Jamais mieux servi que par soi-même #03
Vaccin [n.m.] : substance microbienne ayant pour effet, sans y toucher, de faire suer les complotistes

Dans «Jamais mieux servi que par soi-même», le journaliste Malick Reinhard déconstruit les clichés qui lui collent à la peau et pointe docilement du doigt (au figuré) la maladresse des «valides» face au handicap. Cette semaine, il triture la question de la vaccination.
Publié: 19.06.2021 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 28.06.2021 à 14:20 heures
Malick Reinhard

Vous êtes rigolos, quand même, les antivaxs. «Si je me fais vacciner, il paraît que je vais avoir un cancer du pancréas, et ça va me foutre un tas de métastases qui vont finir par donner le sida à mon chat». Le sida des chats, bien connu dans les milieux complotistes de la Broye et du Nord vaudois. Je crois. L’égoïsme, lui, est un petit peu plus répandu et vérifiable. Et quel magnifique mécanisme humain de défense.

Mais, ne vous inquiétez pas, c’est un égoïste qui vous le dit. Un pur souche. Un de ceux qui rêverait que la terre entière se fasse vacciner pour sa propre sécurité et celle des personnes qui lui sont chères. Sans oublier la sérénité retrouvée des personnes qui sont, comme l’égoïste qui vous châtie gentiment, «à risque» et chez qui le vaccin contre le Covid-19 peut, dans certains cas, ne développer aucune immunité du fait de leur diagnostic.

Une personne sur quatre en Suisse refuse le vaccin

Selon le dernier sondage de l’OFS (Office fédéral de la statistique), 13% de la population helvétique seraient foncièrement opposés à la vaccination. On ajoute à cela 10% de «plutôt non» et un peu plus de 5% de spectateurs dans l’expectative. C’est donc plus d’une personne sur quatre en Suisse, qui, aujourd’hui, ne se ferait pas vacciner.

Quand on est atteint d’une pathologie que le Covid empirerait probablement, ou peut-être quelque chose de plus… fatal, on espère sincèrement que les chiffres apportés par l’OFS fondent. On est bien heureux qu’une solution potentielle existe. Et puis, vous savez quoi? Le cancer du pancréas qui filera le sida aux chats, avec le nombre de traitements que certains de ces patients doivent prendre chaque jour pour vivre ne serait-ce que confortablement, s’il doit se déclarer, il finira bien par arriver. La mort (attention spoiler), elle aussi. Avec ou sans traitement. Avec ou sans vaccin. Et, même si les effets secondaires d’une telle substance microbienne peuvent être fortement désagréables, aucune raison, lorsque le Covid se présente comme étant fatal, d’être opposé à la question vaccinale.

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Un problème de santé publique

Entre nous, il y a deux ans, lorsque nous partions une fois par an (au moins) à Lagos, Mykonos, Bali, Phuket ou Cancun, le vaccin, tout aussi dangereux, contre la fièvre jaune, l’hépatite Zβ, le choléra (des chiens, cette fois-ci), n’était pas trop un sujet de discussion. On le faisait. Simplement pour bronzer sur les plages, en discuter ensuite au bureau pendant cinq jours ouvrables, amener du riz aux «locaux beaucoup trop pauvres, mais avec tellement d’humilité» (coucou, les sauveurs blancs) ou se prendre une murge sur le yacht du père du fils de sa marraine – la seule au saint esprit. Bref, pour son interêt, on s’y pliait.

Je ne suis personne pour vous le dire, et je ne vous apprends sans doute rien en vous clamant que le Covid est un problème de santé publique. Et je n’ai ni d’intérêt politique ni d’interêt économique. Juste celui de me garantir, en tant qu’animal social, une vie plus ou moins ordinaire et épanouie. Le Covid, je me répète, c’est un problème de santé publique, où, bien heureusement, chaque personne est encore libre de ce qu’elle souhaite se faire inoculer.

Mais où tout le monde semble pour l’instant obligé de se la jouer solidaire. Le poids de la liberté, c’est la responsabilité. Faire des enfants, par exemple, c’est s’assurer un petit pan de descendance (pas toujours réussi, certes). Mais c’est aussi une responsabilité accrue pour les 18, 19, 32 prochaines années. Pareil pour l’emprunt sur 10 ans (au passage, elle est magnifique votre nouvelle maison) ou cet investissement aléatoire dans le Bitcoin. Rien n'est certain pour l’avenir. Toutefois, maintenant, là, tout de suite, on est bien content de ce confort, de cette réussite.

Avec ou sans handicap

Faire attention aux autres, même si l’on n’est pas soi-même fragilisé, c’est une action qui appartient à toutes et tous, avec ou sans handicap. Il ne suffit pas d’être sur quatre roues pour être à risque, comme il ne suffit pas d’avoir perdu un proche dans la pandémie pour penser à son prochain. Au contraire, il n'est pas nécessaire d'être en situation de handicap pour être, de façon absolue, provax. Pour Julien-Clément Waeber, atteint d'une infirmité motrice cérébrale et membre du comité directeur du Parti socialiste vaudois: «Attendre d'une personne en situation de handicap qu’elle se fasse vacciner pour ne pas subir de nouvelles contraintes, c’est une obligation vaccinale déguisée. On parle quand même d'un vaccin. Cela ne te choque pas qu'on te dise de prendre un traitement pour aller quelque part?»

Eh bien non, pas nécessairement. Pour me lever le matin, par exemple, sans mon traitement antalgique, il me sera difficile d'aller «quelque part». À titre personnel, puisque certains symptômes de mon handicap, non, ne seraient pas compatibles avec une hospitalisation pour un Covid-19, je suis bien content que mon collègue, ma pharmacienne, mes amis proches, ma banquière ou bien mon voisin de train se protègent et, ainsi, me protègent. Comme, chez moi, le taux d’anticorps ne sera jamais suffisamment élevé pour que je sois correctement immunisé, la vaccination des autres est alors la seule perspective qui, aujourd’hui, dessine un retour à la vie «normale». Et Dieu sait si, ici, on déteste ce mot.

Enfin bref, sur ces belles paroles, je vous souhaite un excellent week-end et me réjouis déjà de vous retrouver, prochainement, en terrasse. À ce propos, vous en pensez quoi du passeport vaccinal?

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