«Mes neveux adolescents ont été abandonnés à leur sort par l’Etat du Valais!», tonne Julia A.*, une Valaisanne de 52 ans. Celle-ci voit rouge depuis quelques mois. Les raisons de sa colère: ses neveux Cédric, 17 ans, et Marco, 16 ans, vivent livrés à eux-mêmes, sans surveillance, dans un bungalow de la région de Sierre. Sans aucune aide financière de l'Etat.
Ces deux adolescents habitaient auparavant avec leur père. Cependant, celui-ci se trouve derrière les barreaux depuis janvier dernier. Il purge une peine de prison pour différents délits et ne devrait retrouver sa liberté qu’au début de mois de juillet. Leur mère, quant à elle, connaît des problèmes de dépendance. «Ma maman est alcoolique, confirme Marco, le plus jeune des frères, à Blick. Elle abuse aussi de médicaments.»
Les deux jeunes ont vécu avec leur mère jusqu’en juillet 2021. Mais à cause de la boisson, leurs disputes étaient fréquentes. Elle finit par les mettre à la porte. Ils s’installent alors chez leur père. Depuis janvier dernier, ils vivent seuls dans son logement.
Situation intolérable
Pour leur tante Julia A., cette situation est intolérable. Qui pointe-t-elle du doigt? L’Office de protection de l’enfant pour la région de Sierre. «Ces deux adolescents ne peuvent pas s’occuper d’eux-mêmes, ils sont beaucoup trop jeunes pour savoir comment le faire!» Elle dénonce le chaos qui règne dans le bungalow. «Il faudrait un nettoyage d’urgence dans cet espace.»
Mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est que les deux mineurs ne disposent pas d’un centime. «Nous ne recevons rien», assure Marco. N’ont-ils pas droit à une rente pour enfants? Oui, mais elle est bloquée par les autorités, complète la tante.
La raison? Probablement le fait que les jeunes ne sont pas obligés de vivre dans le bungalow. Ils pourraient être placés dans une institution socio-éducative à Sierre. Une décision de placement correspondante est tombée. Dès lors, que font-ils encore dans ce logement? «Nous ne voulons pas aller dans un foyer», assène Marco. Sa tante soupire. «Si les autorités forçaient mes neveux, ils s'enfuiraient tout de suite», avance-t-elle
Interrogé par Blick, l’Office de protection de l’enfance n’a pas voulu se prononcer sur la possibilité d’une telle mesure, invoquant le secret de fonction. Il en va de même pour toutes les autres questions relatives à la situation de Marco et Cédric.
«Des petits délits»
En attendant, comment font-ils pour se nourrir? Le plus grand des frères hausse les épaules. Les jeunes se débrouillent d’une autre manière. «Nous commettons des petits délits pour avoir quelque chose à nous mettre sous la dent», reconnaît Cédric.
Tous deux ont déjà eu des démêlés avec la justice. L’aîné fait actuellement l’objet d’une procédure judiciaire – il refuse d’en donner le motif. Et le cadet peut craindre d’être arrêté à tout moment. «Je n’ai pas purgé ma peine de travail d’intérêt général ordonné par le tribunal des mineurs, explique-t-il. Je risque donc désormais une peine de prison.»
Qu’en dit leur tante? Elle ne veut pas enjoliver la situation et ne cautionne pas le comportement de ses neveux. Mais les autorités font mal leur travail dans cette affaire, maintient-elle.
Les factures s'accumulent
Cédric et Marco ont tous deux un tuteur, et une responsable de l’Office valaisan de protection de l’enfance (OPE) devrait se charger de leur cas. «Mais c’est uniquement en théorie», s’énerve la tante. En pratique, il n’y a aucun contact régulier entre les adolescents et les autorités. «Personne ne s’occupe de mes neveux, ces garçons sont laissés à l’abandon!»
Ce qui entraîne bien sûr des problèmes très concrets. «Comme ils ne reçoivent pas d’argent, les factures restent impayées.» Par exemple, celle pour l’électricité. «J’ai réglé les factures de ces deux derniers mois, pour que les garçons ne se retrouvent pas dans le noir.» Et il en va de même pour le gaz. Les factures d’assurance maladie ne sont pas non plus réglée «Les autorités n’auraient qu’à s’efforcer de faire en sorte que les allocations soient versées par le père à mes neveux», réclame Julia A.
Elle exige que les autorités s’activent et prennent leurs responsabilités. Les deux garçons doivent être suivis. «Cela ne doit pas être si difficile de veiller régulièrement sur eux et de faire en sorte qu’ils disposent d’un peu d’argent pour vivre», soupire-t-elle. Ce n’est que récemment qu’elle a réussi à faire en sorte que ces ados reçoivent au moins quelques denrées alimentaires d’une organisation humanitaire locale. Jusqu’à il y a peu, les armoires étaient vides.
Les jeunes ont besoin d’être encadrés
Interrogée par Blick, Therese Hintermann, experte en droit de la famille, estime que le comportement des autorités valaisannes soulève des questions. «Les autorités devraient clairement veiller à ce que ces deux jeunes aient suffisamment d’argent à disposition pour qu’ils ne soient pas obligés de voler et de dealer.» Il est urgent d’assurer leurs moyens de subsistance, assène-t-elle.
Quid d’un placement en foyer? L’avocate de la famille est sceptique. Elle doute que ce choix soit judicieux. «Agir contre la volonté des jeunes ne conduit souvent qu’à des allers et retours avec la police», souligne-t-elle. Pour Therese Hintermann, il serait tout à fait envisageable d’annuler ce placement et d’encadrer plutôt les adolescents chez eux à leur domicile. Mais dans tous les cas, il faut absolument que le canton réagisse et offre une prise en charge jusqu’à ce que le père soit libéré, conclut l’experte en droit de la famille.