Samedi, si elle gagne son quart de finale contre la Hongroise Luca Anna Hamori, elle sera assurée de remporter au moins le bronze, la première médaille de l'Algérie aux JO de Paris. Cheveux tressés, grande (1,79 m), Imane Khelif, 25 ans, a raconté, souriante, son histoire en forme de conte de fées, un mois avant les JO à la chaîne publique francophone «Canal Algérie». «Notre village était à environ 10 km du centre-ville (de Tiaret, à 280 km au sud-ouest d'Alger). Je suis passée du village à la ville. De la ville à la capitale. De la capitale à l'étranger», confiait-elle.
Issue d'une famille modeste de la région semi-désertique de Tiaret, elle a souligné les difficultés de son parcours dans «un village de gens conservateurs». «Je suis issue d'une famille conservatrice. La boxe n'était pas un sport très pratiqué par les femmes, surtout en Algérie. C'était difficile», a-t-elle dit à «Canal Algérie». Athlétique, elle jouait au football avec les garçons de son village de Biban Mesbah mais sa capacité à les surpasser lui attirait parfois des bagarres. Ce qui l'a amenée à la boxe.
Dans une autre interview pour l'Unicef, dont elle est ambassadrice, elle a souligné avoir dû vendre de la ferraille, et sa mère du couscous fait maison, pour payer leurs tickets de bus de leur village vers Tiaret. Son père n'approuvait pas son choix de faire de la boxe, mais il est devenu l'un de ses plus grands fans. Ce soudeur sans emploi de 49 ans a confié sa fierté pour sa fille, «un exemple de femme algérienne, une des héroïnes de l'Algérie». Saluant «sa forte volonté au travail et à l'entraînement», il a balayé les insinuations sur son genre: «Mon enfant est une fille, elle a été élevée comme une fille, c'est une fille forte et courageuse.»
Pas loin de renoncer à la boxe
En 2022, Imane confiait à l'agence algérienne APS avoir songé à renoncer à la boxe «parce que ma famille n'acceptait pas l'idée, et à cause du regard de la société, qui considérait que je faisais quelque chose de mal». Mais «toutes ces barrières m'ont rendue plus forte et ont été une motivation supplémentaire pour réaliser mon rêve», ajoutait-elle.
Aux Jeux de Tokyo en 2021, elle va jusqu'en quarts de finale (-63 kg), finalement battue par l'Irlandaise Kellie Harlington. «Tout a changé pour le mieux, surtout lorsque le drapeau de mon pays flottait et que son hymne était joué dans de nombreux pays du monde» après ses victoires, a-t-elle expliqué. En 2023, elle se hisse en demi-finale du championnat du monde à New Delhi. Mais elle est disqualifiée à la suite de tests d'éligibilité de genre organisés par la Fédération internationale de boxe (IBA), non reconnue par le Comité international olympique (CIO). L'IBA n'a pas précisé la nature de ces tests, réfutant qu'il se fût agi de mesure du taux de testostérone.
Viser l'or, contre vents et marées
Pour le CIO, son éligibilité ne fait aucun doute. Elle peut participer aux Jeux. Mais l'exclusion de New Delhi refait surface quand l'Italienne Angela Carini abandonne dès les premières secondes de leur combat en 8e de finale à Paris. Le CIO s'insurge contre la campagne de cyberharcèlement dont elle est immédiatement la cible. Se multiplient sur les réseaux sociaux les messages haineux, souvent empreints de racisme, la décrivant comme «un homme combattant des femmes».
«Toutes ces polémiques lui donnent de la force pour avancer», a estimé son entraîneur Mohamed Chaoua. Une détermination affichée par la championne sur le site de l'Unicef: «Mon rêve est de gagner une médaille d'or. Si je gagne, les mères et les pères pourront voir jusqu'où leurs enfants peuvent aller. Je veux inspirer les filles et les enfants en Algérie.»