Young Thug (littéralement traduit: «jeune voyou») est, du haut de ses presque deux mètres et de ses trente-deux ans, un rappeur américain d’importance, dont la réputation dépasse sa ville natale de Atlanta (Géorgie), l’artiste ayant même été récipiendaire d’un Grammy Award en 2019 pour la chanson «This is America». Il a également multiplié les collaborations artistiques avec des noms aussi connus que Justin Bieber, Dua Lipa ou encore Elton John.
Jusqu’en 2022, il n’avait pas défrayé la chronique judiciaire, hormis pour des peccadilles. En 2016, il était même pressenti pour devenir l’égérie de la marque Puma.
C’est en mai 2022 que tout bascule avec son arrestation dans le contexte d’une campagne anti-gang. Il est alors inculpé de participation à une organisation criminelle, les enquêteurs le décrivant comme le chef proclamé d’une branche du gang des «Bloods» identifiée comme «Young Slime Life» ou YSL, auquel des activités criminelles de haut vol allant du meurtre, au trafic de drogue, en passant par des vols de voitures avec violence.
L’insolite se loge dans l’utilisation, par le procureur, de paroles de chansons de Young Thug supposées prouver, ou à tout le moins corroborer, les accusations formées à son endroit. C’est ainsi que la procureure a lu, en audience, les paroles de certaines chansons de l’artiste, estimant notamment que des vers du titre «Take it to trial» présentaient une «ressemblance troublante avec des événements très vrais, très réels, et très spécifiques». Pour l’accusation, ces extraits sont autant d’aveux de l’artiste quant aux crimes qu’on lui prête.
De nombreuses voix se sont élevées quant à cette interprétation pour le moins singulière, dès lors qu’elle est de nature à influencer la position du jury du procès. Ainsi, le cofondateur du label détenant celui de l’artiste «YSL Records» (que l’artiste prétend sans lien aucun avec la branche du gang en question) s’émeut de ce que l’on n’aurait jamais osé tirer parti de paroles de chansons s’il s’était agi de country ou de rock. D’autres, comme le Professeur Erik Nielson de l’Université de Richmond, estiment «cette utilisation du rap dans les procès n'est qu'une nouvelle illustration d'un système qui s'acharne à emprisonner les jeunes hommes de couleur». Alors, vrais aveux ou licence artistique? A ce stade, difficile de trancher même si la pratique interroge, sinon dérange.