Roman Mityukov, médaillé mondial
«Sur le podium, je me suis demandé ce que je faisais là»

Au lendemain de sa breloque aux Mondiaux de natation, le Genevois Roman Mityukov avait encore de la peine à réaliser. Le médaillé de bronze du 200 m dos est revenu pour Blick sur ce moment particulier. Interview.
Publié: 29.07.2023 à 14:46 heures
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Dernière mise à jour: 30.07.2023 à 12:25 heures
Roman Mityukov est le 5e médaillé suisse aux championnats du monde.
Photo: keystone-sda.ch
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Matthias DavetJournaliste Blick

La nuit de Roman Mityukov au Japon a été plutôt courte. Six heures de sommeil, pour être précis. Médaillé de bronze sur 200 m dos, le nageur genevois a eu de la peine à s'endormir… et à réaliser ce qu'il avait fait.

Car le spécialiste du dos est seulement le 5e nageur suisse à décrocher une médaille lors de championnats du monde. Il rejoint les grands noms de la natation helvétique que sont Dano Halsall, Marie-Thérèse Armentero, Flavia Rigamonti et Jérémy Desplanches.

Le jeune homme, qui fêtera ses 23 ans ce dimanche, est revenu sur le flot d'émotions qui l'ont submergé après sa médaille de bronze, mais aussi sur son année scolaire. Interview.

On est 24 heures après ta médaille de bronze. Est-ce que tu réalises un peu ce que tu as fait?
Non, je ne réalise pas vraiment. Hier (ndlr: vendredi), c'était impossible. Je ne sais pas trop quoi dire de plus… Sur le podium, je me suis demandé ce que je faisais là (rires). C'est incroyable.

On se souvient tous de tes frustrantes quatrièmes places l’année dernière. Est-ce que tu y as pensé avant ou même pendant la course?
Tu n'imagines pas combien de fois j'ai pensé à ces quatrièmes places à Rome (ndlr: lors des championnats d'Europe). J'y ai pensé toute la saison et ça a été ma force pendant les entraînements. Dans les séries difficiles, j'y pensais à chaque fois. Je me disais: «Concentre-toi sur ça, comme ça tu vas aller plus vite. Tu es plus fort mentalement.» Je pense que ça m'a beaucoup aidé cette saison. Lors de la dernière longueur, je ne m'imaginais pas revivre une quatrième place. Je me suis arraché à la fin et j'espère que ça m'a aidé.

C’est un peu une revanche sur le destin?
Oui, un peu. Mais j'ai amélioré pas mal de choses cette saison et j'ai progressé sur certains points. Je crois beaucoup au destin. Par exemple, lors de ces Mondiaux, je ne me qualifie pas pour les demies du 100 m dos pour 11 centièmes. Je me suis dit que la chance n'était pas avec moi dans ce cas-là, mais j'espérais qu'elle le soit pendant le 200 m dos. Et elle l'a été, même si ça ne s'est pas joué à la touche.

Tu pointais à la 7e place après 100 m. C’était ton plan?
Oui, la stratégie a changé cette saison. L'année dernière, je partais très vite et je n'arrivais pas à revenir. Avec mes entraîneurs, on n'a plus voulu revivre ça et on a décidé de changer de tactique. Et je pense que ça m'a convenu cette saison.

Sur le podium, Roman Mityukov a eu de la peine à réaliser.
Photo: keystone-sda.ch

Tu es sur le podium, avec cette médaille autour du cou. Quels sentiments prédominent?
C'est incroyable. Tu te dis: «Finalement, j'en ai une, après deux ans sans médaille internationale.» Et là, c'est aux championnats du monde. Quand j'étais petit, je regardais tous ces podiums aux Mondiaux et jamais je ne me suis dit que je pouvais atteindre ce niveau-là.

A côté de la natation, tu es toujours à l’Université de Genève en droit. Qu’est-ce qui était le plus stressant? Ta dernière session d’examens ou la finale du 200 m dos?
La session d'examens a été stressante, mais pas autant qu'une course. En examens, tu ne te bats pas avec les autres. C'est un autre stress, duquel tu appréhendes un résultat. En course, c'est tout le travail que tu as fait durant la saison et tu n'as pas envie de te décevoir. Et c'est différent de repartir avec une médaille. Quand tu es 4e, 5e ou 6e, tu n'es personne. Avec le bronze, ça apporte plus d'attention.

Et c’est bon, tu as réussi les examens auxquels tu as pris part?
Oui, je les ai même très bien réussis. Tout va bien, je passe l'année. Et pourtant, c'était une période assez intense, car j'ai voulu me mettre un peu plus de cours pour être tranquille lors des deux derniers semestres. Ça a payé, je suis content.

Tu as pu un peu dormir cette nuit, en sachant que tu avais les qualifs du 50 m dos ce matin?
C'était dur. Je suis rentré à minuit et demi à l'hôtel et j'ai parlé un peu avec mon collègue de chambre, Nils Liess. Après, j'ai essayé de m'endormir, mais je n'y arrivais pas – j'étais encore trop excité et éveillé. Alors que je n'avais pas bu de café. Je pense que je me suis endormi à 2h30. Mais ce n'était pas la seule nuit compliquée. Avant la course, j'ai aussi eu de la peine à trouver le sommeil – quand tu sais que tu as une finale, c'est dur. Mais hier, c'était pour une meilleure raison. J'ai finalement dormi six heures et j'avais les séries du 50 m dos à faire. Clément (ndlr: Bailly, son entraîneur) m'a obligé à les faire (rires). J'ai encore le relais du 4x100 m et après, je vais pouvoir prendre le temps de réaliser ce que j'ai fait.

En terminant troisième de la finale, le Genevois a également battu son record de Suisse.
Photo: keystone-sda.ch

Quand vas-tu pouvoir un peu fêter cette médaille?
Je vais pouvoir la fêter demain, après le relais. Enfin, ça dépend si on se qualifie en finale ou pas. Je vais rester quatre jours au Japon et je vais pouvoir célébrer ici. Et après, je vais aussi le faire à Genève, avec mes amis et ma famille.

Les JO, c’est dans un peu moins d’un an. On imagine que c’est de bon augure et que tu montres à tes concurrents qu’il faudra compter sur toi?
Oui, ces Mondiaux et cette médaille m'ont apporté beaucoup de confiance. Je fais aussi une seconde de moins que mon meilleur temps. Je vais pouvoir travailler sereinement et je sais que tout ce que j'ai fait cette saison, ça a servi à quelque chose. Il faut que je reste dans la même dynamique en améliorant évidemment certaines choses. Mais pour l'instant, je ne pense pas encore aux Jeux olympiques. Il faut que je profite de ma médaille et j'y penserai un peu plus tard.

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