La guerre en Ukraine fait aussi monter la température au sein de l'armée suisse. La Société Suisse des Officiers (SSO) tire à boulets rouges sur le Département de la défense (DDPS) et sur la direction de l'armée. Elle se bat avec véhémence contre les projets de vente à l'Allemagne de 25 chars Leopard mis au rebut.
Berlin avait demandé à la Suisse si elle pouvait céder une partie de ses chars. Les Allemands doivent combler des lacunes dans leur stock de matériel après avoir livré des chars à l'Ukraine. La ministre de la Défense Viola Amherd et le chef de l'armée Thomas Süssli sont ouverts à l'idée.
Outre les 134 Leopard en service, 96 sont entreposés depuis des années. Cela fait un total de 230,25 pièces pourraient être cédées sans grandes conséquences. Mais la Société des Officiers des Troupes Blindées, une section de la SSO, ne veut rien savoir. Au contraire, elle demande même 70 chars supplémentaires!
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Une attaque reste improbable
Même au sein de l'armée, les avis divergent. Ces exigences irréalistes nuisent à la crédibilité de l'institution, estime le major Michael Tschumi. Depuis un an, il n'est pratiquement plus possible de procéder à des évaluations objectives de la situation. «Le simple fait qu'une guerre conventionnelle ait à nouveau lieu en Europe est utilisé pour légitimer directement la nécessité d'une armée de défense suisse conventionnelle.»
Alors que la SSO se déchaîne, d'autres officiers défendent l'accord avec l'Allemagne. De grandes batailles avec des chars restent improbables en Suisse, montre un rapport de la Confédération publié après le début de la guerre. Posséder davantage de chars n'a donc pas de sens.
Mieux s'équiper
Mais les conservateurs critiquent et s'opposent à l'orientation actuelle de l'armée. La Société des Officiers des Troupes Blindées souhaiterait revenir à un mode de défense conventionnel et voudrait s'équiper massivement. Leur devise: «Ne rien donner qui ne puisse plus être remplacé par le Parlement.»
Cela suscite de l'incompréhension. Le major Michael Tschumi estime que cette stratégie n'est pas fiable sur le plan technique. L'armée a effectivement besoin de plus d'argent, mais pour une protection globale de la société. Les troupes blindées doivent certes être modernisées et les lacunes en matière de capacités doivent être comblées. Mais contre des menaces hybrides, il faudrait même moins de chars Leopard en faveur de davantage de chars de grenadiers, selon lui. «Une attaque directe de la Russie avec des troupes au sol est peu probable.»
25 chars au garage
Alors que la Société des Officiers des Troupes Blindées milite pour au moins 300 chars, le DDPS fait le calcul tout autrement. Il part de six bataillons de 28 chars chacun, soit 168 pièces. En outre, il faut 12 chars pour l'instruction, et 25 en réserve et pour les pièces de rechange. Sur les 230 chars existants, il en resterait donc 25 qui pourraient être revendus.
La Fédération des sociétés militaires suisses (FSM) va encore plus loin. Elle veut vendre encore davantage de chars à l'Allemagne. Cela mettrait fin à ce «débat peu glorieux». En remplacement, la Suisse devrait acquérir rapidement de nouveaux chars de combat. Mais même le DDPS ne voit actuellement aucun char de combat sur le marché qu'il serait possible d'acquérir dans un délai raisonnable.
Aucune vente possible?
L'initiative de la FSM a également déplu à la Société suisse des officiers. Tant qu'une stratégie de défense contraignante n'aboutit pas à un autre résultat, son association refuse la vente ou la mise hors service de chars Leopard et l'achat de nouveaux chars, assène son président Dominik Knill.
La question des chars ne fait que relancer le débat autour de l'orientation de l'armée. Une résolution de la situation ne semble donc pas proche.