Tout a commencé le 13 février dernier. Le Conseil municipal (législatif) de la Ville de Genève, sous l'impulsion de la gauche, votait un texte permettant le port du burkini dans les piscines. Dans les faits, c'est un article du règlement sur les piscines concernant les «tenues décentes» qui avait été supprimé. À un gros mois des élections cantonales, l'Union démocratique du centre buvait du petit lait.
Mais le parti agrarien a joué de malchance puisqu'en presque neuf mois, un référendum communal et un projet de loi cantonal, le burkini est toujours autorisé dans les bassins genevois. Qu'à cela ne tienne. À l'image de Sisyphe roulant inlassablement son rocher en haut de la montagne, l'UDC a déposé mi-octobre un nouveau projet de loi au Grand Conseil (législatif), visant à bannir le vêtement couvrant des piscines. Il est à l'ordre du jour de la prochaine session du parlement genevois, le 16 novembre.
Océan de mesures
Intitulé «Projet de loi sur les bassins de natation», il évite l'écueil de trop précisément cibler le maillot de bain couvrant. Au contraire, le projet présente neuf articles régissant divers comportements et pratiques, comme l'hygiène personnelle, la consommation de tabac ou d'alcool ou encore le bruit.
C'est à l'alinéa 3 de l'article 6 qu'on retrouve le cheval de bataille de l'UDC: «Les vêtements en maille extensible composés d’une longue tunique à capuche et d’un pantalon («burkinis») ne sont pas autorisés pour la baignade».
Nouvelle stratégie
Stéphane Florey, député du parti au Grand Conseil et premier signataire du projet, explique cette nouvelle stratégie à Blick. «Le but est le même. À la suite de pas mal de discussions, on a conclu qu'on aurait dû statuer plus largement que sur la simple interdiction, et repenser tout le concept.»
À Genève, les communes sont l'autorité de décision concernant les piscines. Ce projet de loi se trompe-t-il d'administration? Pour Stéphane Florey, c'est plutôt l'occasion d'adopter une loi cantonale pour lisser les usages. «Cela généraliserait ce qui est permis et interdit, dans n'importe quelle piscine du canton. Les usages seront les mêmes partout. Selon les besoins spécifiques, il peut y avoir de petites différences, mais la base serait la même.»
«Malheureux concours de circonstances»
Le 16 novembre, les députés genevois entreront ou non en matière sur ce projet de loi. L'UDC décidera alors de retirer sa première mouture, déposée en mars dernier et balayée en commission fin août. Ou de faire vivre les deux propositions, qui traitent du même sujet, en simultané.
En effet, la formation estime que son premier texte «n'a pas été traité comme il se doit» à cause d'un «malheureux concours de circonstances». La Commission judiciaire n'était pas entrée en matière et personne n'avait été auditionné.
«Talibanisation» des piscines
Les arguments de l'UDC pour s'opposer au burkini n'ont pas changé depuis le référendum de février dernier. Le parti y voit «un symbole d’inféodation des femmes aux règles de vie islamiques», une «véritable talibanisation» et un «étendard politique pour les islamistes», qui va à l'encontre de «l'héritage judéo-chrétien» de la Suisse.
Position du PLR
En août dernier, au moment de la non-entrée en matière de la Commission judiciaire sur le premier projet de loi, le parti libéral-radical (PLR) en prenait pour son grade dans un communiqué de l'UDC. «On ressent [...] une pointe de dégoût à l’idée que ce soit un élu PLR – parti que l’on disait autrefois de droite – qui se trouve à l’origine de ce refus d’entrer en matière pour réguler la visibilité d’un islam radical dans nos piscines.»
La position du PLR, actuellement allié de l'UDC pour le second tour des élections aux États, sera un enjeu pour le progrès de cette nouvelle tentative anti-burkini.