Connue dès le Moyen Âge pour la qualité de ses lames, Solingen vient de vivre un terrible drame. Un réfugié syrien a attaqué un groupe de personnes à coups de couteau, laissant trois morts et plusieurs blessés sur le carreau. L’enquête montre que l’auteur aurait dû être expulsé à destination de la Bulgarie, pays compétent pour le traitement de la demande d’asile en vertu des accords de Dublin. Mais il est resté en Allemagne. Il s’est radicalisé dans son coin, passant sous les radars des services de sécurité avant de commettre l’irréparable.
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Le couteau et la main qui le tient
Début mars dernier à Zurich, un jeune radicalisé de 16 ans a poignardé un Israélite au seul motif de sa foi. Fort heureusement, la victime a survécu. Fin juillet, c’est en Grande-Bretagne qu’un assaillant muni d’un couteau s’en prenait à des fillettes lors d’un cours de danse, laissant trois petits cadavres derrière lui. Plus près de nous, à Versoix, fin juillet encore, un ado de 16 ans a été agressé et poignardé suffisamment gravement pour que son pronostic soit engagé. Il a survécu et se remet lentement de ses blessures. L’auteur présumé du coup de couteau, mineur, a été relâché le 20 août dernier d’après les informations dont dispose Blick.ch.
On s’habitue à tout
Ces faits divers dramatiques relèvent de différentes motivations mais diverses constatations s’imposent. Tout d’abord, le recours récurrent à l’arme blanche dont l’usage finit par être banal. Volontiers utilisé par les islamistes, le couteau est devenu au fil du temps un accessoire standard de la panoplie de certains jeunes en mal de repères. Avec les conséquences que l’on sait.
La valeur n’attend pas le nombre des années
Autre constat, les agresseurs sont de plus en plus jeunes. On ne compte plus les mineurs auteurs de violences avec ou sans armes. La vie n’est plus un tabou, on peut la mettre en danger, voire la prendre sans aucun interdit. Cette évolution délétère rend notre réponse judiciaire totalement inadéquate.
Le décalage est particulièrement flagrant lorsqu’un mineur tombe dans la radicalisation. Bien que dangereux, il reste traité en qualité de mineur, non en tant que terroriste, ce qui complique les enquêtes. Les investigations sont menées par des magistrats rompus aux petites frappes, mais bien démunis lorsqu’il est question de djihadistes.
L’empirisme organisateur
Faute d’avoir déterminé qu’un radicalisé mineur est avant tout radicalisé, on confie le suivi judiciaire à une autorité dont ce n’est pas le rôle. On ne parle pas de délinquance «standard» mais bien du résultat d’une propagande efficace ayant fait d’un jeune un djihadiste prêt à tuer. Il faut avoir une excellente connaissance du biotope dans lequel ces criminels évoluent, les liens qu’ils peuvent avoir, auprès de qui, où ils ont acquis leur bagage idéologique, toutes investigations que seuls des professionnels du domaine peuvent mener à bien.
Un parquet fédéral spécialisé?
Je suis une fervente défenseuse du fédéralisme. Seules les tâches qu’un échelon inférieur ne peut mener à bien doivent être confiées à Berne. Dans le cas de terrorisme juvénile, il me semble pourtant essentiel que la conduite des opérations, de l’enquête au jugement, soit confiée à une autorité spécialement dédiée. On parle encore une fois de terroristes dont le jeune âge ne diminue en rien la dangerosité.
Une vraie peine ou une légère tape sur les doigts?
La justice des mineurs mérite un sérieux toilettage au vu de la violence dont sa clientèle use de plus en plus fréquemment. Le concept actuel vise à resocialiser le délinquant, estimant qu’un délit commis par un mineur n’est qu’un faux pas ponctuel, susceptible d’être corrigé.
C’est le plus souvent le cas, fort heureusement. Mais nous sommes confrontés de moins en moins rarement à des jeunes qui échappent à cette grille de lecture. Ils ne se sont pas brièvement fourvoyés dans leur parcours de vie, ils ont acquis une idéologie qui fait d’eux des tueurs. On ne les remettra pas sur le droit chemin en leur proposant des cours de poterie.
De grands chantiers en vue
On sait que de tout temps, la justice a eu une longueur de retard sur les criminels. La délinquance évolue, le monde judiciaire s’adapte aux nouvelles pratiques. Face à ces jeunes qui tuent sans états d’âme, nous devons revoir de fond en comble notre façon de prendre en charge les individus concernés. Tendre l’autre joue ne suffit plus.