Un voyage d'élus suisses sous haute tension
«La présidente de Taïwan a salué mes baskets»

Cinq conseillers nationaux passent la semaine à Taïwan pour militer en faveur d'une «solution pacifique» avec la Chine. Alors que cette visite privée fait jaser, ce lundi a donné lieu à un épisode cocasse autour de la paire de baskets de la Verte Léonore Porchet.
Publié: 06.02.2023 à 17:34 heures
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Dernière mise à jour: 06.02.2023 à 17:37 heures
Ce lundi, les cinq élus suisses ont rencontré la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen (au centre).
Photo: DR
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

La visite de cinq conseillers nationaux — dont trois Romands — à Taïwan a démarré dans un climat anxiogène avant même qu'un élu ne mette le pied sur le petit État insulaire. Une alerte à la bombe a été enregistrée à l'aéroport de Taïpeï, vendredi: la société locale de transports a reçu un message menaçant de mettre le feu à des barils de carburant si l'accès des parlementaires suisses n'était pas restreint.

«Nous sommes conscients de l'existence de cette menace, mais elle n'a pas remis en cause notre voyage, explique ce lundi Fabian Molina (PS/ZH) à Blick. Il n'y a pas de danger selon les autorités locales, en qui nous avons toute confiance.» Le socialiste estime qu'en plus du fait que la Suisse a «quelque chose à apprendre du modèle de succès qu'est Taïwan», l'invasion de l'Ukraine par la Russie justifie de s'engager autant que faire se peut au profit de la promotion de la paix.

Le Zurichois copréside le groupe interparlementaire d'amitié Suisse – Taïwan avec le Vert Nicolas Walder. C'est dans ce cadre que le duo, accompagné de l'UDC Yves Nidegger, du socialiste Mustafa Atici et de la Verte Léonore Porchet, va passer la semaine sur l'île au large de la Chine. Un déplacement privé et auto-financé dans le but de s'engager en faveur d'une «solution pacifique» entre le géant chinois et l'île aux 23 millions d'habitants.

La diplomatie en baskets

Ce lundi a donné lieu à un épisode un peu plus léger. Alors que le quintette helvétique était reçu par la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, la photo (non-officielle) publiée sur les réseaux sociaux montre la seule femme de la délégation suisse détonner par son habillement: tout de clair vêtue, Léonore Porchet porte des... baskets. La Vaudoise de 33 ans a-t-elle profité de l'absence de protocole pour une innovation vestimentaire dans le monde habituellement très feutré de la démocratie?

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L'explication est tout autre: l'écologiste a égaré sa valise, tout comme son collègue de parti et de voyage, le Genevois Nicolas Walder. «Il a été plus malin que moi: il avait pris son costume dans son bagage à main parce qu'il devait prononcer un discours», explique Léonore Porchet à Blick. La Vaudoise a eu beau essayer de trouver chaussures plus traditionnelles à la dernière minute, rien n'y a fait: les commerces n'étaient pas encore ouverts.

Résultat des courses: la conseillère nationale a rencontré la présidente taïwanaise avec des Nike à ses pieds. Une anomalie qui n'a nullement perturbé Tsai Ing-wen. «Elle a salué mes baskets par deux fois dans ses prises de parole et m'a dit de me mettre en évidence sur la photo», raconte à Blick l'élue des Vert-e-s, qui voulait, elle, se faire la plus discrète possible. Pas de quoi, donc, ouvrir un nouveau débat après celui sur les chaussures d'Ignazio Cassis au Niger.

Jürg Grossen et Marco Chiesa ont renoncé

Pas sûr néanmoins que cette scène «pleine de bienveillance» ne suffise à dissiper les tensions. Voilà plusieurs jours que cette visite fait jaser, à Berne. Même si une autorisation du Conseil fédéral ou des Chambres fédérales n'est pas nécessaire pour un voyage privé où les élus ne font que de la diplomatie parlementaire et ne représentent pas la Suisse (le Département fédéral des Affaires étrangères ne commente d'ailleurs pas ce type de projet), fallait-il vraiment se rendre à Taïwan?

Jürg Grossen, également membre du groupe interparlementaire, a par exemple renoncé: le timing n'est pas opportun vu la situation entre les deux pays, a expliqué le président des Vert'libéraux à SRF. Un autre président de parti, l'UDC Marco Chiesa, est resté à la maison sur conseil de sa formation, contrairement à Yves Nidegger. Dans les colonnes du «Temps», le Genevois s'est défendu en expliquant que le voyage était prévu de longue date, mais qu'il avait été repoussé par le Covid, et qu'il ne représentait «pas le gouvernement, mais le peuple».

Pour sa part, Léonore Porchet a des raisons professionnelles d'avoir parcouru les 9720 km qui séparent Lausanne de Taïpeï. La Vaudoise est co-directrice du festival BDFIL, qui se tiendra pour la première fois dans sa nouvelle mouture du 1er au 14 mai. L'invité d'honneur de l'événement n'est autre que... Taïwan. «L'entier de la délégation et la présidente avons échangé sur de très divers sujets pendant un long moment d'une heure et demie», se réjouit l'écologiste, dont le discours est plus diplomatique que l'habillement du jour.

En visite sur les îles Kinmen

Le tollé provoqué en août dernier par la visite de l’ex-présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, n'a pas été un motif d'hésitation pour les parlementaires suisses. «Je ne vois pas pourquoi la Chine nous taperait dessus en tant que personnes parce que nous livrons un message de paix, d'amitié et de solidarité», plaide Léonore Porchet. Même si le Conseil fédéral renonce pour sa part à entretenir des relations diplomatiques avec Taïwan en raison de sa politique d'«une seule Chine», rappelle «Le Temps».

Cette semaine, la délégation suisse rencontrera encore le ministre de la Culture, Lee Yung-te, et visitera le Parlement, avant de se rendre sur les îles Kinmen, ces territoires enclavés dans une baie à côté de la Chine continentale où les tensions avec Pékin sont cristallisées. Les conseillers nationaux rencontreront aussi des commissaires des droits humains ainsi que des ressortissants suisses à Taïwan.

Ce riche programme justifie, selon Léonore Porchet, le long déplacement jusqu'à l'autre bout du globe qui lui est reproché sur les réseaux sociaux. «Jusqu'à preuve du contraire, l'avion est le seul moyen de rejoindre Taïwan depuis Lausanne, ironise la Vaudoise. Ce n'est pas du tout à la légère que j'utilise ce moyen de transport, mais j'estime que d'apporter un soutien à la démocratie taïwanaise est une raison suffisamment impérieuse. Nous n'allons pas faire du tourisme, nous nous rendons sur une île qui doit vivre avec un danger constant.»

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