S'endormir n'est pas un problème. Ce qui handicape Martin Scheidegger, c'est qu'il se réveille souvent deux heures plus tard. L'homme de 57 ans a développé une petite routine pour ces réveils nocturnes. Il lit les infos, mange des crackers et essaie de se rendormir. Parfois, cela fonctionne, mais le répit est de courte durée: une heure plus tard, il est de nouveau réveillé.
«Ce qui est fatal, c'est lorsque je pense à des problèmes privés ou professionnels pendant une phase d'éveil», explique le quinquagénaire, à son compte depuis 20 ans dans le secteur de la publicité. Sa nuit est alors fichue. En 30 ans, il n'a dormi qu'une seule fois d'une traite.
Martin Scheidegger n'est pas seul: les Suisses qui dorment mal sont nombreux, très nombreux. Un cinquième de la population de notre pays juge son sommeil mauvais et près de deux tiers d'entre elle déclarent souffrir de troubles du sommeil. C'est ce que rapporte le nouveau Sanitas Health Forecast: une étude nationale que Blick a pu consulter en exclusivité.
Le stress, ce grand coupable
L'étude a interrogé près de 2000 personnes sur leur santé. À la racine des problèmes d'insomnie et de trouble du sommeil, 91% d'entre elles ont cité le stress comme principal responsable. Médecin alémanique spécialiste du sommeil à la clinique Zurzach Care à Lucerne, Sebastian Zaremba parle même d'un problème de société. «Notre travail et nos contacts sociaux nous demandent d'être disponibles 24 heures sur 24 et de fonctionner toujours plus vite», analyse le praticien de 41 ans.
Le stress est certes l'un des principaux responsables d'un trouble du sommeil, confirme Sebastian Zaremba. Mais il existe d'innombrables maladies du sommeil qui sont certes aggravées par le stress, mais qui existent aussi indépendamment de ce dernier.
C'est le cas, par exemple, de l'apnée du sommeil (la respiration s'arrête régulièrement pendant le sommeil), de l'insomnie (un trouble de l'endormissement ou du maintien du sommeil) ou de la narcolepsie (un trouble organique du cerveau qui provoque une fatigue diurne). On parle de trouble chronique du sommeil lorsque les problèmes en question persistent une grande partie de la semaine et pendant au moins trois mois.
Un grand pas pour la médecine du sommeil
Après une nuit sans dormir, le quotidien de Martin Scheidegger relève du défi: l'indépendant fait notamment face à des problèmes de concentration et de motivation. En 30 ans de troubles du sommeil, il a essayé plusieurs choses. Mais ni l'acupuncture ni les somnifères prescrits par son médecin de famille ne lui ont permis de retrouver un sommeil réparateur.
Pour l'instant, le conseil le plus efficace qu'il a reçu d'un médecin a été celui d'accepter sa situation. Depuis cela fait longtemps qu'il n'a plus consulté son médecin de famille. «Je doute simplement qu'il soit possible d'aller au fond du problème pendant une consultation de vingt minutes», soupire le quinquagénaire.
Changement de discours à l'OMS
À lire aussi
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fini par reconnaître le problème. Depuis cette année, les troubles du sommeil sont officiellement considérés comme un groupe de maladies à part entière. Jusqu'à présent, les différentes maladies du sommeil étaient attribuées à une catégorie médicale spécifique: l'apnée du sommeil était liée à une maladie du système nerveux, l'insomnie à une maladie psychiatrique.
Cette prise en considération signifie bien plus qu'un simple changement dans les textes officiels. «Il est enfin possible de poser un diagnostic clair de trouble du sommeil - en tant que maladie du sommeil lui-même», explique Sebastian Zaremba. Un diagnostic qui, selon lui, est souvent beaucoup plus facile à accepter pour les patients que le trouble psychiatrique ou la maladie du système nerveux, qui semblent plus lourds à porter.
Un meilleur traitement
Cette évolution a ouvert la voie à un traitement spécialisé, par exemple dans des cliniques du sommeil. Dans ces centres de traitement spécifiques, les troubles du sommeil ne sont plus traités «en marge» par le médecin de famille, les neurologues, les pneumologues ou les oto-rhino-laryngologistes, comme c'est souvent le cas aujourd'hui.
Ces troubles sont désormais analysés et pris en charge par des médecins spécialistes qui ont accumulé des connaissances à tous les niveaux en médecine du sommeil. Sebastian Zaremba espère que des cliniques de rééducation spécialisées verront le jour. Chez nos voisins, une clinique spécialisée dans la narcolepsie existe déjà en Allemagne, et la France compte de nombreux centres spécialisés dans le sommeil.
En attendant, Martin Scheidegger compense son manque de repos par une sieste de dix à quinze minutes. Mais son trouble du sommeil est encore loin d'être résolu...
(Adaptation par Louise Maksimovic)