-vis de sa famille.»

L’Allemand ne suit plus les Grands Prix qu’à la télévision. Mais parfois, ce passionné de vélo préfère partir en balade et ne regarder les courses que le soir, en différé. Ce dimanche, ce sera particulièrement émouvant pour lui de suivre l’édition 2022 du Mugello.

Retraité des circuits

La carrière du mécanicien bavarois n’a plus jamais été la même. Après avoir travaillé pendant 30 ans sur le circuit mondial, l’Allemand a arrêté à la fin de la saison dernière. À la place, il tient un commerce où il révise beaucoup de motos, notamment anciennes.

«On sait que dans ce sport, ce genre de choses peuvent arriver, explique le mécanicien. Mais on n’y pense pas trop. L’incident de Jason m’a beaucoup fait réfléchir. La nouvelle direction choisie par l’équipe ne me convenait pas non plus. J’aurai 60 ans cette année et je ne voulais plus avoir besoin de prendre l’avion tout le temps. Désormais, je gagne ma vie autrement.»

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