Les carambolages se multiplient
Le public du Tour de France est-il l'ennemi numéro 1?

Les carambolages causés par des spectateurs se multiplient depuis le début du Tour de France. Ces erreurs de profanes se conjuguent à une foule plus jeune, plus virulente aussi, massée le long des routes.
Publié: 18.07.2023 à 18:02 heures
Une foule plus jeune, plus virulente, se masse le long des routes du Tour de France.
Photo: keystone-sda.ch

Depuis le début du Tour de France, les carambolages causés par des spectateurs se multiplient. «Disons que 99% des personnes font attention, décrit le puncheur d'AG2R-Citroën Benoît Cosnefroy. Mais il y a toujours celles trop alcoolisées ou n'ayant pas conscience de la vitesse à laquelle on arrive et elles n'ont pas les bons gestes. Le public du Tour n'est pas toujours connaisseur de vélo.»

Une série d'incidents l'ont montré cette année. Un spectateur avancé sur la route a envoyé à terre, puis à la maison, le Belge de TotalEnergies Stef Cras lors de la 8e étape. Le lendemain, une banderole artisanale, tombée au passage des coureurs, a accroché le guidon du Français d'Intermarché Lilian Calmejane, l'expédiant sur le goudron.

Dernier épisode en date, le bras d'une personne s'essayant à un selfie dos au peloton a déséquilibré Sepp Kuss, le lieutenant du maillot jaune Jonas Vingegaard, envoyé au tapis. «Ça n'a aucun sens pour moi. On voit des gens regarder à travers leurs téléphones plutôt que de vivre ce qui se passe», s'est lamenté l'Américain lors de la journée de repos critiquant «l'ère d'Instagram, TikTok et compagnie». Son équipe, Jumbo-Visma, envisage de porter plainte, selon l'un de ses représentants.

«Une ferveur plus importante»

Longtemps vu comme vieillot, le cyclisme s'est régénéré ces dernières années et attire un nouveau public. Par exemple, 21% des 18-24 ans ont suivi l'intégralité des étapes de la dernière Grande boucle et jusqu'à 27% des 25-34 ans, selon une étude menée par Cofidis et Dentsu Data Labs auprès de 1000 personnes en août dernier. A cela s'est ajouté la série-documentaire Netflix, destinée à conquérir une nouvelle audience, sur le modèle de Drive to Survive avec la F1.

«Je ne sais pas s'il y a un emballement avec Netflix mais on sent qu'il y a vraiment une ferveur plus importante», témoigne Thibaut Pinot qui remarque des visages rajeunis. «On retrouve plus de gens de 20 ou 30 ans. Et on n'a qu'une jeunesse comme on dit, je pense qu'ils la vivent bien au bord de la route. Moi ça me fait rire.»

Un autre facteur peut expliquer certains comportements: dans la lignée du peloton des années sombres, les foules des cols ne s'abreuvent pas qu'à l'eau minérale. «Il y a des gens bourrés, décrit le Belge d'AG2R-Citroën Oliver Naesen. C'est top de faire la fête mais il y en a qui abusent.»

Des nuées de spectateurs échauffés

Après la première étape au Pays basque, le coureur français de Cofidis Alexis Renard avait noté des vapeurs suspectes sur Strava: «Dans les bosses, ça sentait le tabac qu'on ne trouve pas chez Thérèse au bourg.» Ces nuées de spectateurs échauffés, dès la matinée, dans une ambiance de kermesse géante, peuvent se montrer turbulents. «Il faut bien dépenser l'enthousiasme engrangé, on ne peut tout de même pas le rapporter chez soi tel quel après s'être levé si tôt», comme l'écrivait Dino Buzzati en couvrant le Giro 1949.

Ainsi, on a pu voir dans le col de Joux Plane samedi une horde secouant comme des pruniers des véhicules en avant-course dans une vidéo de l'ex-pistard François Pervis. Quand ce ne sont pas les coureurs les victimes de ces excès...

«En descendant du Bettex dimanche après l'étape pour retourner au car, Biniam Girmay est tombé devant moi parce que des gens lui ont arraché le bidon des mains, raconte Benoit Cosnefroy. Il a fait un soleil.»

Aspergé d'urine

Plus tôt dans la semaine, le Belge Yves Lampaert a raconté une scène similaire, sans chute à la clé cette fois. Il a déjà donné dans Paris-Roubaix l'an passé, catapulté au sol à cause d'un spectateur empiétant sur la route.

«Les bidons, je ne sais pas ce qu'ils font avec, souffle Oliver Naesen. Voir des adultes qui en réclament en criant, franchement, je n'en peux plus. C'est usant. Quand t'es en train de boire, t'as trente personnes qui hurlent 'bidon, bidon, bidon'. C'est comme si on faisait partie de la caravane.»

Reste que l'édition 2023 n'a pas inventé les débordements. En 2021, une spectatrice avec une pancarte «Opi-Omi» provoquait une chute massive. Durant le Tour 2015, Chris Froome témoigne avoir été aspergé d'urine entre Rodez et Mende; quelques jours plus tôt, son équipier Richie Porte s'était plaint de coups au ventre envoyés par des spectateurs.

(AFP)


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