La chronique de Pascal Wagner-Egger
L’obscure clarté de la lune

A travers ses chroniques, Pascal Wagner-Egger, enseignant en Psychologie sociale à l'Université de Fribourg, nous éclaire sur le complotisme. Aujourd'hui, il s'intéresse aux différentes croyances qui entourent la lune et ses effets.
Publié: 12.01.2025 à 12:28 heures
|
Dernière mise à jour: 12.01.2025 à 15:42 heures
Pascal Wagner-Egger, enseignant en Psychologie Sociale

Au mois d’avril 2024, l’émission de la RTS «Passe-moi les jumelles» réalisait un reportage passionnant dans les montagnes vaudoises sur les croyances à propos du cycle lunaire, et notamment des effets de la pleine lune, chez les montagnards (agriculteurs, charpentiers, etc.).

On y retrouve quantité d’éléments de notre ancienne recherche avec Vincent Joris publiée en 2004, dans laquelle nous avions analysé des entretiens et des questionnaires sur le sujet (ainsi que consulté les études scientifiques de l’époque sur le sujet), que je vais rappeler ici.

Il convient de souligner en préambule que toutes les croyances – religions, complots, paranormal, ésotériques, fantômes, OVNIs, etc. – ont une liste d’attraits psychologiques et sociaux évidents, qui font que même si elles ne sont prouvées scientifiquement, elles exercent depuis toujours un fort attrait cognitif et social chez nous les humains:

a) L’existence d’une autre réalité qu’on ne peut voir que par bribes (ou «ressentir»), mais qu’on ne peut pas prouver. Le monde devient plus «intéressant» qu’un monde sans cette réalité cachée. C’est ce qu’on appelle l’attrait narratif des croyances, exemplifié à merveille par le film The Matrix (ou également The Truman Show), dans lequel toute la réalité autour des protagonistes finit par se révéler complètement différente de ce qu’elle paraît être.

b) Comme cela est classiquement rapporté en ethnologie, sociologie et psychologie, les croyances aident à gérer des situations d’incertitudes, les phénomènes que les sciences n’expliquent pas, en donnant un sentiment – illusoire si la croyance est fausse – de maîtrise. On observe beaucoup de superstitions dans les domaines dangereux comme la marine, ou incertains comme le théâtre. Cela s’exprime dans le documentaire par la phrase: «Dans le monde agricole, on est confrontés à des inconnues (le bétail ne parle pas).»

c) Ces croyances, même si souvent scientifiquement non prouvées, peuvent parfois devenir «vraies», non pas parce qu’elles le sont, mais psychologiquement, par le fait de les croire, en vertu du phénomène psychosocial de prophétie auto-réalisante: on sait par exemple que l’effet placebo est scientifiquement prouvé en médecine et dans d’autres domaines comme le sport (cf. p.ex. Berdi et al., 2011). Un effet nocebo peut également exister, comme le fait de ressentir des effets négatifs après une vaccination.

d) Socialement, les croyances vous permettent d’avoir une certaine aura de savoir sans voir étudié longuement, à la portée de tout le monde. Les gourous des sectes ou de la désinformation en ligne l’ont bien compris… Cela donne aussi des savoirs partagés, collectifs, qui perpétuent des traditions (bonnes ou mauvaises).

e) La psychologie montre que toutes les croyances reposent en partie sur des biais cognitifs, des erreurs de raisonnement que nous partageons toutes et tous, ce qui participe à leur succès (et qui suggère leur caractère en bonne partie erroné).

f) Il est important bien sûr de souligner qu’il peut y avoir parfois «un fond de vérité» dans les croyances, mais qu’il faudrait scientifiquement attester (parce qu’il est noyé dans les erreurs et exagérations), ce que les croyant·es ne font pas. 

Le charme des croyances

Dans le documentaire (et dans Wagner-Egger & Joris, 2004), la pleine lune est au premier abord évidemment connotée très positivement, par les différents termes: «beau, magique, extraordinaire, harmonie, sensibilité naturelle, proche de la nature, sens développés, tu sens des choses, tu sens une énergie, etc.». C’est symboliquement l’aspect lumineux de la pleine lune, mais on sait que d’autres éléments de la croyance sont négatifs (l’obscure clarté…): la pleine lune transformerait les gens en loups-garous, exacerberait l’agressivité et la folie, etc., – même si rien de tout cela n’est prouvé, comme on le rappellera plus loin.

