Le variant Omicron semble hermétique aux températures estivales. En Suisse comme dans d’autres pays, les cas Covid montent en flèche – une hausse à laquelle les autorités ne s’attendaient pas. Que faut-il en déduire? Tanja Stadler, l’ancienne présidente de la taskforce Covid de la Confédération, livre son analyse de la situation. Après la dissolution du groupe d’experts fin mars, le Covid occupe toujours la mathématicienne de formation.
Au printemps, nous nous attendions à un été (presque) sans Covid. Mais voilà que les cas augmentent à nouveau exponentiellement. Faut-il s’inquiéter?
Tanja Stadler: Les dernières données montrent qu’environ 97% de la population adulte en Suisse présente des anticorps contre le Covid. Cela grâce aux nombreuses vaccinations, mais aussi aux infections. Nous sommes donc dans une assez bonne situation, en ce qui concerne les unités de soins intensifs. Avec les variants qui circulent actuellement, nous n’avons plus à craindre une surcharge, même si les unités normales doivent à nouveau composer avec plus de patients Covid.
Nous pouvons donc, de fait, nous reposer sur nos lauriers?
Non, car c’est là qu’intervient un «mais»: les variants actuels continuent de provoquer des contaminations. Avec un nombre croissant d’infections, davantage de personnes vulnérables sont susceptibles de se retrouver à l’hôpital, et les cas de Covid long risquent aussi d’augmenter.
La Confédération a récemment annoncé près de 17’000 nouveaux cas en l’espace d’une semaine. Sommes-nous déjà en plein dans la vague estivale?
Les chiffres devraient continuer à augmenter, et la tendance s’est également déjà inversée pour les hospitalisations. Il est difficile de dire combien de temps et jusqu’où la hausse va se poursuivre. Mais nous estimons déjà qu’environ 15% de la population, soit plus d’un million de personnes, seront infectées lors de cette vague. À noter que la plupart d’entre elles ne seront pas testées, le nombre de cas confirmés sera donc plus petit sur papier qu’en temps réel.
Et le nombre élevé de cas non recensés constitue un facteur d’incertitude.
Exactement. Sur la base des échantillons d’eaux usées, nous partons du principe que le nombre de cas non recensés est encore plus élevé qu’en hiver. Actuellement, il devrait y avoir plus de 80’000 nouvelles contaminations par semaine. C’est nettement plus que les deux dernières années en été. Mais il y a beaucoup moins de cas graves.
En sommes-nous arrivés au point où l’on peut assimiler Omicron à une grippe?
Non, car nous observons beaucoup plus souvent des conséquences à long terme lors d’une infection à Omicron que lors d’une grippe, notamment parmi la jeune population. De plus, le Covid peut déclencher de très grandes vagues, même en été. Alors que les grandes vagues de grippe sont rares à cette période de l’année.
Depuis fin mars, toutes les mesures de protection nationales ont été abrogées. Pour vous, aurait-il fallu en maintenir certaines?
Le Conseil fédéral veut éviter une surcharge des hôpitaux. À cet égard, le risque est faible, et la levée des mesures est plausible. Mais si l’on veut éviter que le nombre d’infections ne s’envole complètement, limiter les cas de Covid long, et éviter que certaines parties de nos infrastructures ne soient à nouveau paralysées, je pense que certaines mesures de protection ont encore un sens.
Que recommandez-vous, à l’heure actuelle?
L’essentiel, ce sont les masques, et de l’air purgé à l’intérieur. Je continue moi-même à porter un masque dans les transports publics, ou dans les établissements de santé. Cela réduit le risque de contamination. Il faut en être conscients: même une triple vaccination ne protège que partiellement d’une infection.
Qui devrait recevoir une quatrième piqûre?
Chez les personnes particulièrement vulnérables, l’effet protecteur contre une évolution grave de la maladie, prodigué par le vaccin, diminue trois mois après une vaccination. Une quatrième dose peut donc rétablir une protection complète. C’est ce qu’ont montré plusieurs études. La plupart des seniors ont déjà reçu une troisième dose il y a plus de six mois. Une quatrième vaccination serait donc judicieuse.
Seulement, dans de nombreux cantons, il faut désormais payer sa quatrième dose de sa propre poche, car il n’existe plus de recommandation officielle. Selon vous, est-ce une erreur?
Les données disponibles montrent clairement que la quatrième vaccination apporte quelque chose aux personnes vulnérables sur le plan médical. Si l’objectif est d’offrir une prévention optimale aux personnes indépendamment de leur situation financière, la quatrième vaccination devrait, selon moi, effectivement être gratuite pour le groupe de population que sont les personnes vulnérables.
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Et qu’en est-il des plus jeunes?
Pour les plus jeunes, les données ne sont pas encore très claires. Les premières études menées aux États-Unis indiquent toutefois que la protection contre une infection grave par Omicron semble également diminuer quelque peu chez eux. Parallèlement, les effets secondaires d’une quatrième dose ne sont pas plus importants qu’avec les vaccins précédents. Il est donc logique de dire que ceux qui le souhaitent peuvent se faire vacciner une quatrième fois.
Que signifie la vague estivale pour le début de l’automne?
Même si aucun nouveau variant du virus ne se propage, les chiffres repartiront à la hausse pendant la saison froide. C’est tout simplement saisonnier. Il se peut que la vague soit un peu plus faible, car de nombreuses personnes sont actuellement infectées et acquièrent ainsi une certaine protection contre les infections. Mais il est également possible que nous ayons d’ici là un nouveau variant, contre lequel la protection immunitaire d’une infection antérieure n’est que peu efficace. Cela pourrait entraîner une nouvelle augmentation des hospitalisations.
Des mesures strictes seront-elles à nouveau nécessaires?
Aujourd’hui, nous en savons beaucoup plus sur le virus – ce qui nous permet d’intervenir de manière plus spécifique. Le port du masque et l’aération aident. En revanche, la réintroduction des certificats est inutile, avec les vaccins actuels, si l’objectif du certificat est d’empêcher les infections et les transmissions.
La Confédération a transféré aux cantons la responsabilité de la gestion ultérieure du Covid. Qu’en pensez-vous?
Il est important que les cantons aient un plan. Quelles mesures peuvent être envisagées? Comment se mettre rapidement d’accord sur une procédure en cas d’urgence? C’est ce que les cantons doivent clarifier pendant l’été. Après deux ans de pandémie, au moins une chose est claire: le virus ne se soucie pas de savoir qui gère quoi. Il faut simplement être très réactifs.
Seriez-vous de retour, si la taskforce devait être réactivée?
Si l’on a besoin de moi, bien sûr. J’ai toujours considéré que c’était un privilège de pouvoir y œuvrer. Même si, bien sûr, les décisions ne vont pas toujours dans le sens de ce que je souhaite personnellement. Mon objectif est simple: faire un sort que les preuves scientifiques soient à la disposition des décideurs. Mon opinion personnelle n’a pas sa place là-dedans.
Osons un pronostic: la grippe espagnole a pris fin au bout de trois ans. La pandémie de Covid-19 pourrait-elle aussi être de l’histoire ancienne dès l’année prochaine?
À long terme, les choses vont se stabiliser. Dans les années à venir, il y aura toutefois toujours des vagues, même en été. Mais nous savons désormais comment nous protéger. Et nous disposons d’un vaccin très efficace, comme de nombreux autres outils. Nous sommes définitivement dans une bien meilleure situation qu’au début des années 2020.