La star de l'athlétisme Lea Sprunger fait ses adieux
«Ma plus grande déception? Ne pas avoir rencontré Federer»

Lea Sprunger était devenue la première championne d'Europe suisse. La Vaudoise dispute sa dernière course ce mardi. Elle raconte les moments et les personnes qui l'ont marquée durant sa carrière.
Publié: 14.09.2021 à 11:18 heures
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Dernière mise à jour: 14.09.2021 à 12:10 heures
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En tournée d'adieu: Lea Sprunger, jeudi, au Letzigrund de Zurich.
Photo: BENJAMIN SOLAND
Emanuel Gisi

Il lui reste une dernière course: mardi, Lea Sprunger effectuera son dernier tour de piste à Bellinzone. «Je suis étonnée de voir à quel point les gens sont touchés par mon départ à la retraite, a confié la championne d’Europe 2018 du 400 m haies. Jeudi à la «Weltklasse» de Zurich, elle a reçu un nouveau tonnerre d’applaudissements. Une ovation qui l’a submergée d’émotions durant son tour d’honneur. «J’ai toujours su que les gens m’appréciaient un peu mais qu’on me témoigne autant d’amour, cela m’a bouleversée». Pour Blick, elle est revenue sur les moments décisifs de sa carrière.

Mon plus grand moment

«Lorsque je suis devenue championne d’Europe du 400 m haies à Berlin en 2018. C’est à ce moment-là que je suis entrée dans l’histoire, en devenant la première Suissesse à remporter un tel titre en plein air. Quand je repense à ce jour, je ne me souviens que de moments précis et d’un bon présage: ma mère m’avait dit qu’un symbole de vitesse était caché dans le logo de l’entreprise de livraison «Fedex». Cela faisait des mois que je le cherchais, mais je n’arrivais pas à le trouver. Puis, le jour de la course du championnat d’Europe, nous sommes passés devant un bus «Fedex» sur le chemin de l’hôtel au stade – et soudain, j’ai vu la fameuse flèche. J’ai ri aux éclats et j’ai su. Dans le stade et avant la course, j’étais incroyablement calme. Tout s’est mis en place.»

Les moments qui ont suivi sa victoire

«Quand j’ai franchi la ligne d’arrivée, j’étais juste soulagée. En une seconde, 10 kilos sont tombés des mes épaules. Si vous regardez à nouveau les images, vous pouvez voir que j’envoie un baiser en direction de la caméra. C’était pour ma grand-mère! Encore aujourd’hui, je ne pense pas qu’elle sache que ce geste lui était destiné, mais c’était important pour moi à ce moment-là. Elle a regardé chacune de mes courses et a toujours été là pour moi.»

Ma meilleure course

«Du point de vue des sensations, Berlin était très bien, mais ce n’était pas ma course de haies la plus rapide. C’est quand même curieux: j’ai couru la course parfaite à Genève en 2016 sur 200 mètres – alors que ce n’est pas du tout ma discipline! J’ai réussi à faire ce que nous, les sprinteurs, cherchons toujours à faire: je suis entrée dans le flow, sans dépenser d’énergie, sans me contracter, tout est venu tout seul. Je cherchais également ce sentiment unique sur le 400 mètres haies et je m’en suis approchée. Mais je n’ai jamais exactement retrouvé ce sentiment, comme ce jour de 2016 à Genève.»

Mon moment le plus difficile

«En 2017, lors des championnats d’Europe en salle à Belgrade, j’étais la favorite du 400 m, j’étais en tête après 300 m en finale, puis j’ai eu un trou noir, j’ai même raté les médailles. C’était dur à encaisser. Il m’a fallu beaucoup de temps par la suite pour comprendre ce qui avait mal tourné. J’ai tout remis en question, je n’étais même plus sûr que le sport était fait pour moi si j’échouais au moment décisif. D’autant plus que j’avais aussi mal réussi aux Jeux olympiques de Rio six mois auparavant.»

Mon moment le plus triste

«Lorsque nous avons été éliminées avec l’équipe de relais 4x100 m lors de la finale du championnat d’Europe à Zurich. Je m’en souviens très bien: j’étais la dernière relayeuse, la course a commencé, le stade s’est déchaîné, puis Mujinga Kambundji a fait cette erreur, elle a perdu le témoin… et soudain, le silence a été total, bien que la course ait continué. Tout le Letzigrund était en état de choc, tout le monde était triste. Nous aussi en tant qu’équipe, les personnes qui nous entouraient, les spectateurs, etc. Pour moi, c’était doublement étrange. J’ai attendu à l’autre bout du stade et au début je me suis demandé: «Pourquoi ne continue-t-elle pas à courir, pourquoi ne vient-elle pas?». Ça me rend encore triste maintenant quand j’y repense. Mais ce qui est très important, c'est que personne n’a jamais blâmé Mujinga, pas même en interne. Heureusement.»

Ces athlètes m’ont impressionnée

«Allyson Felix me vient en tête en première. Pour ses exploits sportifs, mais aussi pour ce qu’elle a accompli ces dernières années (ndlr: l’Américaine a remporté 11 médailles olympiques et s’est battue contre une clause discriminatoire de son contrat avec son ancien sponsor Nike en lien avec sa maternité). Et puis, il y a aussi une réponse suisse: Roger Federer. Mais vous savez quoi? Je ne l’ai jamais rencontré, c’est la plus grande déception de ma carrière (rires forts)

Mes meilleurs amis

«L’ex-sprinteuse Clélia Reuse était souvent ma colocataire au début de ma carrière, on faisait tout ensemble. Par la suite, Ajla Del Ponte est devenue une très bonne amie. Nous nous sommes entraînées dans le même groupe aux Pays-Bas et nous étions les deux seules Suissesses de l’équipe néerlandaise. Ces moments nous ont soudées.»

Ce qui va me manquer

«Les camps d’entraînement! Vous partez pour un mois avec un groupe dans un endroit qui est généralement magnifique (rires), c’est toujours l’été. Vous ne faites rien d’autre que manger, dormir, vous entraîner, avoir le temps de bien faire connaissance les gens avec qui vous êtes sur place. Tu es dans ta bulle. J’ai toujours aimé ça.»

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Ce qui me manquera le moins

«Par-dessus tout, l’égoïsme dont vous devez faire preuve qu’athlète professionnelle. C’est quelque chose que j’ai dû apprendre. J’ai eu beaucoup de mal à entrer sur la piste et à me dire «Je suis la meilleure, je peux toutes les battre». Ce n’est pas dans ma nature.»

Ce que je ferai l’été prochain

«Me marier. Dans le sud de la France, la date et le lieu sont déjà fixés. Nous ferons une autre fête entre les championnats du monde et les championnats européens l’été prochain. J’aimerais que quelques amis de l’athlétisme et mon entraîneur Laurent Meuwly puissent venir.»

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