Et si, pour une fois, on s’inspirait de l’Europe? C’est l’idée de Samira Marti. La jeune conseillère nationale de Bâle-Campagne (29 ans) et vice-présidente du groupe socialiste aux Chambres fédérales va déposer un postulat, que Blick a pu consulter, pour demander au Conseil fédéral d’examiner un catalogue de mesures visant à renforcer les conventions collectives de travail (CCT).
Actuellement, la Suisse fait mauvaise figure en la matière: seulement un(e) employé(e) sur deux est protégé(e), loin des leaders européens que sont la France, l’Allemagne ou la Norvège, qui atteignent un taux de plus de 90%. C’est normal, puisque le domaine est protégé par une directive européenne, que le PS aimerait bien importer.
Protéger les hauts salaires suisses avec une recette de Bruxelles, voilà qui est novateur...
Pourquoi ne devrait-on pas s’inspirer de l’Union européenne lorsqu’elle fait quelque chose de bien? L'UE a longtemps été régie par un dogme néolibéral qui a provoqué une forte pression sur les salaires. Mais le vent a tourné ces dernières années en Europe: les pays de l’Union ont compris à quel point il était primordial de protéger les rémunérations, parce que cela profite à toute l’économie et à la population. J'espère que cette nouvelle attitude se reflétera également dans les négociations avec la Suisse. L’amélioration de notre protection des salaires est également une condition préalable au succès des accords bilatéraux et à nos relations avec l’Union européenne.
Donc, c’est surtout un moyen politique de se rapprocher de l’Europe?
Nous voulons nous assurer qu’il y a une coalition interne forte, en Suisse, pour protéger les salaires. C’est un préalable important pour toute négociation d’arriver à une solution. Mais au-delà de cela, il s’agit surtout de notre réponse pour défendre le pouvoir d’achat de la population suisse.
Comment?
D’abord en faisant un constat: un quart des salariés au bénéfice d’une formation professionnelle gagnent moins de 5000 francs brut. Et 500’000 travailleurs gagnent moins de 4100 francs brut par mois pour un emploi à 100%. À l’heure où les loyers vont continuer à augmenter, tout comme les primes maladie et l’inflation, les salaires doivent impérativement augmenter. C’est comme cela qu’on protégera véritablement le pouvoir d’achat de la population.
Votre postulat demande au Conseil fédéral de rédiger un rapport. Cela ne va pas renflouer de sitôt les porte-monnaies...
Mais les choses bougent déjà! Plusieurs cantons ont accepté des salaires minimaux, comme Genève et Neuchâtel, et leur validité est attaquée par la droite via la motion Ettlin (ndlr: le sénateur du Centre veut faire primer le droit fédéral). Si le Conseil fédéral s’empare de la question des CCT et valide des instruments pour les faire entrer en force, alors les salaires seraient rapidement protégés, surtout en bas de l’échelle.
Miser sur les CCT, c’est votre réponse à cette impasse qui se dessine pour les salaires minimaux?
Les deux sont complémentaires. Les CCT sont d’autant plus importantes dans les secteurs où il n’y a pas de salaire minimum. Mais plus globalement, cela participe à une prise de conscience: toute l’économie a besoin de salaires robustes, pour la cohésion sociale. Il y a un certain momentum européen depuis la guerre en Ukraine, il est important que nous ne rations pas le virage.
Vous mentionnez la France parmi les leaders en matière de CCT. Pourtant, lorsque l’on regarde les salaires dans notre pays voisin, cela ne fait pas rêver…
Bien sûr, ce sont les salaires suisses qui doivent être défendus. Mais on peut aussi aller plus loin en renforçant le nombre de personnes couvertes par une CCT, grâce à une politique de soutien de l’Etat, sur le modèle de la Norvège par exemple. Cela étant, ce n’est pas pour rien que l’UE modifie toute sa perspective: de bonnes conditions de travail et de bons salaires ne sont plus une question privée, mais bien d’intérêt public. Lorsqu’il y a dumping salarial, c’est toujours l’État qui paie la différence. Protéger les salaires est dans l’intérêt de tout le monde, à commencer par l’économie et les PME. C’est valable pour l’UE et pour la Suisse.
Avec un tel slogan, on a de la peine à comprendre pourquoi le camp bourgeois ne vous suit pas…
Sur la politique européenne, nous avons besoin d’un soutien clair à l’intérieur du pays. Notre histoire le montre : seule une large alliance, allant du PLR au PS et avec les syndicats, permettra de débloquer le dossier européen. Cette alliance doit pouvoir s’engager pour une ouverture de la Suisse à l’Europe en combination avec une défense forte de nos salaires. Mais nous avons besoin que les partis bourgeois y participent.
Alors que la surveillance en matière de dumping fonctionne bien dans les entreprises au bénéfice d’une CCT (3 fois sur 4), le bât blesse ailleurs. «Une sanction individuelle d'une entreprise pratiquant le dumping salarial n'est pas possible en cas de sous-enchère abusive. Il s'agit là d'une lacune flagrante dans la protection salariale suisse», écrit Cédric Wermuth (PS/AG) dans une interpellation que Blick a également pu consulter.
Le coprésident du PS demande donc au Conseil fédéral s’il reconnaît cette problématique, en particulier en matière de travailleurs suisses. «Les procédures sont efficaces pour 82% des entreprises étrangères, mais seulement pour 60% des employeurs suisses. Cela sape le système des mesures d'accompagnement, qui est d'une importance capitale pour la protection des salaires», analyse l’Argovien. Cédric Wermuth entend, à terme, faire modifier le cadre légal.
Alors que la surveillance en matière de dumping fonctionne bien dans les entreprises au bénéfice d’une CCT (3 fois sur 4), le bât blesse ailleurs. «Une sanction individuelle d'une entreprise pratiquant le dumping salarial n'est pas possible en cas de sous-enchère abusive. Il s'agit là d'une lacune flagrante dans la protection salariale suisse», écrit Cédric Wermuth (PS/AG) dans une interpellation que Blick a également pu consulter.
Le coprésident du PS demande donc au Conseil fédéral s’il reconnaît cette problématique, en particulier en matière de travailleurs suisses. «Les procédures sont efficaces pour 82% des entreprises étrangères, mais seulement pour 60% des employeurs suisses. Cela sape le système des mesures d'accompagnement, qui est d'une importance capitale pour la protection des salaires», analyse l’Argovien. Cédric Wermuth entend, à terme, faire modifier le cadre légal.