Présidente autoritaire, irrégularités financières...
La Protection suisse des animaux serait en proie à de graves dysfonctionnements internes

Une direction autoritaire, des querelles internes et des indices d'irrégularités financières: des documents internes révèlent des dysfonctionnements au sein de l'association faîtière de la protection des animaux en Suisse. Blick a mené l'enquête.
Publié: 05.06.2023 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 05.06.2023 à 09:23 heures
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La banquière Nicole Ruch a été élue présidente de la Protection suisse des animaux (PSA) en novembre 2021.
Photo: Keystone
Fabian Eberhard

La plus grande organisation de protection des animaux du pays est en ébullition. Des membres importants du comité directeur s'insurgent et formulent des reproches à l'encontre de la présidente et de son cercle de collaborateurs les plus proches. La Protection suisse des animaux, qui dénonce habituellement les manquements dans les étables, les laboratoires ou l'industrie de la viande, se voit confrontée à des dysfonctionnements au sein de ses propres rangs.

Blick a obtenu des documents internes, qui donnent l'image d'une vénérable organisation est en train de perdre le contrôle d'elle-même. Une organisation faîtière, riche de plusieurs millions et exonérée d'impôts, marquée par un style de direction autoritaire, une culture de non-transparence et des querelles au niveau de la direction.

Confrontés lors de notre enquête, des anciens membres et des membres actuels du comité central – une sorte de Conseil d'administration de l'association – font des révélations. Parmi eux, la conseillère nationale socialiste Martina Munz, l'ingénieur agronome EPF Michel Roux et le présentateur de télévision suisse allemande Kurt Aeschbacher.

«Structure de pouvoir problématique»

La présidente de la Protection suisse des animaux Nicole Ruch, économiste d'entreprise et banquière chez Credit Suisse à Bienne, est au centre des critiques. Elle a été élue à la tête de l'association en novembre 2021. Elle avait alors déclaré que son rôle était de nature purement stratégique. L'important, selon elle, était avant tout de trouver de l'argent: «Sans argent, rien ne peut être réalisé.»

La conseillère nationale du PS Martina Munz, qui siège depuis 2019 au comité central de la protection des animaux, ne mâche pas ses mots: «Une structure de pouvoir problématique s'est installée au fil des ans à la tête de l'association. La présidente se comporte comme une souveraine. Nicole Ruch et ses collaborateurs dirigent l'association de manière autoritaire et peu transparente.»

La socialiste et d'autres membres du comité directeur ont, selon leurs propres dires, tenté de résoudre les problèmes en interne pendant plus d'un an et demi – sans succès. En dernier recours, ils ont demandé en décembre une enquête interne sur divers dysfonctionnements.

Soupçons d'irrégularités financières

Un élément est particulièrement explosif: la conseillère nationale, l'ingénieur agronome Michel Roux et d'autres membres importants de la faîtière des SPA auraient des informations démontrant l'existence d'irrégularités financières. Celles-ci concerneraient la gestion de biens immobiliers cédés à l'association faîtière par des donateurs privés. Des documents étayent ces soupçons, mais la présomption d'innocence s'applique.

Le fait est que l'association a encaissé plus de 8 millions de francs rien que l'année dernière, dont 4 millions de legs et d'héritages et 2,5 millions de dons.

Pour trouver l'origine des problèmes internes, il faut remonter à l'époque de l'ex-président. Il dirigeait la SPA comme un patron de PME. La nouvelle présidente a ensuite manqué de mettre en place les réformes nécessaires, explique Martina Munz: «Elle agit en cavalière seule, ne prend pas en compte les voix critiques et fait de la rétention d'information.»

Une présidente omnipotente

L'organigramme montre que Nicole Ruch dirige elle-même presque tous les départements importants. En tant que cheffe du Département des sections régionales, elle supervise les relations extérieures avec les 70 associations locales de protection des animaux du pays qui sont affiliées à l'association faîtière. Elle est également à la tête des départements Finances, Personnel et Communication.

«Nicole Ruch enfreint toutes les règles de bonne gouvernance», déclare l'ingénieur agronome Michel Roux, qui fait également partie du comité central au sein duquel il travaille bénévolement, comme Martina Munz. «Il est urgent que la Protection suisse des animaux retrouve une gestion transparente, conforme aux standards d'une organisation à but non lucratif», exige-t-il. Selon lui, tant les donateurs que les responsables de l'association le méritent.

«Ils torpillent la lutte pour le bien-être animal»

Contactée par Blick, la Protection suisse des animaux a répondu à nos questions par une prise de position de quatre pages. Le porte-parole Simon Hubacher y rejette avec véhémence les reproches des membres du comité. Ceux-ci chercheraient à nuire de manière ciblée à la présidente et à l'organisation: «Ces cercles torpillent la lutte pour plus de bien-être animal.»

Toujours selon le porte-parole, la présidente Nicole Ruch exerce son mandat de manière «engagée, prudente, inclusive et orientée vers les objectifs». Les reproches ne rendraient en aucun cas justice à ses compétences de direction. Simon Hubacher relève par exemple que la SPA enregistre un nombre record de dons depuis que Nicole Ruch a repris la présidence.

Le communicant attribue l'agitation au sein de l'association au processus de modernisation que la présidente a initié lors de son entrée en fonction. Le processus de réforme est un défi pour tous les membres, mais il est perçu en interne «comme une grande opportunité».