Il ne faudrait donc pas idéaliser ces croyances. Il est vrai que le monde imaginaire – ou du moins, non prouvé – des croyances est parfois enchanteur, et la science vectrice d’un certain désenchantement, comme le fait de considérer un arc-en-ciel par la réfraction plutôt que la manifestation d’un être surnaturel. Mais d’une part, cet être surnaturel peut devenir tyrannique et vous demander différents sacrifices, jusqu’à tuer les hérétiques avec vous s’il le faut, et d’autre part, la science étudie des phénomènes merveilleux (la complexité des écosystèmes, les communications chimiques entre arbres et champignons, l’agriculture et l’élevage chez les fourmis, etc.). Ainsi, l’existence d’un «Monde Autre» enchanteur va de pair avec le même «Monde Autre» maléfique – sinon comment expliquer que le monde n’est pas qu’enchantement? Ainsi, on trouve de par le monde autant de diables, démons, de malédictions, d’enfants spéciaux qu’il faut tuer (jumeaux, albinos, bébés coiffés, etc.), de sorciers/-ères, que de dieux, anges, bienfaiteurs et autres enfants sacrés qu’il faut adorer.

Dans le reportage, l’aspect négatif des croyances qui apparaissait était plutôt celui de vouloir respecter à tout prix la croyance, jusqu’à mettre sa vie ou celle des autres en péril: «Veau né au périgée, on n’appelait pas le vétérinaire, peine perdue», «Je connais une femme qui devait se faire opérer: elle n’a pas voulu se faire opérer pendant deux ans (covid), elle ne voulait pas se faire opérer en mauvaise lune.»

Les croyances tout-terrain

De nombreuses activités sont soumises au calendrier lunaire : drainer des parcelles, tailler les pieds et les cornes des vaches, faire le jardin, sortir les vaches, tailler les arbres, nettoyer les vitres, couper le bois, construire des chalets, et même se soumettre à des opérations médicales – on guérirait plus vite selon les phases de la lune!

À propos de la coupe du bois, les poutres du toit de la cathédrale Notre-Dame récemment rénovée ont aussi été coupées en fonction de la lune. Des scientifiques ont calculé les conditions physiques pour que le bois se garde le plus longtemps, et les bûcherons ont coupé les troncs en hiver (moins de sève et de sucre, donc moins de risques d'attaque par les insectes et champignons). À leur tour, les charpentiers ont insisté pour abattre les arbres en lune noire (ce qui est décrit depuis l'Antiquité), pour rendre le bois imputrescible. Comme la lune noire est rare – environ une fois par mois –, ils ont dû… allonger le délai à 1 jour avant et après la lune noire!

L’aspect non scientifique des croyances peut être relevé dans le fait que les croyances varient constamment selon les régions, ou selon le type d’arbre, de bois, son usage, et de plus se mêlent à des croyances astrologiques.

La science sélènique

Tout savoir ancestral ou populaire peut avoir un fond de vérité: certains médicaments ont été découverts à partir de l’utilisation de plantes (ethnopharmacologie, zoopharmacologie). Ainsi, même les animaux ont découvert par essais et erreurs certaines plantes médicinales! Il ne faut néanmoins pas oublier que le problème de cette méthode empirique simple est la dose – les concentrations sont variables dans les plantes –, et les inévitables erreurs. Il faudrait donc tester tous ces savoirs de façon scientifique, la majeure partie étant sans doute fausse. Par exemple, la médecine préscientifique, basée sur la sagesse populaire et les traditions ancestrales, a fait des choses totalement absurdes ou dangereuses pendant des siècles, avec des interventions délétères comme la saignée, l’utilisation du mercure ou de l’arsenic, ou la méconnaissance de l’origine des maladies (virus, bactéries, etc.).

