Un débat sensible
Les personnes vaccinées doivent-elles être prioritaires?

Le canton de Berne a lancé un débat délicat en émettant la possibilité d'un triage en soins intensifs. Le responsable de la vaccination bernois sous-entend que les non-vaccinés pourraient être discriminés. Explications.
Publié: 04.09.2021 à 06:16 heures
|
Dernière mise à jour: 04.09.2021 à 06:55 heures
Plusieurs hôpitaux ont déjà tiré la sonnette d'alarme quant à la pénurie de places dans l'unité de soins intensifs.
Photo: Keystone
Daniel Ballmer, Ladina Triaca, Rahel Lenz, Jocelyn Daloz (adaptation)

C'est une décision de vie ou de mort. Si les chiffres de Covid continuent à augmenter, le moment viendra où les médecins suisses devront déterminer qui sera placé en soins intensifs et qui ne le sera pas. «J'espère que nous n'aurons pas à prendre des décisions de triage», déclarait vendredi aux médias Gregor Kaczala, responsable de la vaccination à Berne. «Si nous le faisons, j'ai peur que les personnes non-vaccinées soient plus mal loties».

Les hôpitaux suisses sont déjà au bord de l'abîme. Certains ont déjà dû transférer des patients vers d'autres hôpitaux, leurs unités de soins intensifs étant pleines. C'est par exemple le cas du CHUV. D'autres ont à nouveau commencé à reporter des opérations non urgentes.

Le Conseil fédéral met en garde contre la surcharge

Selon les derniers chiffres du gouvernement fédéral, les unités de soins intensifs du pays sont remplies à 80,3 %. Un bon tiers des lits sont occupés par des patients Covid, presque tous non vaccinés. Si les chiffres continuent d'augmenter, les hôpitaux risquent d'être surchargés.

Il existe une marche à suivre si cela arrive. L'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a adapté ses directives sur le triage des patients à la fin de l'année dernière.

«Le statut vaccinal serait certainement pris en compte.»

Les directives prévoient que la plus haute priorité doit être accordée aux patients qui ont de bonnes chances de s'en sortir s'ils vont aux soins intensifs par rapport à ceux dont les chances de survie sont moindres. En cas de pénurie aiguë, la priorité absolue est d'éviter le plus grand nombre de décès possible. «Les médecins traiteront alors d'abord ceux qui ont les meilleures chances de survie», précise le directeur de la santé de Berne, Pierre Alain Schnegg. «Il est plus probable que ce soit ceux qui ont été vaccinés».

Gregor Kaczala, responsable de la vaccination du canton de Berne.

Le chef de la vaccination et médecin bernois Gregor Kaczala explique qu'en cas de triage, l'âge et la fragilité ne seraient pas les seuls critères. Après tout, dit-il, les patients qui sont aujourd'hui en soins intensifs ont entre 20 et 50 ans. «Le statut vaccinal serait certainement pris en compte. Dans la vie, si tu dis A, tu dois être prêt à dire B» (expression alémanique signifiant que l'on doit être prêt à assumer les conséquences logiques de certaines décisions).

La directrice de la santé de Zurich, Natalie Rickli a été encore plus franche cette semaine, lançant que «toute personne opposée à la vaccination devrait en fait remplir un testament de vie dans lequel elle confirme qu'elle ne veut pas être hospitalisée et recevoir des soins intensifs en cas de Covid. Ce serait une véritable responsabilité personnelle».

Une éthicienne met en garde

Face à ces dirigeants qui perdent patience, une éthicienne de la médecine se dit inquiète. Ruth Baumann-Hölzle explique que refuser l'accès aux soins à des gens non-vaccinés «serait un changement de paradigme très problématique. Ce serait soudainement rendre les gens responsables de leur maladie.»

Du point de vue de l'éthicienne en médecine Ruth Baumann-Hölzle,, la discussion est extrêmement sensible.

«Les gens doivent comprendre que la situation est grave»

Le conseiller cantonal UDC bernois Pierre-Alain Schnegg fait valoir que le triage régulier est déjà nécessaire dans les unités de soins intensifs. En raison de ces goulets d'étranglement, les opérations doivent déjà être reportées à maintes reprises. «Et vous pouvez vous demander: est-il correct pour nous de refuser une opération à quelqu'un juste parce que nous avons besoin de place pour un patient Covid non vacciné?»

«Les gens doivent comprendre que la situation est grave», souligne encore le conseiller. «Je n'ai aucune sympathie pour ceux qui ne se font pas vacciner, qui partent en vacances, qui font la fête et qui sont ensuite surpris de se retrouver aux soins intensifs. Il existe un remède simple à cela : la vaccination!»

Gregor Kaczala, responsable de la vaccination du canton de Berne.
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la