Nous avons perdu sur la Lex Netflix. Et comme le dit l’adage, «vox populi, vox dei». On s’en remettra, évidemment. Comme d’autres pays du continent, les plateformes digitales devront compter avec une nouvelle couche de régulation. Espérons que de cette loi naîtront de nouvelles productions de qualité et que le cinéma suisse trouvera de nouveaux publics.
Ce qui est plus inquiétant, c’est le réflexe immédiat que suscite ce genre de votation. L’ancienne présidente de Confindustria, le «Économiesuisse italien», avait cette formule très bien trouvée. Lorsqu'il y a une innovation, les Américains en font un commerce. Les Chinois, une copie. Les Européens, quant à nous (en la matière, je nous mets volontiers dans le même panier), nous en faisons un règlement. Ou une taxe, c’est selon.
Dimanche 15 mai après-midi, il a suffi qu’une majorité accepte la loi sur le cinéma pour que chacun y aille de sa nouvelle proposition. Après le prix unique du livre, la Lex Booking, la Lex Netflix, bientôt une Lex Uber, Zalando et Facebook ? En tout cas, un projet de Lex Spotify est sur la table.
Il est objectivement difficile d’imaginer ce qu’il contiendra. Contrairement à Netflix, les plateformes musicales proposent déjà toute la panoplie des artistes helvétiques. Et chacun est payé selon son succès. Si les organisations de gestion des droits ou les labels ne veulent pas proposer leurs œuvres sur ces plateformes, ils sont libres de s’en retirer. Il n’y a pas de monopole, pas d’obligation de s’abonner. Tout est ouvert, libre.
Alors quoi? Devra-t-on condamner ceux qui préfèrent les Beatles à Oesch’s Die Dritten? Faudra-t-il détourner le produit des abonnements pour financer des usines à gaz culturelles? Ou simplement augmenter le prix des abonnements parce qu’on estime que les artistes ne sont pas assez bien rémunérés? Pourtant, une écoute sur une de ces plateformes n’est pas moins payée qu’une écoute à la radio, ce qui n’a jamais choqué personne.
On se gargarise souvent de notre prospérité, maintes fois renouvelée, dans un pays dont la première richesse est la matière grise. On peut toutefois craindre que la machine soit en panne. La Suisse qui exporte des médicaments, des machines-outils, des montres ou des services financiers, trouve aujourd’hui souvent de mauvaises idées pour limiter les innovations des autres.
La disruption, ce vilain mot importé des Américains, ne nous faisait pas si peur jusqu’ici. Mais les temps ont changé. La Suisse reste toujours première en matière d’innovation, mais pour combien de temps? Si les Natels apparaissaient aujourd’hui, il se trouverait certainement un député pour défendre les cabines téléphoniques, et c’est un très mauvais signe.