Sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être vu passer le mot-dièze «#Pfizergate». Le terme fait référence à un article d'une publication médicale britannique dénonçant des fautes de procédure dans les essais cliniques du vaccin contre le Covid. Si le hashtag a été partagé des dizaines de milliers de fois sur Twitter, les médias conventionnels se sont montrés plus discrets.
Et pour cause: il y a tout lieu de se méfier de la portée de cette enquête et surtout de l'interprétation qu'en font des extrémistes en tous genre, des complotistes à l'extrême-droite de l'échiquier politique, le hashtag ayant été en effet utilisé par Nicolas Dupont-Aignant et Florian Philippot.
De quoi s'agit-il?
Une société sous contrat avec Pfizer est critiquée par un article de la revue British Medical Journal (BMJ).
Si l'article est largement partagé, au point que le hashtag dont il a été affublé est devenu le sujet le plus discuté sur Twitter le 3 novembre, il s'agit de lire avec soin ce que dit le texte: l’auteur présente un témoignage d’une source qui dénonce les potentielles mauvaises pratiques de Ventavia, un sous-traitant de Pfizer qui a réalisé une part des essais cliniques.
La pratique est courante, l'information était connue. L'auteur passe Ventavia au vitriol, mais dans le fond, ne remet pas en question les données globales ou l'efficacité du vaccin de Pfizer, comme le rappelle dans son fact-checking le site «Numerama«.
De quoi est accusé Ventavia, sous-traitant de Pfizer?
L'ex-directrice régionale d'un centre de Ventavia aux États-Unis, Brook Jackson, dénonce le fait que «le personnel qui a conduit les contrôles de qualité était débordé par le volume des problèmes qu’ils découvraient». Elle dénonce une mauvaise gestion du laboratoire, des vaccinateurs qui auraient été mal formés, un manque de respect de la méthode scientifique (processus en double-aveugle qui ne serait pas respecté), des produits stockés aux mauvaises températures, un suivi trop lent des effets indésirables.
Après avoir prévenu la FDA (Food and Drug Administration, autorité américaine de régulation), elle aurait alors été licenciée par Ventavia. Elle aura travaillé deux semaines en tout dans le centre. Cette affaire remonterait à l'automne 2020, lors des essais de phase 3 du vaccin.
Les accusations sont-elles graves?
Si les accusations sont avérées, oui: un centre d’essais cliniques doit respecter à la lettre le protocole et la méthode. Par ailleurs, cela signifierait que l'administration de contrôle FDA n'aurait pas assez largement inspecté les lieux des essais cliniques. Pendant une pandémie, avec un contexte de scepticisme répandu, ce serait dommageable pour la confiance de la population.
L'enquête est-elle crédible?
Elle se révèle quelque peu trompeuse sur la réalité de sa portée. La phase trois a inclus des échantillons de dizaines de milliers de personnes: Pfizer repose son essai clinique sur 44'000 participants, réparti dans 152 sites à travers le monde, dont 130 aux États-Unis. Ventavia n'a géré que trois sites et 1'000 participants, soit seulement 2,28% des participants en tout.
S'il paraît donc important que les allégations de l'enquête méritent une inspection approfondie par les autorités sanitaires américaines, les manquements à la procédure dénoncés ne remettraient pas en cause l'ensemble de l'essai clinique de Pfizer et ne représente pas un scandale comme le terme chargé de «PfizerGate» le sous-entend.
Nos confrères de Numerama rappellent également que depuis, de nombreux mois ont passé et les données de dizaines de millions de personnes à travers le monde confirment l'efficacité du vaccin et sa non-dangerosité.
Qui partage l'étude avec le hashtag #Pfizergate?
Sur Twitter, on lit de nombreux commentaires reprenant superficiellement les éléments de l'enquête pour remettre en doute la fiabilité des vaccins. L'ancien député du Rassemblement national Florian Philippot exige la «suspension immédiate et partout en France » du vaccin. Une dramatisation parfaitement exagérée en état. Les journalistes de Numerama rappellent qu'il ne faut ni sous-estimer la gravité des accusations envers Ventavia, ni les surestimer en y voyant un scandale qui invaliderait le vaccin de Pfizer.
Qui a écrit l'enquête?
La structure du texte sur le site du British Medical Journal n'aide pas à y voir clair: il n'y a visiblement qu'une source, aucun élément de preuve n'est présenté (photos, capture d'écrans d'emails évoqués) et ni Ventavia, ni la FDA n'ont de droit de réponse. L'auteur, Paul Thacker, frôle régulièrement avec le conspirationnisme, prenant des positions erronées sur la 5G et déformant les faits qui lui sont présentés. L'enquête est donc journalistiquement bancale.