Vous avez été élu président du PLR, avec la mission d’unifier le parti. Vos engagements en solitaire sur les questions européennes et climatiques n’ont-ils pourtant pas contribué à une certaine perte de repères au sein du parti libéral-radical?
C’est dans la tradition libérale de prendre position de manière individuelle sur un certain nombre de sujets. Avec la loi CO2, ce sont surtout les médias qui m’ont accusé de faire cavalier seul (il s’était alors frontalement opposé à l’ancienne présidente Petra Gössi, ndlr). J’ai rejeté la loi parce que je ne la trouvais pas assez libérale, mais je n’ai pas eu l’occasion de m’en expliquer publiquement.
Vous avez longtemps gardé le silence sur votre intention de briguer ou non le poste, puis avez été élu en étant le seul candidat. La présidence ne semble pas très attrayante…
Ce n’est pourtant pas une décision à prendre à la légère. J’en ai beaucoup discuté avec ma famille et mes amis. En tant que président de parti, vous êtes soumis à une pression énorme, vous êtes constamment scruté par les médias et vous devez composer avec les différentes ailes. Au début, je pensais n’avoir aucune chance. C’était certainement la décision la plus difficile de ma vie. Pourtant, je me suis lancé et je me réjouis maintenant de pouvoir faire la différence.
La perspective de diriger le PLR est-elle mauvaise?
Non, elle n’est pas mauvaise, la présidence est une tâche très attrayante. Vous avez l’occasion de contribuer à façonner le parti et le pays et de pouvoir faire la différence de manière libérale.
Vous avez pris explicitement position sur l’accord-cadre et vous vous êtes prononcé, contre la majorité de votre parti, en faveur de la rupture des négociations avec l’UE. Pourquoi?
À un moment donné, il fallait tracer une ligne. Le PLR a maintenant la possibilité de regarder vers l’avenir. Nos valeurs de liberté, responsabilité, progrès et économie sociale de marché doivent à nouveau être mises en avant.
Quels seront votre ligne et vos sujets de prédilection?
Je veux élaborer les positions du parti avec la participation de toutes les forces concernées. Mes sujets de prédilection découleront de ces discussions. Ce qui est clair, c’est que je tiens à renforcer notre politique économique dans les domaines des PME et des start-up. Mais je tiens également à une protection sociale efficace, par exemple dans le domaine de la prévoyance vieillesse. Le thème de la sécurité m’est aussi cher. Sans sécurité, il n’y a pas de liberté.
A ce sujet
Vous n’avez mentionné ni les relations Suisse-UE, ni le climat. Le PLR pourra difficilement éviter ces deux sujets.
Bien sûr, nous prendrons également position sur ces questions. En particulier avec la loi sur le CO2, nous avons maintenant la possibilité d’introduire une approche libérale.
Et dans le dossier européen?
Je pense que c’est une bonne chose que le Parlement ait approuvé le milliard de cohésion, jeudi dernier. Ce n’est pas un cadeau, mais un geste pour la cohésion du marché unique européen. Ce qu’il faut maintenant, c’est un relâchement des tensions. Mais il faut aussi relativiser. Nos relations avec l'UE ne sont pas si mauvaises, la situation est dépeinte comme pire qu’elle ne l’est vraiment.
C’est-à-dire?
Les accords bilatéraux fonctionnent. Et lorsqu’il s’agit de questions concrètes, nous n’avons pratiquement aucun problème avec les pays de l’UE. La coopération dans l’espace Schengen fonctionne très bien. Le problème actuel est la rigidité de la Commission européenne. Mais cela va bientôt se calmer. À cet égard, le milliard de cohésion a été un signal important. Nous ouvrons la voie à des discussions constructives, que notre ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a déjà annoncées.
Le parti que vous allez diriger perd du terrain. Comment l'expliquez-vous?
Je ne vais pas critiquer la présidence précédente, qui a beaucoup de mérite. Ce qui m’importe pour l’avenir, c’est que nous communiquions nos valeurs libérales et civiques de manière claire. Ces valeurs doivent être tangibles dans une politique pragmatique. De nombreux citoyens souhaitent une telle offre politique.
