Une clinique privée lucernoise — l'Orthopädischen Klinik Luzern — proposait jusqu'il y a peu un coupe-file à ses patientes et patients, révélait le magazine alémanique «Beobachter», le 3 mars. Pour 300 francs, vous obteniez un rendez-vous dans un délai de deux semaines. Pour 500 francs de plus, vous étiez opéré(e) dans les deux semaines suivantes. Vous ne vouliez pas bourse délier? Vous deviez attendre bien plus longtemps — «de nombreuses semaines», selon le témoignage recueilli par le périodique.
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La loi fédérale sur l'assurance maladie autorise-t-elle de telles pratiques? La question se pose. «La LAMal (ndlr: Loi fédérale sur l'assurance maladie) exige une égalité de traitement médical, explique Grégoire Gogniat, de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), cité dans le même article. Tous les assurés ont le droit d'être traités à temps. En d'autres termes, personne ne doit subir de désavantages médicaux en raison d'un traitement non privilégié.»
Le groupe Hirslanden n'est pas de cet avis, le coupe-file n'étant pas une prestation médicale à proprement parler. «Et les urgences passent toujours avant les interventions électives», appuie en outre Claude Kauffmann, porte-parole.
Dans une première version de son article, le «Beobachter» affirmait que l'offre de l'Orthopädischen Klinik Luzern AG (OKL) était illégale aux yeux de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Au lendemain de la publication de l'article de Blick (également paru en allemand), le «Beobachter» a précisé qu'il s'agissait d'une erreur d'interprétation de la part de sa rédaction et que la légalité du coupe-file de l'OKL était en réalité «discutable». L'article de Blick a ainsi été modifié en conséquence.
En outre, le «priority service» de l'OKL a été suspendu peu après la publication de l'article du «Beobachter», en raison des nombreuses «incompréhensions» générées. Et ce, en attendant que la direction décide de la suite, note un communiqué de la clinique privée, relayé par le site «Medinside». L'article de Blick le précise désormais.
Dans un mail adressé à Blick, la Société suisse de chirurgie de la main (SSCM) a également réagi. «L'offre n'était valable que pour une chirurgie de la main et uniquement si l'intervention était prévue (et n'était donc pas une urgence) et pouvait être traitée en ambulatoire, écrit Max Winiger, porte-parole. (...) Aucun autre patient n'a été désavantagé. Personne n'a dû patienter plus longtemps. L'offre n'a donc rien à voir avec une médecine à deux vitesses.» Le communicant souligne en outre que l'OKL n'est pas propriété du groupe Hirslanden, «elle utilise uniquement les infrastructures de la clinique Hirslanden St. Anna de Lucerne».
Dans une première version de son article, le «Beobachter» affirmait que l'offre de l'Orthopädischen Klinik Luzern AG (OKL) était illégale aux yeux de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Au lendemain de la publication de l'article de Blick (également paru en allemand), le «Beobachter» a précisé qu'il s'agissait d'une erreur d'interprétation de la part de sa rédaction et que la légalité du coupe-file de l'OKL était en réalité «discutable». L'article de Blick a ainsi été modifié en conséquence.
En outre, le «priority service» de l'OKL a été suspendu peu après la publication de l'article du «Beobachter», en raison des nombreuses «incompréhensions» générées. Et ce, en attendant que la direction décide de la suite, note un communiqué de la clinique privée, relayé par le site «Medinside». L'article de Blick le précise désormais.
Dans un mail adressé à Blick, la Société suisse de chirurgie de la main (SSCM) a également réagi. «L'offre n'était valable que pour une chirurgie de la main et uniquement si l'intervention était prévue (et n'était donc pas une urgence) et pouvait être traitée en ambulatoire, écrit Max Winiger, porte-parole. (...) Aucun autre patient n'a été désavantagé. Personne n'a dû patienter plus longtemps. L'offre n'a donc rien à voir avec une médecine à deux vitesses.» Le communicant souligne en outre que l'OKL n'est pas propriété du groupe Hirslanden, «elle utilise uniquement les infrastructures de la clinique Hirslanden St. Anna de Lucerne».
Passe d'armes sur Twitter
Le «priority service» a depuis été suspendu, mais le débat continue de faire rage. Sur Twitter, la Fédération romande des consommateurs s'indigne: «Passerait-on à un système de santé à... trois vitesses?» Toujours sur le même réseau social, Jean Christophe Schwaab, ancien conseiller national socialiste vaudois, s'étrangle: «Vous voulez savoir à quoi ressembleraient les soins livrés en pâture au 'libre marché' comme l'exigent PLR et UDC? Eh bien à ça.»
Pas de quoi faire sourciller Philippe Nantermod, vice-président du Parti libéral-radical (PLR) Suisse, qui ne voit pas le problème. Cette réponse du conseiller national a provoqué une vague de réactions. Ce jeudi, dans cette interview accordée à Blick, l'avocat valaisan persiste, signe et va même plus loin: «Si un hôpital public équilibrait ses comptes en offrant ce genre de prestation plutôt qu’en prélevant encore de l’argent aux contribuables, je ne m’en plaindrais pas.»
Philippe Nantermod, un hôpital lucernois propose une sorte de coupe-file à 800 francs à ses patientes et patients, qui peuvent alors avoir un rendez-vous et se faire opérer bien plus rapidement que les autres. Ça ne vous choque pas?
