«Quoi?! T’es jamais allée à Paléo?!» voilà ce qu’on me balance quand j’avoue ne jamais avoir mis les pieds dans le plus grand open air de Suisse.
Face à cette question teintée d’une pointe de dédain, je décide d’y aller franco moi aussi: «Non, je ne souhaite pas me mêler à la populace, le tout dans la boue.» Généralement, la discussion s’arrête là. Vous devez vous dire que je suis bien snob. Eh bien ma foi, c’est vrai…
Pour cette première, j’ai donc décidé de visiter tous les recoins bling-bling du festival. Alors suivez-moi, vous verrez, on est bien!
Une préparation minutieuse
Bon, avant de fouler la plaine de l’Asse, il convient de s’organiser minutieusement. Je prépare donc une bouteille d’eau avec deux rondelles de citron à l’intérieur, mes lunettes les plus stylées et surtout, mon brumisateur signé Evian.
Mon boss et mes collègues me conseillent même d’enfiler des talons pour aller au bout de la hype «parce que tu sais, y a des nanas qui viennent en mode classe avec des talons.» Ouais, sauf que j’ai dit que j’étais posh, pas complètement débile.
Ma mère m’a toujours appris à m’apprêter correctement selon chaque situation. Qui, mis à part des gens pas très à eux, enfile des échasses pour se promener dans l’herbe et la poussière?! Disons que je suis la version meta de la snob, puisque toutes mes tenues sont réfléchies. Je me contenterai donc de mes Van’s. Pour le côté chic, j’ajoute deux bracelets dorés à la cheville droite, punkt schluss!
First of all: faire péter le champ'
Avant toute chose, je me dois de fêter mon premier Paléo comme il se doit. Pas question de partager une simple bière avec les collègues. Direction le bar à champagne avec mes confrères Amit et Fabien.
À peine arrivée, je sens une bonne odeur de cigare, quel bonheur. Ça me rappelle ceux que fumait mon grand-père. Je me retourne et je vois son sosie. Après un rapide coup d’œil sur toute la terrasse, je remarque qu’il n’y a aucun jeunet ici. «Oh tu sais, c’est surtout plein le soir car nous sommes les derniers ouverts. Sinon, tu peux être sûre de voir du monde lorsque Francis Cabrel se produit pas loin», m’explique André Rosé (oui, oui). L’homme de 76 ans – pas brut pour un sou – bosse à Paléo depuis une trentaine d’années. Il a ensuite légué sa place de responsable à Ariane Vial. C’est elle qui gère le stand désormais.
Bon, c’est pas tout, mais j’ai soif. On se décide donc pour la flûte la plus chère: la sélection Paléo Rosé. Et là, c’est le drame! Au moment de se poser à table, Fabien renverse les merveilleux breuvages! Heureusement qu’on avait opté pour trois verres à 12 balles et pas la bouteille à 85 ou pire, celle à 240! Vous imaginez l’horreur. Non parce que le champ', c’est sacré!
Heureusement pour ses petites miches, il retourne commander de quoi nous rafraîchir pendant que je patiente sagement posée comme une queen. «Un peu plus vite Fabien! J’attends!» Pas sûre qu’il m’ait entendue…
Du foie gras en veux-tu en voilà
Après cette pause pétillante, mon valet et moi… Euh Fabien et moi décidons de nous rendre au restaurant. Nous avons jeté notre dévolu sur le Cyrano qui figure dans le top 20 des meilleurs lieux où manger à Paléo.
Qu’est-ce qu’on y trouve? Du magret de canard, du tartare et du foie gras. En plus, il y a un service à table. Il n’en fallait pas plus pour me convaincre. Je décide d’opter pour la salade gastronomique composée de salade verte, de magret séché et fumé, d’un bloc de foie gras, de magret cuit, d’une terrine de canard et d’un petit melon bien frais.