Exemple classique, le lien entre le sommeil et le cycle lunaire et l’objet de croyances persistantes – notamment nos fameuses insomnies lors de la pleine lune – depuis des siècles, voire des millénaires. Les études scientifiques qui sont toujours actuellement menées dans les laboratoires du sommeil ne trouvent pour la plupart pas de différence selon les cycles lunaires (Cordi et al., 2014), et parfois même des résultats inverses, comme un peu plus de sommeil à la pleine lune, ou les hommes plus affectés alors que les croyances associent la lune aux femmes).

Mais certaines études concluent positivement, et les recherches continuent – disons prudemment que le fardeau de la preuve est encore à la charge des partisans des influences lunaires, qui devront produire quantité de données probantes pour faire changer les autres d’avis, si tel doit être le cas, selon la méthode scientifique usuelle.

Néanmoins, pour ce faire, de nombreux facteurs doivent être contrôlés dans les études. Un éventuel effet de la (pleine) lune pourrait être une question de cycle biologique: grâce à la lumière, certaines espèces chassent à la pleine lune, ce qui a pu influencer leur cycles biologiques (Casiraghi et al., 2021), ou une question de gravitation. Mais ce dernier point est complexe, certaines, mais pas toutes les pleines lunes (et nouvelles lunes), créent de plus fortes marées selon la proximité de notre satellite – il y a des «super pleines lunes» –, qui peuvent aussi varier selon les saisons. Il faudrait donc corréler non pas les phases lunaires, mais la proximité exacte de la lune à la Terre pendant son passage dans le ciel (en tenant compte en plus de la position du soleil, qui influence aussi les marées de façon moindre), avec les indicateurs de sommeil.

Il faut aussi évoquer en passant le fameux argument «les marées sont grandement influencées par la lune, alors pourquoi pas le corps humain qui contient tout de même dans les 45 litres pour un corps de 70kg (soit en moyenne 65%)». Cet argument par analogie n’est pas valable, puisque la force de gravitation dépend des deux masses en présence, et si les marées sont si impressionnantes, c’est dû à l’énorme quantité d’eau des mers et océans: 1332 millions de milliards de litres d’eau! Pour illustrer ce faitde façon simple, on ne remarque évidemment pas de marées dans les piscines… On pourrait encore défendre l’idée qu’une faible influence serait perçu par notre corps, mais cette affirmation doit passer sous les fourches caudines du fardeau de la preuve.

Une autre explication – que l’on retiendra tant que la preuve d’une influence n’est pas clairement établie, par principe de parcimonie – est celle du biais de corrélation illusoire: il vous est peut-être déjà arrivé de souffrir d'insomnie, de vous lever pour boire un verre d'eau et de remarquer, à travers la fenêtre, une superbe pleine lune illuminant le paysage de sa douce lumière. Si cette situation s'est répétée plusieurs fois, vous avez probablement attribué vos insomnies à la pleine lune ! Cela reflète un exemple classique de biais de corrélation illusoire: vous n’avez pas pris en compte, d’un côté, les nuits d’insomnie sans pleine lune – car il est difficile de remarquer l’absence de quelque chose, personne ne s’émerveille en s’exclamant: «Quelle belle absence de pleine lune!» –, et de l’autre, les nuits où vous avez bien dormi, qu’il y ait une pleine lune ou non.

Dans de nombreux autres domaines (urgences, naissances, prisons, etc.), les statistiques dans leur grande majorité n’indiquent pas d’augmentation à la pleine lune, mais quand on demande aux gens qui y travaillent dans ces secteurs, elles et ils disent souvent avoir remarqué une augmentation (références dans Wagner-Egger & Joris, 2004)! Comme celle-ci n’est pas corroborée par les statistiques, on peut y voir l’expression du biais de corrélation illusoire (dans notre article de 2004, une sage-femme qui pensait qu’il y avait un lien a vérifié dans son agenda, et ne voyait pas plus de naissances vers la pleine lune, mais sur peu de cas évidemment…).

Si les influences du cycle lunaire ne sont pas prouvées scientifiquement dans le domaine végétal, cela est par contre prouvé pour certains comportements animaux, probablement en raison de la lumière nocturne. 