Je ne vois pas le problème. On parle ici d’une clinique privée et d'une opération élective orthopédique. Il ne s’agit ni d’une urgence, ni d’un hôpital public. Offrir la possibilité de payer davantage pour un coupe-file n’est au fond pas très différent que d’offrir le choix d’une chambre privée à ceux qui ont une assurance privée. Je ne vois pas pourquoi cette offre choque. Un patient qui paie pour des médecines alternatives douteuses, c’est permis. Un patient qui paie pour une belle chambre avec vue sur le lac dans une clinique privée, c’est permis. Pourquoi interdire à un patient de payer pour être traité plus rapidement que la norme?
La légalité de cette offre semble pourtant discutable…
La question est de savoir si c’est la prestation médicale qui est facturée ou si c’est autre chose. Parce que la LAMal n’interdit pas, par exemple, de facturer les prestations hôtelières, comme une chambre privée, en plus de la prestation médicale. Si des citoyens veulent payer pour d’autres choses, ils en ont le droit. Or, en l’espèce, la prestation médicale est strictement la même, que vous preniez le «coupe-file» ou pas.
Donc pour vous, l’égalité de traitement est garantie?
Absolument. Les prestations couvertes par la LAMal sont toujours offertes à tous les assurés. Tout le monde a le droit à son opération de la jambe, tout le monde a le droit d’aller dans un hôpital qui va vous faire une opération si elle est nécessaire, efficace, adéquate et économique, en application des critères de la LAMal. Personne n’a été écarté du système de soins à cause de cette offre qui s’adresse à des personnes enclines à dépenser plus, comme d’autres dépensent plus pour un plus bel appartement ou pour des vacances.
Ici, une femme se plaint de devoir attendre de nombreuses semaines rien que pour avoir un rendez-vous avant de pouvoir se faire opérer dans cette clinique si elle ne paie pas ces 800 francs. Vous comprenez sa frustration?
C’est ce genre de frustration qui me choque. On vit dans un pays où la collectivité paie des milliards pour soigner tout le monde, dans l’un des meilleurs systèmes de santé du monde. Se plaindre parce qu’il faut attendre quelques jours — ou quelques semaines pour des cas non urgents — pour bénéficier d’une opération parfois de très haute qualité, réalisée dans une clinique privée, financée par les primes de tous les citoyens, est déplacé. En Suisse, personne n’est laissé sur le bas-côté de la route. Tout le monde a accès à la santé: on subventionne les primes des plus démunis. Et le catalogue des prestations médicales couvertes par la LAMal est le même, que vous soyez multimillionnaire ou que vous n’arriviez pas à boucler vos fins de mois.
Pourriez-vous imaginer un système de coupe-file payant dans un hôpital public, hors urgences?
Dans les hôpitaux publics, il y a, par exemple, déjà des chambres privées, qui financent l’hôpital. Dans l’absolu, si un hôpital public équilibrait ses comptes en offrant ce genre de prestation plutôt qu’en prélevant encore de l’argent aux contribuables, je ne m’en plaindrais pas.
Élargissons un peu ce débat. À l’heure où les primes d’assurance maladie continuent d’augmenter et étranglent une partie des ménages, n’assiste-t-on pas à la naissance d’un système de santé à deux, voire à trois vitesses, où les riches peuvent mieux se faire soigner, dans des cliniques privées par exemple, et plus rapidement, et où les pauvres ne vont plus chez le médecin à cause d’une franchise élevée?
Il faut définir ce qu’on entend par un système de santé à plusieurs vitesses. Nous n’avons pas un système de santé dans lequel les gens qui n’ont pas les moyens ne sont plus soignés. Au contraire: de plus en plus de prestations sont couvertes par l’assurance de base. Des traitements toujours plus chers et performants sont remboursés, pour tous. Mais près du tiers des 85 milliards de francs que coûte la santé chaque année sont déjà payés par les ménages ou par les assurances privées. De facto, il y a donc plusieurs vitesses au sens que les citoyens choisissent de consacrer plus ou moins de ressources pour leur santé, pour ce qui dépasse les soins de base. Par exemple, en prenant des assurances privées, pour des interventions de confort, des traitements de médecine alternative ou des prestations accessoires qui accompagnent les séjours hospitaliers.
Parmi les choix offerts par le système actuel, il y a celui de la franchise. La question de la franchise à 10’000 francs a un jour été sur la table. L'idée vous séduit-elle toujours?
Elle n’a aucune chance de réunir une majorité, mais elle me séduit toujours. À certaines conditions. Une franchise à 10’000 francs vous permettrait de réduire massivement votre prime, peut-être en dessous de quelques dizaines de francs par mois. Aujourd’hui, les primes pèsent très fortement sur le budget des ménages. Notamment sur celui des jeunes familles actives, qui souffrent du poids des primes malgré le peu de dépenses de santé qu’elles connaissent à titre individuel, et qui ont besoin d’avoir une couverture pour les cas graves. Pour réduire les risques, il faudrait lier cette franchise à 10’000 francs à la garantie de pouvoir la financer: vous n'y auriez accès que si vous cautionniez ce montant ou le réassuriez. En fin de compte, je pense qu’il y a des citoyens qui aimeraient avoir la possibilité de bénéficier d’une assurance maladie beaucoup moins chère, quitte à se contenter d’un service un peu plus restreint que le catalogue extrêmement large d’une assurance qui n’a de base que le nom.