Mon val… Fabien, lui, optera pour un modeste thé froid et me regardant manger. C’est très bien. Les roturiers ne sont pas autorisés à se nourrir en même temps que la noblesse. Tout le monde le sait!
Un peu comme au bar à champagne, il n’y a pas beaucoup de jeunes hippies ici. On est plutôt sur du cinquantenaire qui porte des polos Hugo Boss. Le chef du resto m’explique qu’il ne fait «que» 250 couverts par soirée et que les festivaliers dans la fleur de l'âge préfèrent manger sur le pouce lors de leur rapide passage à côté des stands plus loin. Pas question de se dépêcher de manger. Ici, on prend son temps pour commander, on se sustente tranquillement et on discute autour d’un bon verre d’armagnac.
On est tellement posé qu’on ne voit même pas l’heure tourner. Il se fait tard et j’ai le ventre plein. Nous décidons donc de nous en aller. Fabien m’escortera jusqu’à la maison en Tesla, s’il vous plaît. Parce que le petit train rouge, c’est sympa m’enfin, les sièges ne sont pas en cuir et il n’y a pas de clim…
Rendez-vous au Pal’Asse
Le festival bat son plein depuis quelques jours déjà et j’ai appris qu’il existait un coin camping un peu spécial appelé «Le Pal'Asse» (un jeu de mot tout trouvé) et qui s’étend sur 5000 mètres carrés. Il s’agit en gros d’une version ++ du camping basique. Je décide donc d’y faire un tour pour voir à quoi cela ressemble.
Pour me rendre au fameux Pal’Asse qui existe depuis 2017, je dois traverser toute la zone camping gratuite, l’angoisse. Ça sent la weed et la binche à plein nez. Surtout, ça gueule «Bamboulé» à tout va. Je suis à deux doigts de faire un malaise vagal. Mais il faut se faire violence et avancer rapidement jusqu’à ma destination.
Une fois arrivée, je passe l’entrée qui est gardée par deux bénévoles. L’ambiance est calme, voire déserte. Ici, pas de tentes standards mais des sortes de tipis blancs. Il y en a 140 au total.
En avançant, je remarque trois jeunes assis sur l’herbe en train de jouer aux cartes. Mais alors, pourquoi n’ont-ils pas choisi d’aller au camping standard? «J’ai bossé comme staff à l’époque et cette année, j’ai décidé de me faire une semaine un peu luxe on va dire», m’explique Cécile, 31 ans.
Niveau prix, une semaine dans ce tipi coûte 600 francs en plus du billet à la semaine pour entrer dans le festival. «C’est clair que c’est un petit budget, mais encore, on n’a pas pris la version la plus coûteuse avec des vrais lits et tout. Ici on a simplement des lits de camps. C’est la version medium», confie Julie, 26 ans.
D’après les infos récoltées sur place, le Pal’Asse propose des structures préinstallées, des douches chaudes et il y a même une zone wifi privée. C’est sûr, c’est plus confo que le camping normal. Après, ça reste un camping hein…
D’autant plus que la canicule défie clairement le concept. La zone se trouve juste à côté de l’autoroute au bitume brûlant. Il n'y a pas d’air conditionné ou de bâche pour se mettre à l’ombre. Sans oublier qu’il fait une chaleur écrasante à l’intérieur des tipis. «Généralement on se lève vers 8h00-9h00. Sinon après, il fait trop chaud», précise Benjamin, 33 ans.
Après une bonne vingtaine de minutes de discussion, le trio m’explique devoir se préparer pour le concert à venir. Je les quitte bien décidée à me rendre moi aussi à l’un de ces concerts. Ce soir, c’est le groupe reggae Dub Inc qui va investir la grande scène à 18h15. Et si je m’infiltrais chez les VIP pour voir cette prestation baba cool? Ce serait le comble, non?
Refoulée chez les VIP jusqu’à ce que…
Il est vrai que j’ai accès à pas mal de spots au festival. Mon bracelet qui porte les lettres F et H me permet notamment d’entrer dans l’espace presse où se trouve le bar Le Cosmo. Je peux aussi me rendre aux balcons en face de la grande scène.
