A Nyon comme partout ailleurs, l'Espagnole a débarqué en superstar planétaire, un statut acquis en trois disques, une dizaine de tubes et des centaines de millions de vues sur les réseaux sociaux. Le (jeune) public l'adore, la critique aussi. Et les festivaliers qui ont assisté à ses précédents concerts, comme la semaine dernière au Gurten, vantaient un show mémorable.
Paléo allait-il succomber à son tour? Oui il a cédé, avec bonheur et sans surprise, dès que Rosalia a pénétré sur la Grande scène. Elle y a déboulé peu après minuit, coiffée comme ses danseurs d'un casque de moto futuriste, imagerie tirée de son dernier album. Cette entame théâtrale, sur les notes tapageuses de «Saoko», a donné le ton d'un spectacle qui jamais ne s'essoufflera. En un peu plus d'une heure, Rosalia a enchaîné ses succès. Aux tableaux les plus survitaminés, comme pour son célèbre «Despecha», ont succédé des instants plus calmes, de quasi-recueillement quand, assise au piano, elle a entonné la ballade «Hentai». Ou lorsqu'elle a aligné les vocalises façon flamenco sur «Bulerias».
Car la Catalane sait tout faire. Non contente d'inventer une musique qui brasse les genres (flamenco, reggaeton, pop, électro, hip-hop), elle s'avère être une sacrée bête de scène, qu'elle habite comme une arène. Une actrice aussi — Pedro Almodovar lui a déjà offert un rôle —, capable d'incarner plusieurs personnages au fil du concert, tantôt femme conquérante, éplorée ou mutine, toujours intense. Bref, Rosalia captive. Bien épaulée par huit danseurs en parfaits faire-valoir, comme lorsqu'ils se sont imbriqués avec leurs corps pour former une moto, que la chanteuse a enfourché sur «Motomami».
Sans musiciens — le concert repose sur des bandes enregistrées —, la performance de Rosalia s'appuie en revanche sur une multitude de caméras, sur et devant la scène, au plafond ou encore portées par les danseurs en mode selfie. Plus surprenant, un caméraman suit la chanteuse au plus près, projetant une abondance de gros plans sur les écrans géants. Si bien que personne, du premier au dernier rang, n'a pu manquer les poses et mimiques de la diva latina.
Un concert contrôlé et millimétré
Malgré cette profusion d'images, dupliquées par les milliers de téléphones portables brandis parmi la foule, Rosalia, ou du moins son entourage, impose un contrôle strict sur son show. A Paléo par exemple, les photographes de presse n'ont osé publier qu'un nombre très limité de clichés, qui avaient dû préalablement être validés par son staff.
Bien que contrôlé et millimétré, le concert a aussi offert quelques instants de spontanéité, Rosalia descendant par exemple brièvement dans le public pour faire chanter ses fans les plus fervents. Elle s'est aussi adressée plusieurs fois à la foule, en espagnol, anglais et même en français, avec quelques «Merci Nyon» et autres «Je vous aime».
Une heure du matin était passée lorsque la Catalane a conclu son numéro en se mêlant à ses danseurs en trottinettes sur «Chicken Teriyaki», puis en faisant ses adieux sur «CUUUUuuuuuute». Rosalia a pu alors partir vers la dernière escale de sa tournée, samedi sur l'hippodrome de Paris-Longchamp, l'esprit tranquille et avec le sentiment du devoir accompli: à Nyon comme partout ailleurs, elle aura conquis le public.
(ATS)