Dans son cabinet à Zurich, il y a une chaise longue, un bureau, quelques bricoles, et une bibliothèque remplie de bouquins sur la médecine. A première vue, Renato Werndli, 68 ans, reçoit ses patients dans un cabinet médical tout ce qu'il y a de plus banal. Si ce n'est que de nombreuses photos d'animaux ornent les murs.
Oui, sauf qu'il ne s'agit pas de n'importe quel lieu. En effet, nous nous trouvons dans le premier cabinet médical végétalien de Suisse. Renato Werndli en est l'un des fondateurs et y travaille une fois par semaine. «De nombreux médecins ne prennent pas l'alimentation végétalienne au sérieux», explique-t-il. Ici en revanche, les patients véganes sont écoutés et on ne part pas du principe que leur alimentation est la cause de leurs soucis de santé.
Végane pour des raisons morales
De son côté, Renato Werndli est végétalien depuis des années «pour des raisons morales», comme il le souligne. Toutefois, la morale ne s'arrête pas à la nourriture selon lui. En effet, le médecin est l'une des têtes pensantes de l'initiative pour l'interdiction de l'expérimentation animale, qui sera soumise au vote du peuple suisse le 13 février. Celle-ci demande que toute expérimentation animale soit punie. Quant aux médicaments nouvellement développés à l'aide d'expériences sur les animaux, ils ne devraient plus être importés ou commercialisés.
Ceux qui soutiennent l'initiative exigent donc un changement radical des mentalités. Pourtant, Renato Werndli, lui, n'a rien de radical. L'homme aux traits fins et à la voix douce inspire beaucoup de tendresse. Parfois, lorsqu'il perd le fil de la discussion, il laisse des phrases inachevées. Et quand il ne travaille pas dans son cabinet zurichois, il est médecin de famille dans un village de la vallée du Rhin saint-galloise. Là bas, on le considère comme un «outsider», nous précise-t-il. Sur place, il a tenté d'ouvrir deux magasins végétaliens, les deux tentatives se sont soldées par un échec. «Ce n'était pas rentable», confie-t-il.
Une peur des animaux
Depuis ses études de médecine, Renato Werndli considère la protection animale comme une mission. Pourtant, il n'aime pas particulièrement les bêtes. Il en a même plutôt peur: «Toute ma vie, je n'ai pratiquement jamais touché un animal». Mais manger des animaux, les utiliser pour une quelconque finalité humaine, est pour lui profondément immoral. Il en est convaincu: une espèce ne devrait pas en exploiter une autre.
Si la Suisse est l'un des pays les plus stricts au monde en matière de protection animale, cela ne suffit pas au professionnel de la santé ainsi qu'à ses compagnons de lutte - c'est là que son côté radical prend le dessus. En effet, l'initiative veut même interdire la recherche comportementale sur les animaux. Les tests cliniques sur les humains, pour découvrir les effets secondaires d'un médicament, par exemple, seraient également interdits.
Une catastrophe pour la recherche
Mais alors, une alternatives est-elle vraiment envisageable? Pour Renato Werndli, c'est une évidence: les médicaments seraient développés de manière quasi théorique de A à Z, puis utilisés directement sur les personnes.
Cependant, pour l'industrie pharmaceutique ainsi que les universités suisses, un tel projet serait catastrophique pour la recherche. Mais Renato Werndli ne se laisse pas impressionner. «Pour eux, il est plus facile d'obtenir des fonds pour la recherche s'ils font des expériences sur les animaux!» affirme-t-il.
Vacciné malgré les tests sur les animaux
Le Saint-Gallois n'a pas lancé l'initiative seul. La naturopathe Luzia Osterwalder fait également partie du comité. Cette dernière est une antivax convaincue. Elle est également active auprès des coronasceptiques. Renato Werndli précise qu'il ne partage pas les positions de sa collègue, au contraire. Le médecin est lui-même vacciné et a déjà reçu son booster.
L'homme regrette toutefois que le vaccin contre le Covid ait été développé à la suite de tests sur des animaux et d'études cliniques sur l'homme. Mais le sexagénaire se montre résilient: «Si je renonçais à tout ce qui a fait l'objet d'expériences sur les animaux, je ne pourrais même pas boire d'eau», explique-t-il avant d'ajouter que dans certaines stations d'épuration, on utilise des poissons pour tester la pureté de l'eau via des sondes placées sur les branchies.
Pour le médecin, c'est sûr: le développement du vaccin aurait été possible sans expérimentation animale - et même en Suisse. Il faut simplement «du temps et une recherche méticuleuse».
La protection des animaux opposée à l'initiative
Mais l'homme ne se fait pas d'illusions: son initiative aura du mal à passer devant le peuple. Et par manque de fonds, il n'y aura pas de campagne. Au Parlement, personne n'a voté pour. De son côté, même la Protection suisse des animaux trouve que la demande va trop loin.
Si le mode de vie végane est de plus en plus accepté, l'initiative semble beaucoup trop radicale. Alors, n'y aurait-il pas un compromis à trouver? «Les animaux devraient être égaux aux hommes», signale Renato Werndli. «Pas supérieurs. Mais pas inférieurs, non plus. Et franchement, je ne vois pas comment on pourrait trouver un compromis».
(Adaptation: Valentina San Martin)