Oui, sauf que j’en veux plus. Je ne me contenterai donc pas d’aller à la terrasse surélevée et admirer un artiste en pleine performance. Ma mission: rentrer dans l’un des salons VIP où seuls les partenaires Paléo et leurs invités peuvent entrer.
Le concert a commencé et je décide d'abord de regarder tout ça depuis la terrasse. Je prends ensuite mon courage à deux mains et investis les couloirs, histoire de voir dans quels salons je peux entrer. Je tente celui de la Mobilière et celui de la BVC. Je prends deux grosses vestes. «C’est réservé aux invités Madame», me dit-on.
Je n’en démordrai pas. Je veux voir le concert depuis une pièce VIP. Après quelques coups d’œil, je vois qu’une porte est ouverte. Il s’agit du salon de la Clinique de Genolier où se trouve une toute petite dizaine de personnes.
Ni une, ni deux, j’entre, prend un verre de rosé (tout est gratuit ici) et me pose sur le balconnet. Là, un jeune homme tout à fait charmant me demande si je travaille à la clinique. Je dis la vérité: «Non, je suis journaliste et j’écris un article sur les endroits plutôt VIP du festival.» Une autre dame s’approche et me pose la même question. Je reste honnête. Elle me sourit et me souhaite la bienvenue. Ah ces médecins, ils sont trop sympas, je l’ai toujours dit! Je reste jusqu’à la fin du concert puis je m’éclipse.
Du homard s’il vous plaît
Je commence gentiment à avoir la dalle et décide de me rendre au stand Lobster&Co qui se trouve non loin de là. J’aurais bien pu me servir des petits fours distribués par de sympathiques serveuses chez les VIP, mais faut pas abuser. Mon culot a des limites, je ne suis pas Marie s'infiltre non plus… De toute façon, je préfère un gros pain brioché au homard, plutôt que ces petits amuse-bouches pas très consistants.
J’opte pour The Lobster Roll, un sandwich à 25 balles composé de pain boulanger et toasté au beurre dans lequel on a fourré du homard, des écrevisses, du céleri, des pickles d’oignons rouges, de la salade et de la ciboulette, sans oublier une bonne petite mayo «recette secrète».
Au moment de me tendre mon mets, le serveur me rattrape: «Eh! Tiens une serviette quand même.» J’allais me barrer sans avoir de quoi m’essuyer le coin de la bouche. Je sens que je suis en train de changer. Pour le meilleur ou pour le pire, ça reste à voir...
Après avoir ingurgité mon repas (en 7 minutes chrono), je me décide à me trouver un petit coin au frais. Je me rends donc à l’entrée du festival où se trouvent la fontaine et même un mur couvert de petits brumisateurs.
Là, je tombe sur l’une de ces fameuses flaques de Paléo. Un trou formé d’eau et de terre… C’est donc ça… Et si je sautais dedans pour rigoler? Décidément, je ne suis plus très à moi. Ça doit être la chaleur.
Sans crier gare, une jeune femme enjouée s'approche de moi et me tend un sticker Paléo. Apparemment, ça lui fait très plaisir de me l’offrir. Je le colle à l’arrière de mon téléphone et bizarrement, je trouve ça plutôt joli. Les couleurs se marient merveilleusement bien, c’est assez stylé.
Canicule, musique, foule, alcool... Je ne sais pas trop ce qui me prend mais c’est comme si je sortais de mon propre corps et que je me voyais, au milieu de gens, en train de coller un autocollant Paléo sur mon portable… J’ai de la poussière sur mes chaussures et je sympathise même avec les festivaliers.
Ma petite voix snob est scandalisée. Je lui promets que demain, on prendra le thé du petit déj' dans une tasse en porcelaine de Bavière. D’ici là, je ne réponds plus de rien. De toute façon, c'est trop tard, je me suis mêlée à la populace, et dans la poussière en plus!