Lorsqu’on se serre la main, il se présente comme Yann. Et pourtant, il est plus connu sous le pseudonyme de Yannex. Il est suivi en moyenne par 400 personnes sur la plateforme Twitch tous les soirs — «sauf le mardi, celui-là, je le réserve pour ma copine». Ces «viewers» le regardent jouer en direct. Il est spécialisé dans TrackMania — un jeu vidéo de course de voitures — et a participé samedi à une compétition devant 15’000 personnes, à Paris-Bercy.
Fondée en 2013 par le streamer Adrien «Zerator» Nougaret, la TrackMania Cup est une compétition de jeux vidéo sur… TrackMania — un jeu de courses de voitures où le but est simple: être le premier à franchir la ligne d'arrivée.
En ligne lors de la première édition, cette compétition n'a cessé de prendre de l'ampleur. Après avoir rempli des salles comme les Zéniths de Toulouse ou Strasbourg, les passionnés vont prendre d'assaut les 15'000 places de Paris-Bercy. Deux Romands seront sur scène: Sébastien «Affi» Affolter et Yann «Yannex» Perroulaz.
La compétition peut également être suivie en ligne, gratuitement sur la chaîne Twitch de ZeratoR. C'est en direct ce samedi, dès 18h.
Fondée en 2013 par le streamer Adrien «Zerator» Nougaret, la TrackMania Cup est une compétition de jeux vidéo sur… TrackMania — un jeu de courses de voitures où le but est simple: être le premier à franchir la ligne d'arrivée.
En ligne lors de la première édition, cette compétition n'a cessé de prendre de l'ampleur. Après avoir rempli des salles comme les Zéniths de Toulouse ou Strasbourg, les passionnés vont prendre d'assaut les 15'000 places de Paris-Bercy. Deux Romands seront sur scène: Sébastien «Affi» Affolter et Yann «Yannex» Perroulaz.
La compétition peut également être suivie en ligne, gratuitement sur la chaîne Twitch de ZeratoR. C'est en direct ce samedi, dès 18h.
Pourtant, le lundi avant la compétition, lorsqu'on se rencontre sur une terrasse d’un restaurant fribourgeois, Yannex est détendu. Il revient avec nous sur son long voyage, du petit garçon qui jouait à la Super Nintendo avec son grand frère Stéphane, au streamer épanoui qu’il est aujourd’hui.
Le refuge dans les jeux vidéo
«J’ai toujours eu une manette entre les mains», glisse celui qui vient de fêter ses 26 ans. Super Nintendo, Nintendo 64, Playstation 1, Playstation 2, Gamecube avant la «révolution» du PC, les moyens pour jouer s’enchaînent pour le jeune Yann. Ceux-ci sont un exutoire à une période difficile de sa vie.
Né à Bulle (FR) en 1996, il déménage à l’âge de huit ans chez son père à Penthalaz (VD). Avant de retourner dans la cité fribourgeoise en 2009, «le 1er décembre», précise-t-il. Lorsqu’il revient dans sa ville natale, tout le monde a grandi. «Je me suis alors retrouvé seul dans les jeux vidéo. Je rentrais de l’école et j’allais sur l’ordi… Jusqu’à ce que je rencontre Tiago, fin 2010.» Avec son nouvel ami, il partage la passion des jeux vidéo et, surtout, de TrackMania. Cela lui permet de rencontrer de nouvelles personnes à Bulle.
Arrivent ses années qu’il surnomme affectueusement «de jeunes cancres». Il sort «beaucoup» et boit «un peu». Sa relation avec les jeux vidéo, à ce moment, est moins intensive mais toujours présente. «Au lieu de rentrer à 16h, je rentre à 20h et je joue plus tard.» Du côté de sa maman, cela ne la dérange pas. Yann a des notes correctes à l’école et cela lui suffit. «À Bulle, j’étais plus épanoui que dans le canton de Vaud, où je vivais dans un certain mal-être», confie-t-il.
Changement de famille d’accueil
Puis, l’école obligatoire se termine et Yann doit trouver un travail. Ce sera pâtissier. Problème: il postule trop tard et doit attendre un an avant de pouvoir commencer son apprentissage chez Suard, à Fribourg. Il décide alors de partir perfectionner son anglais outre-Manche, à Eastbourne, sur la côte sud de Grande-Bretagne. De quoi réduire son temps passé devant son ordinateur? Que nenni. «J’avais tout mon matériel et je jouais jusqu’à 1h du mat’. Ça pouvait aller jusqu’à 5-6h les week-ends.»
Un rythme de vie qui ne plaît pas à sa famille d’accueil, qui l’entend parfois descendre les escaliers lorsque Yann sort fumer. «Après trois semaines là-bas, j’ai rendez-vous avec la directrice de l’école. Elle m’annonce qu’il va falloir me trouver une nouvelle famille d’accueil. Tout a été fait dans mon dos», lâche-t-il, un sourire espiègle au coin des lèvres. Heureusement pour lui, sa deuxième famille ne s’est jamais plainte.
