Noè Ponti, au sommet de la vague
«Après les JO, je n'étais plus capable de sauter à l'eau»

Noè Ponti est le nageur suisse en vogue. Le Tessinois détient deux records du monde ainsi que trois titres de champion du monde en petit bassin. Blick est allé à sa rencontre à Tenero, au Tessin, là où il s'entraîne depuis de nombreuses années.
Publié: 18.02.2025 à 07:21 heures
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Dernière mise à jour: 18.02.2025 à 07:22 heures
Noè Ponti s'est confié dans une grande interview à Blick.
Photo: GABRIEL MONNET
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Matthias DavetJournaliste Blick

Le soleil n'a pas encore pointé le bout de son nez sur Tenero, ce petit village sur les rives du lac Majeur. Une silhouette se profile au loin. Les roues de son skateboard se font entendre. Il est 7h lorsque Noè Ponti, le meilleur nageur de Suisse, arrive à la piscine du Centre sportif. Extrêmement rapide dans l'eau – il détient deux records du monde en petit bassin –, il l'est aussi dans les vestiaires. L'entraînement paie. Quelques minutes plus tard, le voilà sous le dôme pneumatique – cette structure montée sur le bassin durant l'hiver dans la cité tessinoise.

Après deux heures de traversées et un petit-déjeuner express, le nageur de 23 ans nous retrouve dans un petit café du complexe. Le temps d'échanger pendant une heure sur sa carrière, ses récents exploits mais aussi son avenir. Interview.

Noè Ponti, es-tu du matin?
C'est vrai que j'ai toujours de la peine à me lever (sourire). Une fois que je suis dans l'eau, ça va – même si ça ne se voit pas forcément sur mon visage. En plus, j'ai toujours été bon lors des courses du matin, donc ça a ses avantages.

Revenons un peu sur ta vie, si tu le veux bien. Si ta carrière se poursuit ainsi, cette histoire risque de devenir une sorte de mythe. Il paraît que tu savais déjà nager sans aide à la flottaison quand tu avais 3 ans.
Effectivement, j'ai commencé à nager sans aide vers 2 ans et demi. C'était naturel pour moi. Je faisais des ondulations avec mes jambes – même si on ne peut techniquement pas encore parler de papillon puisque je n'utilisais pas mes bras.

Et à 6 ans, tu as suivi les traces de ta sœur et tu t'es inscrit dans un club…
Asia a commencé car elle avait une scoliose. Je l'observais et j'aimais bien être dans l'eau, donc je me suis dit: «Pourquoi je n'essaierais pas?» Mais après un mois, j'ai arrêté car j'étais le petit du groupe et certains se moquaient de moi. Puis, nous sommes partis en vacances en Égypte en famille, j'ai beaucoup nagé dans la mer Rouge. J'ai ensuite dit à mes parents que je voulais recommencer. Depuis, je n'ai jamais arrêté.

C'est en skateboard que Noè Ponti traverse le Centre sportif de Tenero.
Photo: GABRIEL MONNET

Et les moqueries?
Ce n'était finalement pas méchant. Ils faisaient des blagues stupides et je le prenais un peu trop personnellement. Mais ce n'était pas du harcèlement.

Quel est ton premier souvenir lié à la natation?
Honnêtement… (il réfléchit) Je n'en ai aucune idée. J'ai plusieurs souvenirs par-ci par-là, mais pas un précisément. Je regarde les photos et je me rappelle certains lieux de compétitions. Mais pas d'un moment en particulier.

À 3 ans, tu faisais des ondulations de papillon dans l'eau. Ça a toujours été ta nage préférée?
Je pense que oui – ou plutôt, ma meilleure. Celle-ci est venue plus naturellement pour moi.

Lorsque tu avais 15 ans, tu as commencé à avoir 10 entraînements par semaine. N'en as-tu jamais eu marre de la natation?
Jamais dans le sens que je voulais tout arrêter. Bien sûr, il y a des périodes durant lesquelles c'est plus dur de se rendre à la piscine. En 2018, j'ai par exemple eu la mononucléose. J'ai dû freiner mes ardeurs et ce n'était pas facile de retrouver la motivation par la suite.

Avant les Jeux olympiques de Tokyo, peu de monde te connaissait. Ta qualification pour ceux-ci se fait de manière un peu chaotique. Le matin de la course, tu rates ton réveil.
Je suis certain que j'ai mis une alarme. À un moment, j'entends quelqu'un toquer à la porte. Je me dis: «Qui ose venir me réveiller ici à 6h du matin? Les femmes de ménage sont déjà là?» Ça continue de frapper et je regarde mon téléphone. 8h, alors que je devais partir à 7h30 de l'hôtel avec mon coach. Lorsque j'ouvre, mon entraîneur me demande ce qu'il se passe. Apparemment, ils ont tenté de m'appeler sur le téléphone de l'hôtel. J'ai mangé en vitesse une barre énergétique et on est partis. Mon coach a d'ailleurs reçu une amende car il avait laissé la voiture au milieu de la rue.

Et malgré ces conditions, tu as décroché ton ticket pour les JO. Comment est-ce possible?
Je pense que quand tu es prêt, tu es prêt. Bien sûr, je n'avais pas eu la routine matinale optimale, mais ça m'a peut-être aidé – à moins penser et à prendre les choses plus facilement.

