La chronique de Sonia Seneviratne
Rapport de synthèse du GIEC: L’action climatique ici et maintenant!

La climatologue Sonia Seneviratne est professeure à l'École polytechnique fédérale de Zurich. Pour Blick, elle revient sur le dernier rapport du GIEC présenté en Suisse. Si la situation est alarmante, les solutions pour agir existent et sont de moins en moins coûteuses.
Publié: 30.04.2023 à 12:30 heures
Les rapports du GIEC mettent en lumière collectivement l’urgence du changement climatique d’origine humaine, mais révèlent également aussi des signes encourageants montrant que les premières solutions pour la transition énergétique sont désormais à portée de main. (Image d'illustration)
Photo: AFP
Sonia I. Seneviratne

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a rendu public le mois dernier – à Interlaken – le rapport de synthèse de son 6e cycle (2015-2023), qui résume les principales conclusions des rapports publiés au cours des huit dernières années. J’ai contribué à deux des rapports de ce cycle du GIEC.

Ces rapports mettent en lumière collectivement l’urgence du changement climatique d’origine humaine, mais révèlent également aussi des signes encourageants montrant que les premières solutions pour la transition énergétique sont désormais à portée de main.

Un message important est mis en avant dans la première illustration du résumé du rapport de synthèse du GIEC. Elle montre l’impact de nos choix actuels sur le réchauffement climatique au cours des prochaines décennies et les conséquences pour un enfant né en 2020 qui devra subir les effets de ces choix.

C’est à cela que nous devrions penser lorsque nous envisageons d’acheter une voiture à essence ou lorsque nous décidons de ne pas remplacer notre chauffage au mazout: alors que nous voyons déjà de nombreux effets dramatiques du changement climatique provoqué par l’être humain, comme la sécheresse qui a touché toute l’Europe l’été dernier et le retour de la sécheresse ce printemps, ce sont les enfants qui naissent aujourd’hui qui seront confrontés aux conséquences les plus tragiques de nos émissions.

La plupart des gens veulent laisser de bonnes conditions à leurs enfants et petits-enfants, et dans le passé, les jeunes générations ont généralement eu une meilleure vie que leurs parents. Si nous ne changeons pas de cap, ce ne sera plus le cas à l’avenir.

Une autre illustration clé du rapport de synthèse montre l’écart actuel entre les trajectoires d’émissions qui résulteraient des mesures actuellement mises en œuvre dans le monde, et qui nous conduiraient à un réchauffement global d’environ 3,2°C, et les trajectoires d’émissions nécessaires pour se stabiliser à 1,5°C ou 2°C de réchauffement global.

Il est clair que nous ne sommes pas sur la bonne voie pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (et même 2°C) et que nous devons faire beaucoup plus d’efforts, ce qui nécessiterait une forte baisse des émissions: La première étape importante serait de réduire de moitié les émissions de CO2 d’ici à 2030.

Le GIEC souligne clairement la nécessité de mesures urgentes et radicales: «Des mesures d’atténuation profondes, rapides et durables et une mise en œuvre accélérée des mesures d’adaptation au cours de cette décennie réduiraient les pertes et dommages prévus pour les personnes et les écosystèmes (niveau de confiance très élevé) et apporteraient de nombreux avantages supplémentaires, notamment pour la qualité de l’air et la santé (niveau de confiance élevé). Des mesures de réduction d’émissions et d’adaptation retardées figeraient une infrastructure à fortes émissions, augmenteraient les risques d’actifs échoués et d’escalade des coûts, réduiraient la faisabilité et augmenteraient les pertes et dommages (niveau de confiance élevé).» En bref: nous devons agir immédiatement et de manière décisive si nous voulons maintenir la crise climatique sous contrôle.

Même si ces conclusions peuvent sembler accablantes, le rapport de synthèse du GIEC contient également des nouvelles encourageantes. Il existe désormais de nombreuses solutions pour décarboner la société, par exemple en matière d’approvisionnement énergétique. En fait, le rapport de synthèse du GIEC conclut que des options coûtant 100 dollars US ou moins par an pourraient réduire les émissions mondiales d’au moins la moitié de leur niveau de 2019 d’ici à 2030.

Pour les émissions nationales de gaz à effet de serre en Suisse, qui sont de l’ordre de cinq tonnes d’équivalent CO2 par personne et par an, cela représenterait au maximum environ 450 CHF par an et par personne. À titre de comparaison, la Suisse a donné une garantie de 109 milliards à l’UBS pour le rachat du Crédit Suisse, ce qui représente plus de 12’000 CHF par personne si cette garantie devait être payée.

Les conclusions sont claires. Oui, nous avons une crise climatique et il est urgent d’agir pour réduire nos émissions de CO2, mais des solutions existent et leur coût est en constante diminution. Pour toutes ces raisons, il faut espérer que le peuple suisse votera en juin en faveur de la loi sur le climat, soutenue par une large coalition de partis allant de la gauche à la droite. Cela nous permettrait d’apporter une contribution non négligeable à la stabilisation climatique de notre planète et serait également porteur d’espoir pour les jeunes générations.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la