Les raisonnements lunatiques

Nous avions relevé en 2004 dans les raisonnements quotidiens par rapport aux influences lunaires un principe évident d’opposition entre science et croyances, puisqu’en général, les secondes sont mises ne doute par la première (ou du moins, mises à l’épreuve). Dans le documentaire, un paysan raconte:

«Lors d’un séminaire à l’Université de Lausanne, je présentais la position d’un paysan de montagne, on a écouté des physiciens, des astronautes, des gens pointus, des sommités, et tous ont expliqué avec un esprit très cartésien, qu’il n’y avait pas d’influence de la lune sur le comportement humain et végétal et animal, que c’étaient des fadaises. Mais toujours est-il que c’est pas eux qui sont venus ouvrir mon fossé (son fossé a été bouché 2 fois quand il l’avait creusé sans tenir compte de la lune, mais plus depuis 17 ans, date à laquelle il l’a fait en fonction du cycle lunaire.»

Une autre forme d’opposition entre science et croyances ancestrales est la reconnaissance que la production basée sur les secondes est tout de même moins efficace, par une sorte de réalisme pragmatique: «On peut pas toujours faire en fonction de la lune (au niveau du rendement).»

Le raisonnement naïf n’est pas complètement étranger à la vérification et aux données, qui seules permettent de savoir si une croyance est vraie ou fausse. Mais cet aspect proto-scientifique n’est pas suffisamment développé comme il l’est dans les méthodes scientifiques pour permettre un véritable test empirique, qui permet d’éviter les biais de confirmation – tendance à rechercher la confirmation de ses croyances plutôt que leur infirmation. Par exemple, on trouve soit des généralisations hâtives à partir de quelques cas particuliers (sans comparaison comme en sciences), avec parfois approximation pour que cela «marche»(«autour de la pleine lune…»), soit un argument d'autorité («on a toujours fait comme ça et ça marche»):

«Selon les vieux écrits depuis 1878, si tu poses les assises d’un chalet sur le Sagittaire (ce qu’on fait pour le bois de feu pour le faire sécher), il va brûler. C’est pas un dicton, c’est une réalité, il continue de sécher. Par contre, si tu poses les assises sur les Poissons (en signe, pas en constellation), par expérience, il ne bouge pas si tu fais juste. On a posé 59 chalets, c’est la preuve à moi que ça ne bouge pas. Une fois qu’on a posé les assises, tu peux poser le reste n’importe quand.»

«Les poutres posées par terre ont été posées en lune noire, et ainsi les humeurs de la terre ne montent pas, en lune rouge, les humeurs de la terre montent, et ça pourrit beaucoup plus vite.»

«Les jeunes qui travaillent chez moi, ils ont remarqué sans que je leur dise rien, ils ont aussi pris conscience que chaque fois qu’on fait des travaux en bonne lune, ils ont moins besoin d’y retourner.»

«D’après les vieux, le bois se coupe au dernier quart de lune, quand elle descend dans l’horizon, je prends le dernier quart, pas le premier jour ni le dernier jour. Personnellement, j’enlève le Sagittaire, qui fait des torsions au bois, et j’aime bien avoir le signe de terre et de l’eau.»

«Cette année, j’ai sorti les vaches, elles étaient toutes calmes, une fois je les ai sorties au périgée, elles étaient surexcitées.»

«J’ai regardé sur le calendrier, je sais que les vaches donnent beaucoup plus souvent naissance autour de la pleine lune ou de la nouvelle lune.»

Le biais de confirmation est omniprésent dans toute forme de croyance, chez tous les êtres humains à des degrés divers, et aussi bien sûr chez les scientifiques, la science ayant formalisé des moyens cognitifs et sociaux de le combattre: (1) recours aux données pour confirmer/infirmer les hypothèses, et (2) recours aux réplications et évaluations par les pairs: «Une fois en 1989, j’ai coupé des arbres, jamais repoussé, c’était en bonne lune mais j’ai pas noté quand.»

«On a appris ça de générations en générations, on n’essaie pas de faire autrement pour voir s’ils avaient raison, on met tous les atouts de notre côté, la saison est courte.»

«La pose de tavillons c’est la même chose que pour la coupe: quand on voit sur un toit que le bois n’est pas bon (usure exagérée, trous), on dit voilà c’est la mauvaise lune.»

