Imaginez la réalité du Vendée Globe. Être exposé jour et nuit aux tempêtes, sans pouvoir dormir plus d’une heure d’affilée, travailler dur physiquement en se comparant en tout temps à la concurrence. Sur un bateau, chaque décision doit être prise par soi-même, il n’y a aucune aide extérieure. De nombreuses personnes décriraient cette situation de départ comme leur plus grand cauchemar. Mais la Genevoise Justine Mettraux s’est lancée volontairement dans cette folle aventure.
En moyenne, seuls 55% des participants terminent la course en solitaire la plus difficile du monde. Les autres doivent abandonner au cours des quelque 44’000 kilomètres qu’il faut parcourir à la voile. Ce n’est donc pas sans raison que le Vendée Globe est surnommé «l’Everest des mers». Si plus de 7000 personnes ont déjà atteint l’Everest, ils sont seulement 200 hommes et femmes à avoir pris le départ du Vendée Globe en neuf éditions.
Une famille du Léman
Loin de la mer, Justine Mettraux a appris à naviguer sur le Léman. Cela est loin d’être un désavantage: «La Suisse est un bon endroit pour apprendre à naviguer. Après tout, les bateaux fonctionnent partoute de la même façon», explique-t-elle. Le reste de sa famille est sans doute du même avis. Ses quatre frères et sœurs font tous de la voile. Son frère Bryan était copilote chez Alinghi Red Bull lors de la dernière America’s Cup, et ses deux sœurs Elodie-Jane et Laurane naviguent elles aussi avec succès sur les mers du monde. Elles ont toutes été initiées à la voile par leurs parents, qui passaient leur temps libre sur le Léman.
Cela fait maintenant plus d’un mois que le Vendée Globe s’est élancé. Justine Mettraux, 10ème, est la meilleure des six femmes participantes et la plus rapide du trio suisse (Alan Roura 20ème, Oliver Heer 31ème).
La débutante bouscule la flotte
Blick s’est entretenu avec la Genevoise lors de la première phase mouvementée de la course, mais elle a su garder son calme: «Les conditions météo étaient plutôt faciles. J’ai dû faire un peu attention à cause des bateaux cargo autour des côtes espagnoles, mais sinon tout s’est bien passé», raconte-t-elle.
Il faut dire qu’à ce moment-là, ses concurrents avaient déjà subi des dégâts considérables, certains devant abandonner la course. Pour beaucoup, le départ était donc tout sauf «facile».
Après un départ réussi, qui lui a permis de naviguer longtemps parmi les dix meilleurs, la situation s’est toutefois quelque peu inversée. Le 27 novembre, la Suissesse a perdu une voile d’avant suite à une panne, comme l’a annoncé son équipe. Malgré ce revers, elle s’accroche et navigue désormais au sud de l’Australie.
Le tour du monde à force de volonté et d’expérience
Car naviguer est une chose, mais la force mentale en est une autre. Et la femme de 38 ans semble en avoir beaucoup. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent pourquoi cette course à travers le monde est mixte. Hommes et femmes peuvent s’affronter, car il ne s’agit pas seulement de force physique. Il s’agit de gérer à la fois le manque de sommeil et les montées d’adrénaline, tout en gardant la tête froide. Il s’agit d’anticiper la météo et de marcher en permanence sur un fil entre performance maximale et gestion des risques. Il s’agit aussi de faire preuve de volonté.
«Sa force mentale est énorme», affirme Simone Gaeta, le directeur technique de l’équipe derrière Justine Mettraux. «Elle se connaît très bien elle-même et sait comment se gérer pendant une course.» De plus, la Genevoise a beaucoup d’expérience sur l’eau. Elle a parcouru des miles nautiques comme peu de ses concurrents sur le Vendée Globe et peut donc faire entièrement confiance à ses compétences de skipper. «A un moment donné, on arrive à un point où l’on a déjà vécu presque toutes les situations et où l’on sait donc ce qu’il faut faire», explique-t-elle.
La Genevoise n’a donc réellement peur de rien? Elle avoue que la technique peut lui causer des sueurs froides. «Il est impossible de connaître, en tant qu’individu, la solution à chaque problème technique sur un tel bateau», concède-t-elle. Car dans ce domaine aussi, elle est livrée à elle-même. Elle peut certes demander conseil à son équipe à terre, mais c’est elle qui in fine tout réparer de ses propres mains. Pour participer à la régate la plus difficile du monde, il faut donc vraiment savoir tout faire.