«Papa, le E rouge ça veut dire que ça fait pas grandir!», m'a récemment expliqué ma fille de 5 ans en me montrant le paquet de Smarties, Nutri-Score E, que je venais de lui acheter. En tant qu'adulte supposément responsable, je dois avouer que me faire rappeler le fonctionnement du Nutri-Score par une gamine de 5 ans m'a fait me sentir un peu nul.
Cette humiliation bue, nous en avons profité pour discuter de ce qui participe à une bonne alimentation, et de l'utilité du Nutri-Score pour s'orienter dans la jungle des supermarchés.
Le Nutri-Score, c'est cette signalétique imprimée sur certains emballages alimentaires: un système de 5 notes nutritionnelles allant du A vert (très bon) au E rouge (à consommer avec modération). La Suisse y participe, aux côtés de plusieurs autres pays européens. Les fabricants sont libres de l'afficher ou non.
Trois ans après son introduction, Migros a annoncé cette semaine abandonner le Nutri-Score sur sa gamme de produits. L'entreprise plastronne pourtant encore sur son site: «L’objectif ambitieux de Migros: apposer le Nutri-Score sur ses 10'000 produits de marques propres d’ici 2025». Sa mission nutritive a fait long feu.
Le premier distributeur alimentaire de Suisse met donc sous le tapis l'information et la protection de la santé des consommateurs suisses, un renoncement regrettable. Sous son vernis de responsabilité sanitaire et sociale, ce sont évidemment ses intérêts mercantiles et ceux de l'industrie agroalimentaire qui ont eu le dernier mot: l'annonce survient en marge de la suppression de 150 postes, et alors que les règles de calcul du Nutri-Score ont été modifiées en début d'année pour rendre plus difficile l'obtention des meilleures notes.
Une mauvaise foi d'école
Mais le plus lamentable, c'est la justification du géant orange, une démonstration de mauvaise foi: «Le Nutri-Score reste encore trop peu connu et suscite souvent beaucoup d’interrogations», a déclaré un porte-parole. «Trop peu connu», le Nutri-Score? On peut en douter. Environ 60% des entreprises l'ont adopté, selon son géniteur, le professeur de l'Université Paris-Sorbonne Serge Harcberg. Plusieurs études ont par ailleurs démontré que depuis son introduction, les ventes des produits étiquetés A et B ont progressé au détriment des produits moins bien notés.
Quant aux «interrogations», on est en droit de se demander desquelles il est ici question. De celles des enfants de 5 ans, à qui profite le Nutri-Score, ou de celles des lobbies de l'industrie agro-alimentaire, qui s'acharnent à torpiller ce logo depuis sa création il y a dix ans? Après avoir palabré sur ces Smarties avec ma fille, je suis sûr d'une chose: les enfants n'ont aucune interrogation sur le Nutri-Score. Ils ont parfaitement compris comme celui-ci fonctionne, eux.