Grâce à cette qualification, tu te rends à Tokyo. À ce moment-là, tu penses déjà à une médaille?
Non. Bien sûr, j'en rêve car je ne me mets pas de limite à ce niveau. Mais je savais que nombre de nageurs visaient ces trois places sur le podium. C'est seulement après les demi-finales que j'ai compris que j'avais une chance.

Lorsque tu touches la plaque et que tu vois que tu es troisième, qu'est-ce qui se passe dans ta tête?
Ce sont des montagnes russes d'émotions. Tu n'y crois pas vraiment. C'est une sensation bizarre, mais la meilleure du monde.

À quel point ta vie a-t-elle changé à partir de cette médaille de bronze?
Au Tessin, surtout, j'ai commencé à être reconnu dans la rue. D'un point de vue personnel, ça m'a permis de changer mes perspectives. Le but n'est plus seulement de participer à des compétitions, mais de les gagner. Je pense que j'ai changé de dimension.

Ce n'est pas trop dur de rester terre-à-terre à ce moment-là?
Ce n'est pas facile, certes. Mais ce n'est pas comme si une médaille olympique allait changer la personne que je suis. Peut-être que certaines personnes vont me regarder différemment. Mais mes amis vont toujours me voir comme la personne que je suis, et non l'athlète. Il faut juste être conscient de ce que tu as fait et que tu portes quelque chose sur tes épaules.

Avant les Jeux, tu avais déjà décidé de partir faire tes études à l'Université de Caroline du Nord, aux États-Unis. Pourtant, cette expérience a tourné court et tu es rentré au Tessin après quelques semaines.
Oui, ce n'était finalement pas ce dont j'avais besoin à ce moment-là. J'ai essayé, mais dès que j'ai compris que ce n'était pas pour moi – surtout mentalement et physiquement –, j'ai décidé de rentrer à la maison. Il faut comprendre où est sa limite et savoir dire non.

Est-ce que de quitter les États-Unis a été la décision la plus difficile de ta carrière?
Probablement. Pas de partir en soi, mais de le dire aux coachs. Ils avaient investi beaucoup de temps pour moi. Et aussi de l'annoncer aux autres gars de l'équipe, avec qui je m'entendais très bien. Ce n'était vraiment pas facile.

Avec du recul, est-ce que ce n'était pas aussi la meilleure décision?
On ne le saura jamais (sourire). Si j'étais resté, j'aurais peut-être décroché quatre médailles d'or aux Jeux de Paris. Tout ce que je sais, c'est que c'était la meilleure chose à faire à ce moment et je ne le regrette pas du tout. La vie est aussi parfois un jeu de hasard.

2024 a été une année importante pour ta carrière. Il y a d'abord eu les Jeux de Paris. Comment as-tu vécu cette nouvelle expérience olympique?
C'était si différent de Tokyo. C'était fou de pouvoir nager devant 18'000 spectateurs. L'ambiance était folle. Le seul problème, c'est que j'ai terminé quatrième et cinquième. Ce ne sont clairement pas les meilleures places, surtout aux JO. Physiquement, j'étais au top de ma forme. Sauf que mentalement, ce n'était pas assez et il y a des choses qui ne se sont pas goupillées comme il faut. À la fin, il faut vivre avec cela et pouvoir en ressortir le meilleur.

Qu'as-tu fait directement après Paris?
J'ai pris une longue pause de sept semaines, sans jamais nager. D'ailleurs, les premières semaines, je n'étais même pas capable de sauter à l'eau. Je le faisais uniquement pour me rafraîchir car il faisait trop chaud. Mais je te parle de 20 secondes, pas plus. Juste après les Jeux, ma motivation et ma vie personnelle n'étaient pas au top. Mais dès que j'ai recommencé les entraînements, ça allait bien mieux.

Le fait que tu n'avais pas envie de retourner dans l'eau, c'est parce que tu en avais marre?
Exactement. Avant cela, la plus longue pause que j'avais prise était de trois jours, à Noël. Autrement, j'étais dans l'eau six à sept fois par semaine. Peu importe si j'avais gagné – ça n'aurait pas fait de différence, je pense. Mais finir quatrième, c'est pire. Je ne voulais juste plus retourner à l'eau pendant un moment et je n'en ressentais pas le besoin.

Le nageur tessinois détient deux records du monde en petit bassin.
Photo: GABRIEL MONNET

Pourtant, l'année 2024 s'est terminée sur les chapeaux de roue pour toi. Trois titres de champion du monde sur 50 m papillon, 100 m papillon et 100 m quatre nages ainsi que deux records du monde en petit bassin, sur les deux premières disciplines mentionnées. Qu'est-ce que ça signifie pour toi?
Battre un record du monde, c'est presque comme remporter une médaille olympique. On en rêve toute sa vie. C'est vraiment difficile d'expliquer ce qui se passe dans la tête à ce moment, mais c'est clairement de superbes sensations.

En es-tu fier?
Oui, je pense. C'est important de l'être.

Cette année 2025 est également synonyme de Championnat du monde, mais en grand bassin cette fois. Veux-tu réitérer tes exploits?
Ça sera dur de le faire, mais on verra. Je ne vais plus nager sur 200 m papillon et nous allons tester de nouvelles choses avec mes entraîneurs. La médaille lors des Mondiaux est la seule qui me manque et le but sera de la remporter – peu importe le métal. Tant que ce n'est pas en chocolat (rires).

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