Apatride, il n'ira pas aux JO
Welay Hagos Berhe, cycliste en exil

Welay Hagos Berhe est venu en Suisse après avoir fui la guerre civile éthiopienne. Apatride, ce cycliste talentueux n'a pas été autorisé à participer aux JO. Mais il se verrait bien un jour défendre les couleurs helvétiques.
Publié: 20.07.2024 à 16:47 heures
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Dernière mise à jour: 20.07.2024 à 17:47 heures
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Welay Hagos Berhe est éthiopien. Ce cycliste professionnel de 22 ans n'a pas vu sa famille depuis quatre ans.
Photo: URS BUCHER
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Mathias Germann

Au total, 186 nations participeront aux Jeux olympiques de Paris: des Îles Vierges américaines (3 athlètes) à la République centrafricaine (4) en passant par les États-Unis (598). La Suisse rejoindra les bords de la Seine avec un contingent de 62 femmes et de 66 hommes. Et l'Ethiopie? L'écrasante majorité de la délégation prendra part aux épreuves d'athlétisme ou de course à pied, car ce pays de la Corne de l'Afrique (123 millions d'habitants) dispose d'une grande tradition dans ces disciplines. Haile Gebrselassie est sans nul doute le sportif le plus célèbre du pays, lui qui a remporté deux médailles d'or olympiques (1996 et 2000, les deux sur 10'000 m) et a établi 26 records du monde sur longue distance.

Hagos Welay Berhe l'avoue sans détour: il n'a jamais pu rivaliser avec la légende de la course. «Je ne courais pas, je faisais du vélo», dit-il en riant. Il a commencé à 17 ans, après avoir vu par hasard le cycliste britannique Christopher Froome à la télévision lors de l'une de ses quatre victoires au Tour de France. «Les fans, les motos, la course... Tout me fascinait. C'est là que je me suis dit: 'Je veux faire ça un jour! Aujourd'hui, je suis professionnel et mon rêve est de gagner un jour le Tour, comme Froome.»

Le permis F ne suffit pas

Le coureur de l'équipe Jayco Alula, pour laquelle court également le Zurichois Mauro Schmid (24 ans), est considéré comme un diamant brut. Il aurait largement les compétences pour représenter l'Ethiopie aux JO de Paris. Mais il n'en a pas le droit. Pourquoi? Welay est apatride. Une situation qui dure depuis 2020, date à laquelle il a quitté le pays en raison de la guerre civile naissante. Il s'est alors installé à Aigle (VD), où il avait suivi une première formation un an plus tôt, au Centre Mondial du Cyclisme.

En Suisse, Welay est titulaire d'un permis F. Marcello Albasini, ex-entraîneur de l'équipe nationale suisse, a pris Welay sous son aile et l'aide partout où il le peut, tant au niveau du cyclisme que du reste. Il faut dire que le grimpeur, qui mesure 1,70 m et pèse 59 kilos, a grand besoin de cet appui.

En effet, Welay n'est pas reconnu comme réfugié. Et il ne peut pas déposer de demande d'asile. A ce titre, il ne peut même pas faire partie de l'équipe olympique officielle des réfugiés («Refugee Team»), pour laquelle concourra notamment à Paris le champion d'Europe suisse du 10'000 mètres Dominic Lobalu. «Cela fait mal, car les Jeux olympiques sont une des plus grandes choses qui soient», dit-il. Mais Welay a traversé des épreuves bien pires que celle-ci.

La guerre ne fait plus rage, mais...

Nous le rencontrons au cœur de la Thurgovie. Plus précisément: dans la maison d'Albasini à Lanternswil. Dans un cadre idyllique, entouré de pommiers bien garnis, il raconte: «Je n'ai pas vu ma famille depuis quatre ans. Elle me manque tellement. Mais je ne peux pas rentrer chez moi.» Car dans l'Éthiopie déchirée par la guerre – laquelle a déjà fait des centaines de milliers de morts – il serait soit enrôlé tout de suite dans l'armée, soit tué, explique-t-il.

