Pas de commentaire! Peu importe à qui l'on parle, tous répondent «sans commentaire», «je ne sais pas» ou «je ne peux rien dire». Ce vendredi restera dans l'histoire du cyclisme et du sport suisse comme un terrible jour de deuil et (pour l'instant encore) un grand mystère.
Peu avant 15h, l'Union cycliste internationale (UCI) annonce le décès de la Zurichoise Muriel Furrer, âgée de 18 ans, des suites du traumatisme crânien qu'elle a subi jeudi lors de la course des moins de 19 ans. Depuis, tout le monde s'interroge: comment cela a-t-il pu arriver? Les premières réponses à cette question étaient attendues lors de la conférence de presse qui s'est tenue peu après 17h au Kongresshaus de Zurich.
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«Pas de commentaire»
Mais tant Peter van den Abeele, directeur sportif de l'UCI, qu'Olivier Senn, directeur sportif des championnats du monde, ne peuvent ou ne veulent pas donner de réponses aux questions les plus urgentes. Que s'est-il passé exactement? «Pas de commentaire.» Est-il vrai que Muriel Furrer est restée longtemps seule et inconsciente dans la forêt avant d'être découverte? «Je ne peux rien dire à ce sujet.» Et lorsqu'un journaliste de la Gazzetta dello Sport lui demande s'il existe une indication sur l'endroit exact de l'accident, Olivier Senn répond: «Pas encore.»
Pendant 3 minutes et 45 secondes, Peter Van den Abeele et Olivier Senn répondent aux questions. Plus tôt, ils avaient exprimé leurs premières réflexions sur la mort tragique de Furrer et demandé une minute de silence. Que disent-ils ensuite? Pas grand-chose. Le ton général est assez simple: les spéculations n'ont pas lieu d'être, il faut respecter le deuil de la famille. Et: on ne peut rien dire sur l'accident, qui fait l'objet d'une enquête.
Après cinq questions, la discussion s'arrête. On ne souhaite pas en dire plus. Peter Van den Abeele et Olivier Senn se lèvent et quittent la pièce par une sortie de secours.
La police aussi se tait
Ces deux personnes ne sont pas les seules à ne rien vouloir ou pouvoir dire ce jour-là. Lorsque Blick arrive vendredi matin peu après 8h dans la forêt au-dessus de Küsnacht, rien ne laisse penser qu'une tragédie s'y est déroulée la veille. De nombreux promeneurs de chiens sont en route par ce temps venteux. Ils racontent tous qu'ils ont entendu parler de l'accident, mais qu'ils n'ont aucune idée de l'endroit exact où il s'est produit. Deux d'entre eux disent: «Cela ne m'étonne pas. Hier, il a tellement plu ici et la descente abrupte est très dangereuse. De plus, il y avait pas mal de feuilles mortes sur la route.»
Un peu plus tard, des policiers apparaissent de temps en temps et montent et descendent la forêt. «Pas de commentaire», disent-ils en s'éloignant à toute vitesse. Plus haut, il y a quelques campeurs italiens, belges et tchèques. Eux non plus n'ont rien remarqué. Ils n'ont vu ni l'ambulance ni l'hélicoptère qui a transporté Muriel Furrer à l'hôpital jeudi dernier.
Pendant que Blick se trouve sur place, des amateurs de glisse dévalent à toute vitesse la Schmalzgruebstrasse. Les plus âgés d'entre eux roulent sans casque.
Est-ce arrivé dans un virage à gauche?
Vers 10h, des hommes responsables de la sécurité du parcours apparaissent plus haut. Dans un virage à gauche, ils installent des tapis de protection sur les arbres, des rubans de délimitation et une grande plaque noire et jaune qui doit avertir les coureurs du virage. Muriel Furrer a-t-elle chuté ici?
Tout porte à croire qu'il s'agit du lieu de l'accident. Le fait est que lorsque les coureurs de paracyclisme de la catégorie C4-C5 ont traversé ce passage jeudi à 12h45, plusieurs ambulances se trouvaient là, gyrophares allumés.
Ce qui est étrange, c'est que Muriel Furrer a dû passer elle-même à cet endroit vers 11h. Est-ce pour cela qu'elle est restée longtemps seule, inconsciente et gravement blessée dans la forêt, sans avoir été découverte? C'est possible, car contrairement aux courses du World Tour, il n'y a pas de liaison radio entre les coureuses et le staff lors des championnats du monde. Il est donc possible que personne n'ait entendu parler de son accident.
De plus, la situation est assez confuse à cet endroit. A la sortie du virage à gauche, la pente descend sur plusieurs mètres. Et à cet endroit, la forêt est envahie par la végétation et n'est guère visible d'en haut.
Le comportement des responsables, qui ne prennent position sur aucune question concrète et qui font référence, de manière compréhensible, à l'enquête en cours, montre que cete hypothèse n'est pas irréaliste. Le contraste dans la communication sur le Tour de Suisse 2023, lorsque Gino Mäder est décédé dans la descente du col de l'Albula, ne pourrait pas être plus grand. A l'époque, Olivier Senn s'était longuement adressé à chaque média. Il a expliqué avec transparence et empathie ce qui était connu et ce qui ne l'était pas encore sur le déroulement de l'accident.
Museler les membres de la protection civile
Retour dans la forêt au-dessus de Küsnacht. Entre-temps, les gardes civils coresponsables de la sécurité de la course des moins de 23 ans du vendredi après-midi sont également arrivés. Eux aussi disent «pas de commentaire» et expliquent que leur commandant les a muselés. Celui qui parlerait aux médias aurait un sérieux problème.
Le vendredi soir, des rumeurs apparaissent selon lesquelles les organisateurs auraient eu connaissance du terrible crash le jeudi, jour de l'accident, au plus tard à 13h. Pourtant, la course des juniors a été lancée normalement à 14h15. Et ce n'est que le soir qu'ils ont informé le public.
L'accident mortel de Muriel Furrer soulève encore de nombreuses questions. Les réponses pourraient être dérangeantes.