«J’ai eu 2-3 expériences, à savoir la creuse d’un fossé, travail pénible, travail que j’ai fait deux fois en pleine lune, sans le savoir. A l’automne, le fossé était de nouveau plein, travail à refaire. Je l’ai refait, et au printemps, c’était de nouveau plein. J’étais pas très content, le grand-père m’a dit, c’est normal, tu le fais en mauvaise lune. Il te faut le faire en lune descendante, sur un signe de sec. Alors j’ai essayé en bonne lune, et je ne l’ai pas retouché pendant 17 ans (il se nettoyait automatiquement, tout seul).» 

Comme cela a été observé par les psychologues, sociologues, ethnologues et philosophes depuis longtemps (Bachelard, Bourdieu, Lévi-Strauss, Lévy-Bruhl, Piaget, etc.), le raisonnement par analogie (qui n’est pas valable rationnellement) est au cœur de la «pensée naïve» ou «sens pratique»:

«Les marées sont gigantesques.»

«Quand la lune est vers le haut, bonne période pour mettre les «guide-cornes».

La pratique augmente d’ailleurs ces croyances: «Quand on est jeunes, on n’y croit pas».

Un autre argument souvent présent est le sophisme de l'historicité: «C’est un savoir ancestral donc il est vrai.» Un biais voisin se retrouve dans le complotisme, avec quand il y a accumulation de données qu’on ne comprend pas, la fameuse expression: «il n’y a pas de fumée sans feu» – Woody Allen ajoutait, tout en finesse: «sauf en cas de brouillard». Il est voisin de l’appel à la nature – «ce qui est naturel est bon, et ce qui est chimique est mauvais», alors que toutes les substances sont naturelles, sauf les quelques particules créées par les humains en fin de tableau périodique, et que leur caractère bon ou mauvais dépend de la dose: l’oxygène ou l’eau peuvent être mortelles à haute dose).

L’animisme, les pseudosciences et l’ésotérisme

Un des problèmes de ces croyances «charmantes» du rejet de la science ou de l’attrait pour le «sens pratique», ainsi que des biais cognitifs qui y sont liés, est aussi que cela peut constituer une porte grande ouverte à d’autres croyances non vérifiées et discutables comme l’animisme, le paranormal, la religion ou l’ésotérisme: «Quand la lune est tout près de la terre, c’est des moments où la lune est très forte, là y’a une sorte de désordre au niveau des végétaux, qui fait que toute leur énergie qui est dans la racine monte dans la plante, parce que la plante veut profiter de cette énergie lunaire, et si là on la coupe, y’a pas assez de réserves dans la racine pour que la plante puisse redémarrer.»

«Travailler avec les esprits de la nature, les esprits plus subtils ou la lune»; «énergie supérieure qui nous vient des astres, on est pas seuls à travailler.»

Des références sont souvent faites à la biodynamie – doctrine pseudoscientifique et esotérique inventée par Rudolf Steiner –, la religion, ou encore des «courants magnétiques vagabonds».

La pensée magique est également présente dans le «sens pratique»: «On a six places où tu rentres les vaches, elles sont pleines de lait, tout est prêt, ça goutte, et là tu mets la machine et y’a rien qui vient, c’est une catastrophe.»

Comme pour les croyances paranormales ou complotistes, un événement particulier dans le vécu est souvent à l’origine de l’entrée dans les croyances infondées – ou du moins, insuffisamment fondées –, qui rejoint également l’attrait narratif dont j’ai parlé plus haut:

«J’ai senti le décès d’une personne morte à l’autre bout de la planète (j’ai senti qu’il se passait quelque chose), tu peux pas rester de marbre, on est plutôt pragmatiques dans mon métier. J’ai senti qu’il y avait quelque chose d’autre, et on a envie d’en savoir un peu plus. Mais je suis loin d’avoir tout compris, mais je sais qu’il y a quelque chose de plus, et ça c’est passionnant.»

Pour terminer, nous concluions avec Vincent Joris notre article de 2004 par la très jolie phrase D’Aragon: «À toute erreur des sens correspondent dʼétranges fleurs de la raison.» Ajoutons aujourd’hui une anecdote racontée par l’agriculteur du documentaire. Durant son école d’agriculture, il demanda à un de ses professeurs sceptiques: «Vous regardez la lune quand vous taillez les arbres?» Celui-ci lui répondit: «Non, sinon je me coupe un doigt…».

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la