Est-ce vraiment le cas? Lorsque vous dirigiez les Jeunes radicaux argoviens, il y a 20 ans, le Parti radical-démocratique était à 22%. Aujourd’hui, les libéraux-radicaux sont autour des 15%.
L’idée de liberté reste attrayante pour tout le monde. Tout le monde veut être libéral aujourd’hui. Nous le sommes et l’avons toujours été. La Suisse est un Etat libéral, c’est la base de notre coexistence. C’est ce en quoi nous croyons, c’est ce pour quoi nous nous battons, indépendamment des pourcentages du parti. Je suis convaincu que beaucoup d’électeurs Vert’libéraux et UDC se décideront à nouveau à voter pour le PLR.
Qu'est-ce qui vous fait penser cela?
Regardez l’UDC, leur style commence à rebuter les électeurs. Le comportement du parti et de ses politiciens depuis le début de la crise du Covid a été erratique et excessif. Au début, ils voulaient annuler les sessions parlementaires à cause de la pandémie et maintenant, ils font tout pour se mettre les coronasceptiques dans la poche et gagner quelques électeurs. En fait, ils prolongent la pandémie.
Le Parti Vert’libéral (PVL), quant à lui, dispose désormais d’une base solide.
Jusqu’à ce que l’on démontre que ce n’est pas un vrai parti libéral. Il a émergé des Verts, ce dont on se rend compte de plus en plus. Pour les Verts libéraux, le mot «libéral» est plus une étiquette qu’une réalité.
Vous pensez vraiment que vous arriverez à voler des voix en même temps à l’UDC et au PVL?
Nous ne nous définissons pas par rapport aux autres partis. Au sein de l’UDC, il y a des cercles qui ne voteront jamais pour le PLR, et il y a des Verts’libéraux qui n’ont que faire de notre vision libérale du monde. Cela n’a pas d’importance et n’exclut pas une coopération sur les questions de fond. Il y a déjà assez de partis qui divisent. Le PS oppose les riches et les pauvres comme un mantra, l’UDC oppose la ville à la campagne, comme si l’une pouvait se passer de l’autre. Le PLR a la tâche d’unifier. C’est plus difficile, mais c’est notre responsabilité.
La politique a-t-elle une part de responsabilité dans l’humeur parfois haineuse de la société?
Oui, j’en suis convaincu. Cette division n’est pas très suisse.
Êtes-vous dérangé par les déclarations du conseiller fédéral Ueli Maurer, qui remet publiquement en question la ligne de conduite du gouvernement sur les questions liées au Covid?
Oui. Il viole le principe de collégialité inscrit dans la Constitution.
Il y a cinq ans, le PDC, l’UDC et le PLR de l’époque appelaient à une alliance inter-partis via la «solidarité des partis bourgeois». Voyez-vous un tel appel à nouveau au goût du jour?
Je doute que cela fonctionne. Les gens sont prompts à se mettre d’accord sur des déclarations générales, mais lorsque cela ne se traduit pas par un travail politique concret, tout le monde est déçu.
Une coopération plus étroite pourrait contribuer à garantir le deuxième siège du PLR au Conseil fédéral, qui est menacé…
Nous ferons des gains lors des élections et garderons nos deux conseillers fédéraux dans deux ans. L’alternative à deux conseillers fédéraux libéraux est un glissement vers la gauche au sein du Conseil fédéral. Si vous voulez empêcher cela, votez PLR!
Votre prédécesseure a renoncé à tous ses mandats lorsqu’elle est devenue présidente. Vous, en revanche, voulez rester président de l’Association suisse des transports routiers (Astag). Cela ne remet-il pas en question votre indépendance?
Je m’en tiens au principe de milice. En Suisse, cela fonctionne très bien. L’Astag n’est pas non plus une association qui fait valoir ses intérêts dans chaque transaction commerciale. Je ne vois pas de conflits d’intérêts possibles. Et s’il devait y en avoir, je défendrais les intérêts de la Suisse libérale et du PLR avant tout.