Il ne lui reste que les appels téléphoniques ou vidéo pour communiquer avec ses proches. Mais même cela ne fonctionne pas toujours. «Actuellement, il y a un cessez-le-feu, mais l'infrastructure dans mon pays est misérable», explique Welay. Toujours est-il que ses parents, ses frères et ses sœurs, qui vivent à Dogu'a Tembien, se portent bien. De quoi lui conférer une paix intérieure, lui qui, enfant, cirait des chaussures et faisait du pain destiné à être vendu.

Marcello Albasini, ange gardien

Welay se sent bien dans sa patrie d'adoption, la Suisse. «Ce que je préfère, c'est la raclette», dit-il dans un allemand approximatif mais sincère, qu'il cherche chaque jour à améliorer En Thurgovie, tout le monde est très gentil, dit-il. On le salue toujours et on discute volontiers avec lui. «Mon rêve serait d'habiter en Suisse pendant la saison et de rendre visite à ma famille en hiver. Peut-être qu'ils pourraient aussi venir ici de temps en temps – je pourrais alors leur montrer à quel point la Suisse est belle.»

Albasini espère que son protégé obtiendra bientôt l'asile. «Hagos n'a pas seulement un grand talent en montagne, mais il a aussi un grand cœur. Tant que je peux l'aider, je l'aide», dit-il. Un épisode de l'automne dernier montre à quel point ces phrases ne sont pas vides de sens.

Welay avait alors pris avion pour participer à une course en Turquie. Mais comme ses papiers n'étaient pas valables aux yeux des autorités turques, il a été arrêté à l'aéroport. «Ils m'ont tout pris, y compris mon porte-monnaie et mon téléphone portable. J'ai dû me déshabiller et me retrouver nu dans une cellule avec d'autres prisonniers.»

Nu dans une prison turque

Il ne pouvait parler à personne – certains ne comprenaient pas l'anglais, d'autres ne voulaient pas le comprendre. «Je n'avais pas non plus le droit de téléphoner. Honnêtement, c'est là que j'ai commencé à avoir peur. S'ils m'avaient expulsé vers l'Éthiopie, je crois que j'aurais été tué.» Puis, après une nuit d'insomnie, la délivrance: Welay est autorisé à passer un appel téléphonique. Il appelle alors son «papa», surnom qu'il donne à Marcello Albasini. Celui-ci s'occupe alors immédiatement de l'affaire. «Heureusement, je connais des gens en Turquie – ils nous ont aidés. Hagos est sorti de prison et il est rentré en Suisse».

Aujourd'hui encore, Welay repense encore parfois à ces moments d'angoisse. Lorsqu'il souffre beaucoup dans une montée raide par exemple, ces souvenirs rendent les douleurs plus supportables. «Je suis convaincu que Dieu a choisi ce chemin pour moi pour une raison précise», dit-il avec philosophie. Il ne veut en tout cas pas se plaindre et la pitié, non merci. «Mais cela va faire mal de suivre les courses de Paris à la télévision», admet-il. Pendant ce temps, Albasini le rassure: «Hagos, en 2026 à Los Angeles, tu seras certainement de la partie!»

Rouler pour la Suisse? «Pourquoi pas»

En effet, les connaisseurs sont confiants pour la carrière de Welay. Les valeurs qu'il est capable d'atteindre en montagne sont impressionnantes. Pourrait-il même s'imaginer courir pour la Suisse à l'avenir? C'est notamment ce qu'a fait Dominic Lobalu, originaire du Soudan du Sud et également apatride, aux championnats d'Europe. L'as du marathon Tadesse Abraham court lui aussi pour la Suisse, bien qu'il soit né en Érythrée. «Pourquoi pas», rétorque Welay. La Suisse lui a permis de faire beaucoup de choses et il aimerait bien rendre quelque chose en retour. «Avoir un jour le passeport suisse et concourir avec la croix suisse lors d'un grand événement serait formidable. Mais je sais que le chemin est encore long», explique-t-il.

Après une heure et demie de photos et de discussion passionnante, le moment est venu pour Welay de se préparer pour son entraînement de cinq heures. «Va en direction de Schaffhouse, il ne pleut pas là-bas», lui conseille Albasini. Welay acquiesce de la tête. Avant de se mettre à pédaler, il nous crie: «Danke!» C'est son mot préféré en allemand, nous a-t-il confié peu avant.

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