«Je suis Didi», annonce Ditaji Kambundji en arrivant. Des rires fusent. La jeune femme de 22 ans vient d’étouffer dans l’œuf la discussion sur la prononciation correcte de son prénom. Elle aide tout de même: «Di-ta-schi», avec une légère accentuation sur le i. Pas «Di-TA-schi» et encore moins «Ditatschi», rigole-t-elle. Cette saison, l’athlète a d’abord remporté l’or sur 60 mètres haies aux Championnats d’Europe à Apeldoorn (NL), puis l’argent aux Championnats du monde à Nanjing, en Chine.
Le fait que son nom soit parfois mal accentué n’est pas un problème pour elle: «Ditaji signifie soleil», raconte la Bernoise. Avec sa sœur Mujinga, qui vient d’être sacrée championne du monde en salle et vice-championne d’Europe du sprint sur 60 mètres, elle se fait coiffer pour la séance photo prévue avec la «Schweizer Illustrierte». «Le blush ne me va pas très bien», lance Mujinga en mordant dans un sandwich au jambon.
L’importance du style...
Leur apparence est importante pour les sœurs, surtout lors d’une compétition. Un beau maquillage ou des bijoux assortis augmentent la confiance en soi avant un départ. Les bagues de Ditaji ont toutes une signification. «Je me suis offert celle-ci après les Championnats du monde», dit-elle en désignant une fine bague ornée de petites pierres scintillantes. Au quotidien, Mujinga tient également à ce que «ses cheveux ne partent pas dans tous les sens», comme elle le raconte en riant. Il faut dire qu’on lui demande souvent une photo. «Je fais mes courses moins bien habillée que Mujinga», assure la plus jeune.
Mujinga et Ditaji sont très proches. Elles ont aussi un lien étroit avec leurs deux autres sœurs, Kaluanda et Muswama. Kaluanda est désormais maman de deux enfants et vit à Berne. Muswama a déménagé à Londres pour son travail dans le secteur de la fintech. Elle suit toujours un entraînement intensif en athlétisme et fait aussi du bobsleigh en hiver. «Nous faisons beaucoup de choses ensemble», raconte Mujinga. «Quand nous n’avons pas le temps de nous voir, nous nous téléphonons.» La plus jeune des sœurs, Ditaji, a, elle aussi, quitté la maison familiale. Elle vit à trois minutes de Mujinga et de son partenaire Florian Clivaz, qui est aussi leur entraîneur.
... et surtout de la famille
La famille est ce qu’il y a de plus important pour les sœurs. Dans ce cadre, elles peuvent simplement être des jeunes femmes et sont ancrées dans la réalité. «Dans la famille, on se soutient», assure Ditaji. «Le succès ne change rien à nos relations», précise-t-elle. Il faut dire qu’elles sont actives dans un domaine qui attire beaucoup l’attention des médias. Mais elles gardent les pieds sur terre: «Je suis consciente que, lors d’événements par exemple, je bénéficie parfois d’un statut particulier. Ou que j’ai justement une fonction de modèle pour les plus jeunes. Un jour, j’arrêterai le sport. Je ne me suis jamais définie par rapport à cela», reprend Mujinga. Leurs hobbies les aident également à prendre leurs distances. Elles adorent leur jardin d’herbes aromatiques, aiment cuisiner ou se détendre en lisant. Mujinga a choisi la saga «Outlander», Ditaji aime aussi les romans fantastiques. Et tandis que Mujinga aime voyager, Didi se fixe toujours des objectifs personnels qui n’ont rien à voir avec le sport. Coudre, faire du crochet, apprendre une langue.
Mujinga Kambundji fait partie de l’élite mondiale de l’athlétisme depuis de nombreuses années. Elle a fait passer le sport à un niveau supérieur en Suisse – les jeunes sportifs peuvent désormais en profiter, y compris Ditaji. «Tout est devenu plus grand», assure Mujinga, qui a l’habitude de l’exigence à chaque instant. «La dernière saison en particulier m’a demandé beaucoup d’efforts.» Les Jeux olympiques de Paris ont été un moment fort, tout comme la finale du 100 mètres. Sa sixième place n’a pas été une déception, mais elle avoue avoir ressenti la pression. Après Paris, la fatigue ne lui a pas permis de s’entraîner comme elle l’aurait voulu. C’est pourquoi la défense de son titre aux Championnats du monde en salle n’allait pas de soi. «Bien sûr, c’est une médaille de plus. Cela signifie déjà beaucoup pour moi», assure-t-elle. Plus jeune, elle n’aurait jamais imaginé remporter un jour des médailles ou des titres en sprint.
Des aventures communes
Les sœurs confient qu’elles ne se disputent ou ne s’énervent jamais. Au contraire: toutes deux sont reconnaissantes de pouvoir vivre ensemble au rythme de la compétition. Elles continuent d’ailleurs de partager leur chambre d’hôtel lors des grands rendez-vous. «Nous sommes toutes les deux très simples», explique Mujinga Kambundji. «Et bien sûr, nous nous connaissons très bien, nous savons ce dont l’autre a besoin.» Ditaji ajoute: «Nous avons dix ans de différence d’âge. Quand elle avait vingt ans, j’en avais dix. Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne nous sommes pas affrontés en permanence.»
La saison indoor est maintenant terminée pour les Kambundji. Les Championnats du monde de Tokyo seront le point culminant de la saison en extérieur au mois de septembre. «Je suis extrêmement motivée», lance Ditaji Kambundji. «La saison en salle a montré que j’étais en forme. Mais il faut aussi amener la forme sur la piste. Je me réjouis des compétitions, je veux découvrir si ce sur quoi nous avons travaillé fonctionne». Pour Mujinga aussi, après toutes ces années, l’envie de tirer un centième de plus de ses jambes est toujours là. «J’ai toujours l’impression de pouvoir courir encore plus vite. Je suis plus endurante qu’avant, plus stable techniquement et je connais mieux mon corps, je veux découvrir ce qui est faisable.»
De nouveaux Jeux olympiques?
Les Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles sont dans la ligne de mire de Mujinga. Elle aura alors 36 ans. À cet âge, de nombreuses sprinteuses réalisent encore de grandes performances, rappelle-t-elle. Elle s’en croit d’ailleurs capable. Mais son rêve est aussi de fonder sa propre famille. Se voit-elle aller à L.A en tant que maman? «Pourquoi pas, je peux l’imaginer», confie-t-elle. Elle ne sait pas encore ce qu’elle fera après sa carrière sportive: «Je ne veux certainement plus être sur la piste toute la journée. Mais quelque chose dans le domaine du sport serait génial», assure-t-elle.
De son côté, Ditaji Kambundji, qui a terminé le gymnase sportif en 2022, envisage de faire encore des études. «Mais je ne sais pas encore ce que je veux faire. Je suis reconnaissante d’avoir pu réaliser mon rêve d’être une professionnelle du sport après la maturité.» Pour les sœurs, quelques semaines d’entraînement sont maintenant prévues avant de commencer la deuxième partie de la saison de compétition. Elles se réjouissent toutes les deux de se retrouver sur la piste, prêtes à donner le meilleur d’elles-mêmes. Bien que toujours ensemble, elles gèrent seules ces moments les plus importants de leur vie.