De retour en Suisse, Yann déménage à Fribourg dans une colocation avec deux étudiantes. Nous sommes alors en 2013. «L’ambiance n’était pas folle, j’étais cloisonné dans ma chambre.» Nouveau logement, nouveau travail et, surtout, nouveaux horaires. Son poste de pâtissier l’oblige à commencer à 5h du matin la semaine, et parfois 3h le week-end. Le Fribourgeois pense avoir une idée de génie: «Je dormais en rentrant, de 16h à 23h. Puis je me réveillais pour jouer et je partais au boulot à 4h. Ce rythme a duré… deux semaines.» Yann avoue avoir ensuite inversé son sommeil et ses heures devant son écran.
Même à l’armée
Il décroche son CFC de pâtissier en août 2016. Le Fribourgeois est ensuite appelé sous les drapeaux. Jamais à court de solutions, il décide de prendre un ordinateur portable pour continuer de jouer à TrackMania. Une idée qui plaît à ses camarades, puisque tous les jeudis soir est organisée une compétition dans la caserne. «Ça met une bonne ambiance. On me voit un peu comme le geek.»
Une année plus tard, Yann est de retour chez Suard. Puis, en juillet 2018, il prend une décision qui change le cours de sa vie: il se lance dans sur Twitch. «Je regardais beaucoup de streamers et j’aimais bien quand les gens me visionnaient dans le jeu. Grâce à l’argent de l’armée, je me suis acheté tout le matériel nécessaire», explique-t-il.
Pendant quelques mois, celui qui se fait désormais connaître sous le nom de Yannex alterne son travail de pâtissier et sa passion devant ses viewers. 0, 10, 20, puis 40 spectateurs le regardent sur TrackMania.
Le rêve tourne au cauchemar
«Vers la fin de l’année 2018, on a beaucoup de boulot chez Suard et ça devient dur. Pendant un mois, j’ai alors cette idée qui me trotte dans la tête», se souvient-il. Finalement, Yannex prend son courage à deux mains et décide de donner sa lettre de démission. Il veut se consacrer pleinement à sa passion. «Au niveau de mes économies, j’avais de quoi tenir une année.» Du rêve de percer en tant que streamer, Yannex passe rapidement au cauchemar.
«Ça ne prenait pas. J’avais en moyenne 100 viewers mais ça ne me rapportait que 300-400 francs par mois. Chaque fois, je graillais mes économies à coup de 1500 francs.» Les problèmes s’enchaînent. Il ne veut plus sortir de chez lui pour éviter des dépenses qu’il juge inutiles.
Il commence à développer une phobie administrative, qui l’empêche de relever son courrier et qui l’oblige à payer de nombreux rappels. «Un moment horrible dans ma vie», résume-t-il. Le seul point positif, c’est sa passion. «Quand je streamais, je ne pensais plus à mes problèmes.»
À ce moment-là, nous sommes en juin 2020. L’idée de devoir tout arrêter ne peut sortir de la tête de Yannex, qui ne peut bientôt plus vivre de ses économies. Alors qu’il est au plus bas, un généreux donateur vient frapper à la porte de son stream. «Un de mes viewers du nom de Jeremme m’a permis de me relever. Il me faisait des dons de 1000, 1500 euros chaque mois. Ça me soulageait énormément», raconte-t-il, la voix pleine de reconnaissance pour celui qui est devenu un ami.
Le même salaire qu’en tant que pâtissier
Après avoir touché le fond, le Fribourgeois remonte gentiment la pente. Il crée sa chaîne YouTube à la même période, qu’il voit comme une vitrine. Les gens se font plus nombreux sur son live et, désormais, il peut en vivre. «J’arrive à m’approcher de mon ancien salaire de pâtissier. En mars 2021, nous avons emménagé ensemble avec ma copine et nous avons pris un chien quelques semaines plus tard.» L’argent, ce n’est désormais plus le souci numéro 1 de Yannex. «Pour l’instant, je m’en fous. J’ai vécu des mois avec la boule au ventre tous les jours. Mon but, ce n’est pas de gagner plus.»
Tout va donc mieux dans la vie de Yann. De quoi avoir envie de se projeter vers l’avenir. Mais quand on est streamer, comment le prévoit-on? Peut-on par exemple imaginer une vie de famille? «Ma copine aimerait bien un enfant avant ses 30 ans (ndlr: elle en a 25), confie le Bullois. Mais j’aimerais avoir une sécurité financière avant de pouvoir prendre du temps pour ceci. J’ai peur de retomber dans les mêmes problèmes qu’il y a deux ans.»
«Jouer aux petites voitures» devant 15’000 personnes
Cette semaine, Yannex a toutefois annoncé sur les réseaux sociaux qu’il allait intégrer BDS, une structure de gaming. Il touchera donc un montant fixe chaque mois. Sans dévoiler son salaire exact, le Fribourgeois précise qu’il peut «au moins payer une partie» de son loyer. «Ça me fera également une belle vitrine», se réjouit-il.
Fini donc les soucis financiers. Yannex est épanoui dans son métier et pour rien au monde il ne retournerait travailler dans la pâtisserie. Même si quand il nous mime sa façon de faire les mille-feuilles, on sent que le geste est encore maîtrisé et précis.
Avant de nous quitter, Yannex lâche une dernière anecdote: «Il y a une dizaine d’années, mon père m’avait dit, agacé: 'Tu en as pas marre de jouer aux petites voitures?'» Le sourire aux lèvres, le streamer se réjouissait déjà de la réaction de son papa le samedi, au moment où 15’000 personnes l’encourageraient en train de, justement, «jouer aux petites voitures».