«Les irrégularités sont balayées sous le tapis»

Quant aux soupçons d'irrégularités financières dans le domaine immobilier émis par certains membres du comité, Simon Hubacher les qualifie d'infondés. L'association est actuellement en train de soumettre son portefeuille immobilier à un «examen critique». Pour cela, la SPA a engagé une société de conseil externe, indique le porte-parole. Les résultats permettront de décider s'il y a lieu d'agir: «Si c'est le cas, la présidence mettra immédiatement en œuvre les mesures nécessaires et en informera le public.»

La conseillère nationale socialiste Martina Munz trouve les réponses de l'association insatisfaisantes: «C'est typique, soupire-t-elle. Les irrégularités sont niées ou balayées sous le tapis.»

Des départs qui interrogent

Ce qui frappe, c'est qu'au cours de la présidence actuelle, plusieurs départs notables ont eu lieu. Pour plusieurs d'entre eux, le manque de transparence et le style de direction rugueux en seraient la cause.

Au milieu de l'année 2022, le responsable des finances du comité central a démissionné avec effet immédiat. Il n'était en fonction que depuis quelques mois. Depuis, la présidente dirige elle-même ce domaine. Il a expliqué son départ dans une lettre interne: «Mon objectif était de développer l'association dans les domaines de la gouvernance d'entreprise et de la transparence, mais j'ai ensuite dû constater que cette évolution n'était pas souhaitée partout.» Il dit s'être rendu compte que la recherche de consensus et l'esprit fédérateur faisaient défaut à certains endroits – et à quel point les structures de l'association étaient figées.

Selon plusieurs sources bien informées, le responsable des finances était sur la piste d'irrégularités. La présidente lui aurait interdit de transmettre aux membres du comité central des informations pertinentes, telles que des contrats, des notes de frais ou des comptes de résultats détaillés.

Le porte-parole Simon Hubacher déclare à ce sujet: «La Protection suisse des animaux agit toujours de manière transparente. Rien n'a été interdit, seule la transmission organisée d'informations a été réglementée et ces règles rappelées.»

Incompétence et manque de transparence

Ce n'est que récemment que Stefan Flückiger, membre de la direction de l'association, a quitté son poste de responsable de la politique agricole. Ce départ a fait réagir une figure éminente de l'association: l'ancien directeur et actuel membre d'honneur Hansuli Huber. Dans un message adressé à la présidente et au comité central, dont le site d'information Inside Paradeplatz a rendu compte la semaine dernière, Hansuli Huber n'y est pas allé par quatre chemins: «Chère Nicole, Mesdames et Messieurs, cela ne peut pas continuer ainsi! La Protection suisse des animaux risque de descendre en troisième division en ce qui concerne l'attention du public, les performances et l'impact.» L'incompétence et le manque de transparence représentent «la mort de toute association.»

L'animateur de télévision suisse alémanique Kurt Aeschbacher compte aussi parmi les victimes des querelles internes. Lui aussi a été membre du comité central en 2022. Le spécialiste des médias devait donner un coup de fouet au domaine de la communication et du marketing. Mais la présidente l'a freiné. Lors d'une réunion, ils se sont brouillés et il a démissionné avec effet immédiat. «J'ai été choqué par la situation», confie-t-il Blick.

L'ambiance serait particulièrement mauvaise au service de contrôle, l'une des pièces maîtresses de la Protection suisse des animaux. Ce service surveille l'élevage des animaux de rente dans environ 1500 exploitations répartie sur tout le pays. Il contrôle les abattoirs, mais aussi le transport des animaux. Au cours des deux dernières années, onze collaborateurs sur une vingtaine au total ont démissionné.

Un nombre inhabituel d'absences au service de contrôle

Les personnes concernées se plaignent d'horaires de travail excessivement longs, de pauses insuffisantes et d'une charge de travail importante. Michel Roux, membre du comité, enfonce le clou: «Le style de direction opaque et chaotique de la présidente fait fuir les collaborateurs de longue date. De nombreux employés sont en souffrance.» En raison des licenciements et des démissions à répétition, l'association est en passe de perdre un savoir-faire important – et court même le risque de ne plus pouvoir accomplir ses tâches de manière satisfaisante.

Le porte-parole de Protection suisse des animaux reconnaît que le service de contrôle a connu, ces deux dernières années, «un nombre inhabituel d'absences pour cause d'accident, de maladie et de changements personnels». Malgré cela, le service de contrôle a toujours pu assumer ses tâches d'inspection de la détention et du transport des animaux de manière professionnelle. «Que des défis et des goulots d'étranglement puissent entraîner une augmentation temporaire de la charge de travail et de l'insécurité chez certains collaborateurs est un fait», écrit l'association dans sa prise de position. La direction dit avoir immédiatement réagi à cette situation.

Lettre à la présidente et courriel défensif

Dans une lettre de protestation envoyée vendredi à la présidente par une grande partie des collaborateurs du service de contrôle, le constat est tout autre: «Nous avons effectivement des problèmes massifs au service de contrôle», écrivent les employés. Divers collaborateurs se sont adressés personnellement à vous, Madame Ruch, pour vous faire part de leur inquiétude. Malheureusement, sans succès.» Les signataires disent être malheureusement arrivés à un point où ils ne peuvent plus accepter de «continuer comme avant».

Vendredi, la présidente Nicole Ruch s'est adressée personnellement à l'ensemble des collaborateurs de l'association faîtière dans un courriel. Elle y écrit: «Nous partons du principe que Blick va publier un rapport dans lequel différents thèmes seront repris de manière critique.» Il est selon elle évident que les «instigateurs» de tels reportages veulent porter préjudice à la Protection suisse des animaux. La présidente a donné pour consigne aux collaborateurs de regarder ensemble vers l'avant.

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