Presque toutes les 120 personnes réunies au noble Gstaad Yacht Club lèvent la main pour indiquer qu’elles prennent de la metformine. C’est ce qu’a demandé Nir Barzilai, l’orateur sur la scène. Il est directeur de l’Institut for Aging Research de l’Albert Einstein College of Medicine à New York. L’homme de 67 ans enchaîne: «Les autres, pourquoi ne le prenez-vous pas encore?»
Nous sommes à la Longevity Investors Conference 2022 à Gstaad, à l’hôtel «Le Grand Bellevue». C’est là que se réunissent chaque automne de riches investisseurs, des entrepreneurs de start-up et des scientifiques qui considèrent le vieillissement comme une maladie. Cette année, ils y seront à nouveau du 27 au 29 septembre.
4500 francs au moins pour un billet
La figure de proue de la communauté de la longévité est Aubrey de Grey. Ce Britannique de 60 ans est convaincu que la recherche dans le domaine est sur le point de faire une grande percée.
L’homme n’a pas d’enfants, mais il est le père, l’oncle et le parrain de plusieurs entreprises dans le domaine de la recherche sur la longévité. Il est bien sûr un habitué de la Longevity Investors Conference à Gstaad.
Celui ou celle qui veut le rencontrer là-bas doit payer au moins 4500 francs pour un billet de conférence et apporter un million de francs de fortune librement disponible à investir dans le secteur de la longévité. C’est ce que veulent les organisateurs, deux entrepreneurs suisses, Marc Bernegger et Tobias Reichmuth. Ils sont à la tête de Maximon, une entreprise qui permet la création de start-up dans le secteur.
Un mode de vie très sain
L’entreprise Avea, qui propose des compléments alimentaires, est par exemple sous l’aile de Maximom. Sa cofondatrice et Chief Product Officer est Sophie Chabloz. Cette Suissesse de 34 ans a obtenu son master à l’EPFZ avec une spécialisation en Food Science, Nutrition & Health. Dans une interview accordée au magazine «Millionär», elle a expliqué il y a deux ans tout ce que l’on peut faire pour prolonger la durée de vie en bonne santé.
Il s’agit avant tout d’abord d’adopter un mode de vie sain, dont font partie les douches froides, le sauna et le jeûne intermittant. De plus, les compléments alimentaires sont utiles. Elle est particulièrement convaincue par le resvératrol et le nicotinamide mononucléotide (NMN), déconseillé à tous ceux qui ont déjà eu un cancer ou qui ont des antécédents dans leur famille.
Leur prise devrait augmenter la concentration de nicotinamide-adénine-dinucléotide (NAD +) dans le corps. Cela pourrait ralentir ou même inverser certains aspects du vieillissement et retarder la progression des maladies liées à l’âge.
La NMN et le resvératrol ont surtout été popularisés par David Sinclair. Cet homme de 54 ans est professeur de génétique à la Harvard Medical School et codirecteur du Paul F. Glenn Center for Biology and Aging Research. L’homme prend lui-même chaque jour un gramme de NMN et un gramme de resvératrol. Son père, âgé de 83 ans, fait de même et jouit d’une excellente santé, explique volontiers David Sinclair dans ses exposés.
Il manque toutefois une étude empirique sur l’efficacité du NMN et du resvératrol chez l’homme, même si les effets sur les souris sont prometteurs.
Prolonger la durée de vie d’un quart
D’autres thérapies intéressent les scientifiques. Ainsi, la rapamycine peut prolonger la durée de vie des souris d’un quart. Ce produit est principalement utilisé chez les patients qui reçoivent une transplantation d’organe pour atténuer la réponse du système immunitaire et ainsi empêcher un rejet.
Des méthodes plus inquiétantes permettent également de rajeunir les souris. Les chercheurs ont constaté que de vieux rongeurs rajeunissaient lorsqu’on leur injectait du sang d’adolescents humains.
Il n’est toutefois pas clair si les résultats obtenus sur les souris peuvent être appliqués aux humains. Il n’existe aucune preuve de l’efficacité de ce traitement, affirme le Suisse Tony Wyss-Coray, professeur de neurologie à la prestigieuse université de Stanford, qui donne des conférences sur le sujet, visibles sur Youtube.
Vieillir n’est pas une maladie
Mais lors de la conférence sur la longévité à Gstaad, ce n’était pas le sujet des discussions. Au menu, il y avait plutôt les raisons pour lesquelles les thérapies de longévité ont des difficultés du point de vue de la réglementation.
Les autorités ne considèrent pas le vieillissement comme une maladie, c’est pourquoi aucun médicament ne pourrait être développé et obtenir une autorisation des autorités correspondantes – Swissmedic en Suisse, la FDA aux Etats-Unis.
Peu de preuves
Tout cela semble trop beau pour être vrai? C’est aussi l’avis de Charles Brenner, qui freine l’euphorie dans son exposé à la Longevity Conference 2022. Selon lui, il n’existe que des preuves limitées de l’efficacité de nombreuses thérapies.
L’homme a été directeur du secteur biochimie à l’université de l’Iowa et est aujourd’hui président de la Alfred E. Mann Family Foundation du département du diabète et du métabolisme du cancer au Beckman Research Institute du City of Hope National Medical Center.
Celui-ci ne comprend pas, par exemple, pourquoi on devrait suggérer aux personnes en bonne santé de prendre de la metformine. Selon lui, il s’agit d’un remède éprouvé pour les personnes souffrant de diabète lié à l’âge, car il réduit la glycémie. Mais comme il s’agit d’un inhibiteur de l’activité mitochondriale, il affaiblit les effets positifs de l’entraînement d’endurance et entrave le fonctionnement des muscles.
Mais la communauté Longevity rétorque que la metformine ne fait pas qu’abaisser la glycémie, mais qu’elle peut aussi avoir un effet préventif contre toute une série de maladies liées à l’âge. Elle réduirait notamment le risque de maladies cardiovasculaires telles que l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral. Lors d’une étude expérimentale, les sujets auraient déclaré que la prise de metformine leur avait permis de se sentir plus vitaux et d’avoir moins de cheveux blancs qu’avant l’étude.