À l’heure où vous lirez ces lignes, l’affaire est entendue. Emballée. Pliée. En route pour les législatives françaises des 12 et 19 juin. Négocié ce week-end, l’accord entre la France Insoumise et Europe Écologie-Les Verts vient d’être bouclé dimanche soir. Une centaine de circonscriptions législatives promises aux Verts, alors que socialistes et communistes continuent de négocier avec la formation de Jean-Luc Mélenchon.
Car au fond, tout tourne autour du député de Marseille, 70 ans, fort de ses 22% des suffrages au premier tour de la présidentielle. Environ 400'000 voix d’écart avec Marine Le Pen, qualifiée de justesse pour le second tour puis battue par Emmanuel Macron. Beaucoup avaient ce mot-là aux lèvres ce dimanche 1er mai, dans le cortège syndical qui a traversé Paris pour la fête du travail, tandis que les black blocs cassaient des vitrines sur le passage des manifestants: «Mélenchon au second tour, cela aurait été un tout autre spectacle!»
«Il est cinq heures, Paris s'éveille», Jacques Dutronc l'a chanté. Nous allons vous le raconter. Chaque lundi, en ouverture de la semaine, une chronique française pour dire ce qui fait bouger notre si proche et grand voisin. Petites et grandes histoires. Politique et société. Fait divers et fond des urnes. Café, croissant et Blick.ch/fr sur l'écran de son portable. C'est parti. Comme un lundi...
«Il est cinq heures, Paris s'éveille», Jacques Dutronc l'a chanté. Nous allons vous le raconter. Chaque lundi, en ouverture de la semaine, une chronique française pour dire ce qui fait bouger notre si proche et grand voisin. Petites et grandes histoires. Politique et société. Fait divers et fond des urnes. Café, croissant et Blick.ch/fr sur l'écran de son portable. C'est parti. Comme un lundi...
Il est désormais la «marque» qui compte
Mais oublions un moment le contenu des négociations. Parlons audimat, empreinte médiatique, force de persuasion, nom en forme de slogan: Jean-Luc Mélenchon a franchi le pas au fond des urnes, le 10 avril. Il est désormais «la» marque qui compte.
On parle de Mélenchon. On reprend ses bons mots, comme cette accusation lancée contre Emmanuel Macron de vouloir «vendre le pays à la découpe» au capitalisme mondialisé. On sourit, admiratif, de ses onze hologrammes qui, le 5 avril, transformèrent son meeting de Lille en grand-messe politique de la contestation nationale par image électronique interposée.
Mélenchon n’est pas pour rien un grand admirateur de François Mitterrand, ce président qui sut faire déferler un vent de gauche dans la France de droite des années 1980. La «marque» Mitterrand, alias «Tonton» à la fin de cette décennie-là, était ce modernisme revendiqué dans un corpus idéologique on ne peut plus classique, voire carrément désuet. Jean-Luc Mélenchon copie «Tonton» presque à chaque pas. Mitterrand était un «sphinx». Lui se contente d’être un gladiateur. Normal: l’époque est au combat. Elle ne supporte plus les silences et les ombres.
Plus sur le sujet
Lui parle d’avenir alors que le PS conjugue le passé
Dur pour tous les autres. Les socialistes (ou ce qu’il en reste). Les écologistes. Les communistes (ou ce qu’il en reste). Le trotskiste Mélenchon a aujourd’hui pour lui tout ce qui leur fait défaut. Il parle d’avenir alors que le PS ne fait que conjuguer le passé. Il défend les éoliennes quand une partie des Verts français sont tentés de danser la rumba nucléaire avec Macron. Il se refuse à entonner le refrain des «jours heureux» de l’ex-candidat communiste Fabien Roussel, car il sait que la colère sociale carbure à la souffrance, et jamais au plaisir.
Mélenchon vient de la social-démocratie. Il la connaît. Il n’exclut pas de la réhabiliter. La pugnacité allemande d’un Oskar Lafontaine alliée à la vista médiatique américaine de Bernie Sanders. La sagesse du septuagénaire cultivé sur le baril de poudre de son obstination coupable d’ex-défenseur des révolutionnaires latino-américains, un temps charmé par Vladimir Poutine. François Mitterrand avait bien dans son placard sa photo avec le Maréchal Pétain. Jean-Luc Mélenchon, ennemi déclaré de Marine Le Pen, a pour lui d’être à la fois le visage de la colère et de l’espoir. Ses divagations sur l’Union européenne ne l’empêchent pas de faire mouche en exigeant «l’Europe sociale». Difficile, pour une gauche française traditionnelle en lambeaux, de faire la fine bouche devant une pareille «marque».