Kemi Badenoch est devenue samedi la nouvelle cheffe du parti conservateur britannique, désormais dans l'opposition au Royaume-Uni, après un vote de ses militants qui ont choisi cette quadragénaire défenseure d'un retour au «vrai conservatisme» et d'une politique stricte en matière d'immigration.
Après trois mois de campagne, cette farouche «anti-woke» qui était considérée comme la favorite du scrutin a été élue avec près de 57% des suffrages, face à Robert Jenrick, lui aussi positionné à la droite du parti. Elle devient ainsi la première femme noire à diriger un des principaux partis politiques du Royaume-Uni.
L'élection avait été convoquée après l'annonce de la démission de l'ancien Premier ministre Rishi Sunak, dans la foulée de la défaite électorale historique des conservateurs aux dernières législatives du 4 juillet. «Le temps est venu de dire la vérité, de défendre nos principes, de planifier notre avenir, de repenser notre politique et notre façon de penser et de donner à notre parti et à notre pays le nouveau départ qu'ils méritent», a déclaré Kemi Badenoch juste après l'annonce de sa victoire.
Cette ingénieure de formation de 44 ans qui avait déjà tenté, sans succès, de prendre la tête du parti conservateur en 2022 va désormais avoir fort à faire pour relancer des Tories largement affaiblis après leur débâcle électorale historique aux dernières législatives. Avec 121 élus, le parti a perdu les deux tiers de ses députés à la chambre des Communes.
Les électeurs l'ont sanctionné après 14 années au pouvoir, marquées par le Brexit, donc beaucoup estiment qu'il n'a pas été le succès promis, une politique d'austérité qui a paupérisé les services publics et les scandales de l'ère de l'ancien Premier ministre Boris Johnson. Mais nombreux sont ceux qui s'interrogent sur la capacité de Kemi Badenoch à unifier et à reconstruire un parti très divisé et sur la pertinence du virage à droite qu'elle semble vouloir lui faire prendre.
Franc-parler
Née au Royaume-Uni de parents d'origine nigériane et ayant grandi dans ce pays d'Afrique avant de revenir en Angleterre à 16 ans, Kemi Badenoch arrive à la tête des Tories avec une réputation de fonceuse au franc-parler, qui séduit la base militante mais hérisse parfois jusque dans son propre camp. Députée depuis 2017, elle a occupé plusieurs postes ministériels secondaires à partir de 2019 sous Boris Johnson, avant d'être promue par Liz Truss puis Rishi Sunak dont elle a été la ministre du Commerce. Durant sa campagne elle a prôné un retour au «vrai conservatisme», sans s'étendre beaucoup sur son programme politique.
Après un scrutin législatif marqué par la montée en puissance du parti d'extrême droite Reform UK, la campagne a été dominée par le sujet de l'immigration. Kemi Badenoch en a fait une de ses priorités, affirmant notamment qu'elle "n'était pas bonne" pour le pays et que «toutes les cultures ne se valent pas» pour justifier une politique migratoire plus ciblée.
Une sortie qui a suscité la polémique, pas la première pour cette habituée des déclarations choc. Durant la dernière conférence du parti conservateur, cette mère de trois enfants mariée à un banquier avait choqué en suggérant que l'indemnité de congé maternité était «excessive» ou encore en estimant que 10% des fonctionnaires de l'administration étaient tellement mauvais qu'ils «devraient se trouver en prison».
Contre la «politique identitaire»
Très critique de la «politique identitaire» consistant à faire valoir les droits spécifiques de certaines communautés (ethniques, sexuelles, etc.), Kemi Badenoch s'affiche «anti-woke» et a accusé son parti de s'être montré de plus en plus «libéral» sur les questions sociétales comme le genre. Elle s'est aussi dite «sceptique» sur l'objectif de neutralité carbone que s'est fixé le Royaume-Uni.
Selon le conservateur Michael Ashcroft, auteur d'une biographie sur la nouvelle dirigeante, elle s'est «radicalisée» à la droite du parti lorsqu'elle était à l'université, au contact d'étudiants militants qu'elle a qualifiés «d'élite métropolitaine en devenir, gâtée, privilégiée et prétentieuse». «Je ne suis pas une personne timide. Et les gens utilisent souvent vos points forts pour les présenter comme des faiblesses», a-t-elle assumé dans la dernière ligne droite de la campagne. «Je vais avoir besoin que tous (les députés) travaillent avec moi», a-t-elle aussi insisté, tendant la main aux ténors de son parti.